Depuis les Iles Canaries jusqu’en Egypte, en passant par le Sahel, des millions de Berbères célèbrent le nouvel an Amazigh, une des plus anciennes fêtes de l’Humanité.
Depuis quelques décennies, cet événement fait couler beaucoup d’encre, notamment depuis sa reconnaissance officielle au Maroc et en Algérie…Deux Etats sur treize, un bon pas !
Contrairement aux idées reçues qui réduisent cette fête à un simple repas de couscous avec cinq ou sept légumes, ou à une coutume folklorique, Yennayer est un événement universel, fêté sous différents noms et différentes formes pour rendre hommage à dame Nature.
A la différence avec les « nouvel an » chrétien, juif ou musulman qui coïncident avec un événement religieux, Yennayer n’a pas de connotation religieuse. A l’instar de Nourouz chez les Iraniens qui célèbrent le renouveau du printemps, ou des Chinois et des Hindous le retour de la Lumière et des Couleurs.
Yannayer est une fête consacrée à la terre nourricière et au cycle des saisons et des équinoxes, il est basé sur le calendrier agraire qui remonte à la haute antiquité, déjà utilisé dans l’Egypte ancienne pour anticiper sur les crues du Nil.
Cependant, cette célébration, bien qu’occultée, négligée ou méprisée par le passé, revient de plus belle comme une plante piétinée qui refuse de rendre l’âme. C’est le fleuve détourné qui petit à petit reprend son lit, envers et contre l’Histoire… Qui finira bien par corriger sa copie.
Histoire de Yennayer et sur Yennayer
De nos jours, Yennayer est célébré, selon les régions et le climat, entre le 12 et le 14 janvier. Mais la tradition n’a pas toujours été ainsi, car dans les temps jadis, il était célébré sans interruption pendant 21 jours, allant du 8 au 28 janvier.
Cependant, au fil de l’Histoire et des évènements, trois jours ont été bannis et retirés, considérés comme des jours de malheurs. Il s’agit du 9, 10 et 11 janvier. Qui correspondaient à la mort de Jugurtha, survenue un 9 janvier en l’an 104 avant l’ère chrétienne, de Massinissa un 10 janvier en 148 avant Jésus Christ, et de la Kahina, morte beaucoup plus tard un 11 janvier de l’an 81 après l’hégire. Ces trois jours de deuil ont été exclus progressivement du calendrier des festivités.
Yennayer est une fête agraire très ancienne, elle était déjà célébrée avec faste dans l’Egypte antique, pour rendre hommage au Nil source de vie, et aussi aux Rois-Pharaons considérés comme les protecteurs de ce grand fleuve et de sa terre nourricière, et les garants de la prospérité du peuple.
D’ailleurs en Algérie, notamment dans les Aurès, d’aussi loin que l’on s’en souvienne, Yennayer s’appelait et s’appelle toujours la fête de Pharaon.
Tout comme chez les Beni-Snous, près de Tlemcen, qui célèbrent Ayrad (le surnom de Pharaon), ce qui en dit long sur les liens naturels entre l’Egypte de l’Antiquité et l’Afrique du Nord… ou l’inverse pour les puristes !
A bien considérer, il n’existe aucune frontière géographique qui sépare les habitants de ce vaste pays amazigh, qui va des Iles Canaries à la mer Rouge, qui jadis englobait le Sahel qui était verdoyant jusqu’à il y a moins 5000 ans. La frontière est dogmatique, elle n’existe que dans la tête des égyptologues et des historiens de tous bords.
Quand les saisons rythmaient la vie des hommes
Dans les régions montagneuses et les hauts plateaux, la saison hivernale est dure. Elle arrive juste après les labours et les semences de l’automne pour camper ses fourches caudines de décembre à janvier, les mois les plus durs.
Avec le froid et la neige, la famille s’apprête à vivre en autarcie avec le cheptel dans le même foyer pendant près de 50 jours. C’était la dure réalité de l’agriculteur… Et ses enfants. Pour les douillets qui n’ont pas connus cette vie, un vieil adage de chez nous dit : N’oublie pas que l’eau avant d’être tiède, elle fut d’abord froide !
Avant de se barricader et affronter l’hibernation, une intense activité s’empare des villages, on désinfecte les bêtes, on oint les cornes des bœufs, on lave les outils ainsi que le linge de maison, on vérifie les réserves alimentaires… Et sans oublier toutefois de ramener une immense branche de sapin ou de pin, qui va trôner dans un coin de la chaumière pendant tout l’hiver.
Une fois que la neige aura bloqué toutes les issues, chaque soir on brûlera quelques brindilles avec une bougie pour purifier et embaumer l’atmosphère du logis pendant cette période de froid où vont se succéder les jours noirs et les jours blancs. Pas bêtes les ancêtres !
Cette branche de résineux connu pour ses vertus respiratoires et pectorales, est devenue le symbole de Noël chez les chrétiens, c’est l’arbre décoré qui trône aujourd’hui à côté de la cheminée, qu’ils achètent au supermarché sans en connaître ni l’origine ni la signification.
Il est vrai que les religions ont le savoir-faire pour recycler de vieilles coutumes païennes en les sanctifiant. Sur ce coup, peut-être que Saint-Augustín ou Saint Cyprien y sont pour quelque chose ! Ils auraient fourgué le pin de nos ancêtres à l’Eglise encore en plein chantier… Après tout, ça ne mangeait pas de pain !
De même pour les fêtes de Noël, la moitié de la planète pratique cette tradition sans en connaître la signification. Etymologiquement, le mot Noël n’a aucun sens, ni en latin, ni en araméen, ni en hébreux, encore moins en chinois ! Il n’a même rien à voir avec la nativité.
Alors que dans la langue amazigh, aniwel ou anawel il a tout son sens, il veut tout simplement dire un repas cérémoniel dédié à un grand événement. Encore un coup d’Augustin ou Cyprien ? Ou bien même de Tertullien ? Après tout, ces trois lascars, surnommés les pères de l’Église ont tout donné à la chrétienté. Tertullien lui-même est à l’origine du sacro-saint concept de la Trinité. Ce qui n’est pas rien !
Mais soyons sûr que leur pardon est assuré, car Allah est Clément, cependant, à leur décharge, ils ont droit aux circonstances atténuantes. A l’époque Dieu n’avait pas encore fait descendre l’Islam sur les humains, et puis, le bassin méditerranéen était sous la domination du grand Empire eomain et le christianisme balbutiant… Qu’il a fallu bricoler de toutes pièces, avec des croyances anciennes… Même venues d’Ifriquia ! Trêve de digressions revenons aux festivités de Yennayar.
Pendant quatorze jours, du 14 au 28 janvier de semaine en semaine, la fête bat joyeusement son plein.
Après le couscous traditionnel vient la galette, puis le carnaval
Quelques jours après le repas de Yennayer qui se fête en famille, vient la grande galette à partager collectivement avec les amis et les voisins. Au village, c’est l’occasion des retrouvailles après les jours de réclusion.
Selon les régions, c’est une galette à base d’orge fourrée de fruits ou d’herbes aromatiques dans laquelle on dissimule une fève dure ou un noyau de datte… Censée porter bonheur à celui qui s’y cassait les dents !
Encore une coutume qui fait penser à l’Epiphanie que l’Occident pratique de nos jours avec la galette des Rois, qui fait le bonheur du tiroir-caisse des boulangères.
Cependant, son origine est antérieure à l’Eglise, puisqu’elle était pratiquée déjà dans l’Egypte antique et en Afrique du Nord bien avant le christ… Imaginons Jésus chez les Pharaons, c’est de la fiction !
Après la galette, vient la cérémonie du Carnaval. Les jeunes septuagénaires, non encore atteint par Alzheimer, à l’instar de votre plumitif, l’ont tous connue, même si sous des noms différents. Petits, nous nous déguisions pour aller de maison en maison quémander quelques friandises, parfois une simple bénédiction faisait l’affaire.
Cette fête résiste encore dans certaines contrées, la mémoire collective est tenace, elle se souvient encore de ses traditions gravées dans son ADN. Malgré son bannissement par nos Oulémas la considérant comme païenne, elle revient de plus belle.
Elle s’appelle l’adjouza ou Boughendja dans l’Algérois, Ayarad à l’ouest de l’Algerie, Bounane dans les Aurès et Biskra, Akvouche boumghar en Kabylie (la citrouille du vieux) … Tiens ! La citrouille ? Comme dans Halloween !
Cependant, bien que portant des noms différents, le thème de ce carnaval reste le même. Tous les enfants se déguisent et vont frapper de porte en porte pour recevoir un présent.
Au Maroc, selon les régions, il porte le nom de Boujloud ou Boudmawen.
Ce Boudmawen mérite, cependant, un petit détour intéressant. Littéralement, ce mot veut dire celui qui a deux visages, symboliquement une face qui regarde vers le passé et l’autre vers l’avenir, pour désigner l’année qui s’en va et la nouvelle qui arrive.
Chez les Romains, ce personnage ou ce dieu s’appelait Janus, il possédait également deux visages, l’un qui regarde vers le passé et l’autre l’avenir. Janus qui aurait donné le nom de janvier qui ressemble étrangement à Yannayer ! Ou l’inverse pour les pinailleurs… Qui doivent toutefois répondre à l’énigme de l’œuf ou la poule !
Ce carnaval, à y bien regarder, rappelle étrangement celui de Halloween devenu très populaire de nos jours dans le monde anglo-saxon qui, lui aussi avait disparu des radars pendant des siècles en Occident, mais qui revient de plus belle comme un boomerang.
Son folklore et son histoire ressemblent à s’y méprendre à celui du carnaval amazigh. Ou l’inverse pour les sceptiques !
Dans le passé, bien avant la Chrétienté, il était célébré chez les Celtes, jusqu’à l’oukase des oulémas de l’Eglise qui mit fin à cette pratique la considérant païenne.
Cependant, c’est grâce aux Irlandais émigrés en Amérique du Nord que cette tradition « appelée Halloween » est réapparue au grand jour… Pour revenir de plus belle.
Que viennent faire les Irlandais dans cette histoire ? C’est encore une autre histoire plus passionnante qui appartient à la grande Histoire, qui a parfois le don cocasse de se jouer de l’ignorance des Hommes.
Abou Saïd Iridou
L’historicité de l’événement est fort probable avec tous les faisceaux successifs et surtout avec l’apport certain de St Augustin, St Ciorien et St Donat a la chretienneté. En Somme’s, Les religions se sont bien inspirés et usé des cultes païens. Autant on en remonte le temps, ce sont les memes fondements.