28 mars 2024
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1406 ans et après ?

Mohamed Arkoun, Ibn Khaldoun :

1406 ans et après ?

C’est par un concours de circonstances que je reprends à mon compte la date de 1406 considérée par Mohamed Arkoun comme le début de la clôture dogmatique de la pensée en Islam.

Il va s’en dire que la figure d’Ibn Khaldoun ou plus exactement c’est de la rationalité analytique dont il fait preuve dans ses Prolégomènes qui nous interpelle. Et pourtant, on oublie très souvent qu’il est lui-même marqué par le conservatisme figé de la théologie et par un machiavélisme rendu nécessaire par les épreuves politiques auxquelles il s’est soumis en tant que « kateb » des trois dynasties nord-africaines que sont : les Mérinides, les Zianides et les Hafsides. Bref, l’écrit chez Ibn Khaldoun est indissociable des vicissitudes de l’aventure individuelle intimement liée aux soubresauts politiques du Maghreb médiéval.

Quoiqu’il en soit, il résulte de cette aventure, un non-dit de la biographie non pas qu’il triche un peu sur la généalogie mais qu’il ne dit quasi rien sur sa formation intellectuelle au cours de laquelle, il a acquis l’essentiel de ses connaissances de base qui ont rendu possible la théorie de la civilisation humaine et de l’histoire des dynasties musulmanes du Maghreb. A tout point de vue, la pensée khaldounienne résiste à la critique parce qu’elle recèle des lignes de force qui permettent aux concepts qu’il a forgés de rester opérationnels. Quelques-uns de ces concepts sont toujours valables et ils sont toujours employés en sociologie, en anthropologie et en histoire. Mais d’un point de vue épistémologique, il faut bien admettre que sa philosophie de l’histoire intensément soumise à la circularité du temps, subsume toute la période antique de l’Afrique du Nord. Et c’est précisément dans le déploiement de l’historicisme khaldounien que nous décelons des faiblesses conceptuelles dans l’exercice de la pratique sociologique.

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En effet, l’histoire généalogique comme construction théorique est entièrement consacrée aux Etats dynastiques et oblitère de facto, le hors champ politique comme si les sociétés segmentaires n’avaient pas d’histoire. Cet usage de la raison historique auréolée par l’hégélianisme est défait, une trouée de la temporalité sectionnée par la logique islamique qu’il considère comme seul mode opératoire de la pensée. C’est une part non négligeable du système de la pensée musulmane mis en place progressivement par l’Etat califal. Nous ne reviendrons pas sur l’ordonnancement des savoirs en islam et des options thématiques qui réservent un statut à part à la science historique. Toutefois, si la pensée d’Ibn Khaldoun nous renseigne sur l’état des sociétés maghrébines médiévales, en retour, le hors Etat est ignoré jusqu’au point où il ne saisit pas du tout le passé antique assombri par des considérations mythologiques. Et pourtant, il a bien vu de ses propres yeux, les vestiges archéologiques en terre africaine d’avant l’islam. Plus grave encore, il n’a pas pu saisir l’évanouissement historique des tribus qui n’ont pas toutes participé à la guerre de légitimité de l’Etat. De ce constat, nous pouvons déduire que la traversée du désert de la pensée islamique réduite à un fort taux de coalescence de la théologie et de la philosophie dont nous sommes tributaires encore aujourd’hui, prolonge la situation de crise parce que précisément la doctrine islamiste prenant le relais de l’échec du panarabisme et de l’avortement de la renaissance arabe (Nahda) perpétue par l’effet rétroactif, la guerre de légitimité (Fitna) au cours de la grande discorde de l’islam primitif poursuivie depuis et dont la plus célèbre est celle qui a opposé les rationalistes Mutazila aux théologiens dogmatiques. L’aveu d’impuissance de la philosophie face à la théologie (Imam El Ghazali) est la marque indélébile de la mésaventure de la raison en Islam. Il rend compte du désarroi des intellectuels musulmans poussés à exprimer leur impertinence en mettant en exergue toutes sortes de sciences islamiques. Face à une telle situation aporétique, la proposition d’un islam sans religion de Mohamed Arkoun qui s’inspire du christianisme ne peut que choquer, par-dessus tout, les adventistes. Quant à moi, je crois que la solution est ailleurs. Il faut impérativement se débarrasser des aspérités convulsives de la restauration d’un Islam des origines afin de penser un Monde-monde pris dans les tourments d’une existence de plus en plus virtuelle. Les défis pour l’homme sont énormes. Par-dessus tout, peut-on penser la réalité globale et la singularité nord-africaine en mettant au centre l’homme amazigh non seulement comme monade mais aussi comme entéléchie selon le sens donné par L. Leibniz aux deux termes.

Auteur
F. Hamitouche

 




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