Lundi 6 août 2018
16 ouvriers agricoles étrangers meurent dans deux accidents en Italie
Seize ouvriers agricoles étrangers sont morts en 48 heures dans deux collisions entre des fourgonnettes revenant des champs et des camions transportant des tomates en pleine saison des récoltes dans le sud de l’Italie, un drame révélateur de la situation précaire de ces travailleurs face à laquelle le gouvernement a promis de réagir.
Samedi après-midi, quatre Africains sont morts et quatre autres ont été grièvement blessés dans un accident et, lundi après-midi, une autre fourgonnette s’est retrouvée projetée par un camion : aucun de ses douze occupants, tous des étrangers, n’a survécu.
Les deux accidents ont eu lieu dans la région de Foggia, dans les Pouilles, où des milliers d’ouvriers agricoles africains mais aussi polonais, bulgares ou roumains passent l’été à ramasser les tomates sous un soleil de plomb.
Bien qu’ils soient en général tous en situation régulière, rares sont ceux qui bénéficient des conditions de travail et de rémunération requises par la loi et beaucoup logent dans des squats ou des bidonvilles.
Et ils sont souvent à la merci des « caporali », des recruteurs parfois liés aux réseaux mafieux, qui organisent leur transport et prélèvent une partie de leur rémunération.
Pour s’en affranchir, les ouvriers agricoles essaient souvent de s’organiser de manière autonome, à vélo ou dans des véhicules faits de bric et de broc.
Depuis des années, les syndicats et les associations qui viennent en aide aux travailleurs migrants réclament la mise en place d’un système de transports publics pendant la haute saison des récoltes autour de Foggia.
Le président de la région des Pouilles, Michele Emiliano, un membre de l’aile gauche du Parti démocrate, a expliqué lundi que la région avait prévu un budget à cet effet.
Plus d’inspecteurs
« Mais pour le mettre en place, nous avons besoin de la collaboration des exploitations agricoles, qui doivent en faire la demande dans la plus grande transparence, en communiquant le nombre des travailleurs, les horaires de travail et les trajets. Cela n’est jamais arrivé jusqu’à présent », a-t-il regretté.
Les exploitants agricoles sont en effet eux-mêmes soumis à la pression de la grande distribution pour faire baisser les prix.
Le ministre du Travail, Luigi Di Maio, le chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste), allié à la Ligue (extrême droite), a promis lundi d’augmenter au plus vite le nombre des inspecteurs.
« Il est nécessaire de supprimer une fois pour toute la plaie des¨+caporali+. Un système honteux qui exploite le désespoir de personnes prêtes à tout pour travailler », a-t-il affirmé.
Le chef du gouvernement, Giuseppe Conte, a annoncé lundi soir qu’il se rendrait mardi à Foggia pour exprimer la solidarité du gouvernement.
Au cours d’une assemblée organisée dimanche, après le premier accident, dans l’un des bidonvilles de la région, des dizaines d’ouvriers agricoles africains ont décidé d’observer une journée de grève mercredi, a annoncé à l’AFP Aboubakar Soumahoro, un délégué du syndicat USB.
« A l’aube, les ouvriers agricoles vont marcher dans les campagnes pour aller jusqu’à Foggia, afin de réclamer des conditions de travail dignes », a-t-il expliqué.
« Malgré les différentes interventions des institutions et de la société civile et un dialogue toujours plus poussé dans la lutte contre l’exploitation, chaque été on se retrouve obligé de commenter la mort de travailleurs italiens et étrangers dans le secteur agroalimentaire », a déploré l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
« Nous ne devons, nous ne pouvons pas rester indifférents face à nos frères morts aussi tragiquement », a réagi Mgr Vincenzo Pelvi, l’archevêque de Foggia, qui a célébré une messe dans la soirée à la cathédrale afin de prier pour les morts et le rétablissement des blessés.