20 janvier 2025
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2024 : une année algérienne de désenchantement et d’espoirs déçus 

Faire la rétrospective de l’année 2024, c’est dérouler  la trame d’une actualité algérienne trop anxiogène pour les Algériens qui ne savent plus où donner de la tête.

La cause ? Une gouvernance qui a fait le choix de la repression des libertés. Sans vision claire, les tenants du pouvoir rament contre le sens de l’histoire. 

Excepté la parenthèse estivale qui a procuré de belles émotions aux Algériens grâce au triomphe éclatant aux Jeux olympiques de Paris de l’excellente boxeuse Imane Khelif, symbole d’une Algérie capable de réussir en se surpassant, l’année 2024 aura été comme les précédentes : des réussites infimes et beaucoup de déconvenues sur les plans politique et socio-économique. 

Bref, rien de nouveau sous le pâle soleil de la nouvelle Algérie qui se drape toujours des oripeaux de l’ancienne avec la liberté en moins. 

Autoritarisme et populisme outrancier sur le plan interne, une politique étrangère sur le mode de la défiance, manquant de vision prospective dans un environnement géopolitique dominé par des tensions complexes, et une gestion économique erratique qui peine à alléger le coût du couffin de la ménagère sont des facteurs qui façonnent un quotidien qui ne chante guère. 

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Au milieu de ces défis, le processus démocratique reste bloqué, prisonnier qu’il est  d’anciens réflexes qui donnent, par la brutalité d’un pouvoir hors sol, son orientation à la politique actuelle du pays. 

Dans ce contexte, le renouvellement présidentiel par les urnes, le 7 septembre dernier, a renforcé les dynamiques internes existantes, confirmant un statu quo politique difficile à renouveler. 

L’actualité de la dernière semaine de décembre nous a donné à voir un pouvoir qui renvoie de lui l’image absurde et pathétique de Don Quichotte guerroyant contre les moulins à vent. Une image incarnée par Abdelmadjid Tebboune qui va en guerre contre un simple hashtag diffusé sur les réseaux sociaux et s’en prend au monde entier, tant et si bien que l’Algérie se retrouve isolée et sans plus de crédit. 

Tebboune, un 2e mandat délégitimé par une fraude massive 

Le score préfabriqué à coup de scabreuses manipulations des chiffres par l’Anie de Mohamed Charfi (certainement dépassé par des pressions exogènes) et la Cour constitutionnelle qui a permis à Tebboune de rempiler pour un deuxième mandat présidentiel ont montré le peu de cas qui est fait de la démocrati et partant, de la souveraineté populaire. 

L’alternance et le libre accès aux responsabilités politiques, le choix des représentations locales et nationales par le peuple, à travers le jeux des élections reste un pis-aller.

De  fait, les résultats sortis des urnes le 7 septembre dernier, complètement délégitimés par la fraude, ont mis en évidence une dérive autoritaire préoccupante, marquant un tournant inquiétant dans l’évolution du pays.

La stabilité politique et sociale du pays est-elle donc à ce prix ? 

Réélu avec un score à la soviétique qui lui donne les coudées franches, évoluant dans un champ politique et social débarrassé de tout contre-pouvoir (mise au pas des médias, des partis politiques, des syndicats, de la justice…), Abdelmadjid Tebboune peine à surmonter les défis sociaux persistants : le chômage et l’inflation sont toujours en courbe ascendante. A croire que même seul sur une piste de course, Tebboune risque d’arriver 2e.

L’économie qui a montré des signes de reprise reste soutenue par une hausse des prix du pétrole. Cette dépendance aux hydrocarbures constitue beaucoup plus un handicap qu’un atout et un levier pour une économie réellement productive et la création d’une richesse pérenne. A contremploi, elle demeure un instrument de rente redistributive au profit des clientèles du pouvoir.

Les efforts de réforme économique, visant à diversifier l’économie et à améliorer le climat des affaires sont plus visibles dans le discours médiatique que dans les faits. Rien de concret en somme ne ruisselle du haut vers les bas-fonds du peuple.

Signe de cette gouvernance poussive, Abdelmadjid Tebboune a « consommé » trois équipes gouvernementales durant son premier quinquennat. L’actuelle gouvernement dirigé par Larbaoui survivra-t-il aux sautes d’humeur d’un chef d’Etat habitué à tancer ses ministres pour leur endosser les échecs de ses choix de gouvernance ? Peu sûr.

Concédons quand même au locataire du palais El Mouradia la mise en œuvre de quelques projets structurants : les cinq stations de dessalement de l’eau de mer en cours de réalisation, le lancement  de plusieurs projets dans le secteur des mines, à l’instar « du mégaprojet de mine de fer de Gara Djebilet, et celui du phosphate intégré, ou encore celui du zinc et de plomb d’Oued Amizour dont l’entrée en exploitation devrait avoir lieu au cours de l’année prochaine, de nombreux projets sont également sur la liste », annoncent les médias algériens dans un unanimisme triomphal.

Mais cela ne saurait cacher les hésitations qui caractérisent la conduite de nombreux  secteurs. A l’exemple d’un département aussi stratégique que celui du commerce. Les deux ministres qui se sont succédé à sa  tête n’arrivent pas à mettre de la régulation dans un marché sujet à de fréquents déséquilibres et ruptures en produits de consommation courante. 

Cette situation qui touche directement à la vie quotidienne des citoyens, a obligé le ministère du Commerce intérieur et de la Régulation du marché à « procèder à une révision en profondeur de l’ensemble des textes réglementant le secteur. Pour cela, un projet de loi spécifique sur l’approvisionnement, la régulation du marché et la protection du pouvoir d’achat est en cours d’élaboration », lit-on dans la presse de ces derniers jours.

Des tensions sociales persistent dans certaines régions, liées notamment à des revendications sociales et à des problèmes de gouvernance locale. 

L’apparition de foyers épidémiques de malaria au sud du pays est également symptomatique de l’indigence des politiques sanitaire et de gestion de l’environnement urbain.  

Politique étrangère : limites de la diplomatie de « la défiance »

Fondée historiquement sur le paradigme de non-ingérence et de non-intervention à l’extérieur, la politique étrangère de l’Algérie fait face aujourd’hui à de nombreux défis périlleux. 

L’Algérie est bousculée dans son voisinage immédiat, en Libye et au Sahel, par l’intrusion de puissances étrangères (Turquie, Emirats arabes unis, les mercenaires russes de Wagner…) qui lui disputent sa présence dans un espace qui constitue sa profondeur stratégique naturelle. 

Pire, cette situation aggravée par la prolifération de groupes armés puissants (JNIM…) à ses frontières renforce les menaces qui pèsent sur sa sécurité intérieure. 

« L’intervention militaire de la Turquie au côté du Gouvernement d’union nationale (GUN) face à l’offensive de l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar, soutenue par les Émirats arabes unis et l’Égypte, laisse peu de place à la perspective de dialogue que prône Alger », analyse Brahim Oumansour, directeur de l’Observatoire du Maghreb, chercheur associé à l’IRIS, auteur de L’Algérie, un rebond diplomatique (Eyrolles, 2023, in Aerion24 News)

Au Sahel, les bouleversements politiques intervenus dans cette région ont bouleversé la stratégie d’influence déployée depuis des décennies par l’Algérie qui a du mal à trouver ses marques face aux régimes issus du coup d’État militaire de 2021.

Après avoir décidé de mettre fin aux accords d’Alger qui prônaient la réconciliation entre le nord et le sud du pays, le colonel Assimi Goïta qui s’est autoproclamé chef de l’État le 28 mai 2022, a intensifié la répression contre la rébellion touarègue, faisant des zones frontalières immédiates avec l’Algerie un théâtre d’affrontements. A la clé : des massacres de civils touaregs dans l’Azawad.

L’implication des mercenaires russes de l’Africa corps (groupe paramilitaire de l’ex-Wagner) dans ces offensives a provoqué des tensions entre les dirigeants maliens et Alger qui s’inquiète d’un nouvel embrasement régional. 

Le positionnement ambigüe de l’Algérie dans la crise russo-ukrainienne n’a pas eu que des conséquences heureuses. Si l’Algérie a pu engranger d’énormes bénéfices sur la vente du gaz aux Européens suite à la crise énergétique provoquée par le guerre en Ukraine (les réserves de change ont presque doublé, passées d’environ 45 milliards de dollars en 2021 à 85 milliards de dollars en 2023),  elle (l’Algérie) a gravement compromis ses relations avec Moscou, un allié stratégique qui remonte aux premières années de l’indépendance. 

Avec l’Union européenne, les relations diplomatiques de notre pays ont évolué en dents de scie, compromettant ainsi son ambition d’être le principale interlocuteur du sud de la Méditerranée de l’entité  européenne dans un contexte de rivalité avec le Maroc autour du Sahara occidental 

Une question qui constitue le baromètre des relations bilatérales  de Algerie avec l’ensemble de ses partenaires étrangers. 

La récente reconnaissance par le président Emmanuel Macron de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental a envenimé des relations avec la France.

Les enjeux liés à un contentieux non encore résolu d’une mémoire et d’une histoire partagée alimentent d’incessantes frictions entre les deux pays. Elles se sont exacerbées curieusement en cette fin de l’année 2024, avec la remise du prix Goncourt au journaliste et écrivain Kamel Daoud pour son roman Hourris, et l’arrestation de l’écrivain franco-algerien Boualem Sansal. 

JO Paris 2024, Imane Khelif et Kaylia Nemour, des motifs de fierté nationale 

L’année 2024 a été marquée par de belles performances sportives. Les athlètes algériens ont montré qu’ils avaient leur place sur la scène internationale. Les victoires d’Imane Khelif et de Kaylia Nemour sont un symbole de cette réussite.

L’Algérie a brillé avec plusieurs médailles, notamment grâce à : Djamel Sedjati : Médaille de bronze au 800 mètres;  Kaylia Nemour : médaille d’or en gymnastique. Son parcours est une véritable inspiration pour la jeunesse algérienne; Imane Khelif : médaille d’or en boxe. 

Les performances d’Imane Khelif ont été l’un des faits marquants des JO de Paris. Ses victoires ont été saluées à l’échelle internationale, mais elles ont également suscité des débats sur les questions de genre dans le sport.

 Malgré ces controverses, Imane a su garder son calme et a continué à briller sur le ring. Son parcours est un exemple de détermination et de courage.

Kaylia Nemour : une surprise de taille

La médaille d’or de Kaylia Nemour en gymnastique a été une véritable surprise. Sa performance exceptionnelle a placé l’Algérie sur la carte mondiale de cette discipline. Même si elle s’entraîne en France, son parcours est une source d’inspiration pour tous les jeunes sportifs algériens qui rêvent de briller sur la scène internationale.

Culture : menaces sur la liberté de création 

Le Salon international du livre d’Alger (Sila) a été l’événement majeur de l’année. Une affluence populaire record a marqué cet événement littéraire. Le Sila a été éclaboussé par l’interdiction qui a frappé Koukou éditions et quelques maisons d’édition françaises habituées de ce salon.

Ce succès populaire ne peut servir de l’arbre qui peut cacher la forêt de la censure et de l’exclusion des éditeurs jugés non politiquement corrects. La librairie Cheikh à Tizi-Ouzou a été fermée pendant plusieurs jours par le wali. La police a fait une incursion musclée dans une autre librairie à Bejaia. En vrai, les polémiques ont continué de marquer la scène culturelle algérienne en 2024: 

Ce roman, lauréat du prix Assia-Djebbar, paru au mois de juin 2024, a été au cœur d’une controverse qui a mis en lumière les tensions entre les défenseurs de la liberté d’expression et les partisans d’une morale plus conservatrice.

L’histoire de Houaria, une femme confrontée à la violence et à la précarité, a été jugée trop crue et choquante par certains lecteurs. L’utilisation d’un langage familier, voire cru, et l’exploration de thèmes sensibles tels que la prostitution et la violence ont provoqué l’indignation de certains.

Les détracteurs du roman ont estimé qu’il portait atteinte aux valeurs traditionnelles et à la morale de la société algérienne. Cette affaire a relancé le débat sur la liberté d’expression en Algérie et sur les limites de la censure. 

La polémique a suscité une réflexion sur le rôle de la littérature dans la société et sur sa capacité à provoquer le débat et à faire évoluer les mentalités. Le personnage de Houaria a mis en lumière les difficultés auxquelles sont confrontées les femmes en Algérie.

Ces polémiques sur des oeuvres littéraires sont un indicateur sérieux sur l’état d’esprit d’intolérance mais aussi d’une censure impitoyable qui rongent le pays.

Les étudiants en medecine mènent depuis plusieurs semaines un mouvement de grève sans se faire entendre par leur tutelle. C’est le seul mouvement de grève mené dans un climat autoritaire. Ces futurs spécialistes en médecine demeurent toujours en grève. Au lieu d’ouvrir des canaux de communication, le pouvoir les a accusés d’être manipulés par le Maroc, l’éternel ennemi. Cette attitude en dit long sur le peu de considération qu’a le pouvoir des étudiants.

Samia Naït Iqbal

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