La librairie Transit de Marseille a été le lieu d’une rencontre marquante autour du roman Une fille sans histoire, un premier ouvrage émouvant de Tassadit Imache, publié en 1989.
Ce texte, profondément humain, raconte l’histoire de Lil, une jeune fille franco-algérienne née pendant la guerre d’Algérie, qui doit affronter les démons du passé et les blessures de l’histoire familiale, tout en cherchant à comprendre sa place entre deux cultures et deux pays.
L’événement, animé par Nora Mekmouche, a vu la participation émotive de Faïza Guène, qui a écrit la préface de cette réédition et a partagé cette préface avec le public, lui conférant une dimension particulièrement touchante. Avec une sensibilité palpable, Faïza Guène a lu quelques passages de son introduction, ajoutant une force émotionnelle à la rencontre. Les mots de Guène ont permis au public de saisir la profondeur de ce texte et les enjeux que soulève l’écriture de Tassadit Imache.
L’histoire de Une fille sans histoire s’ouvre sur le récit de Lil, une enfant d’origine algérienne, qui grandit en France durant la guerre d’Algérie. Le roman, loin d’être une simple chronique familiale, explore les questions d’identité, de mémoire et de transmission. Lil, déchirée entre la France et l’Algérie, se débat avec l’oubli imposé par sa mère, qui cherche à effacer les blessures du passé.
À l’école, Lil n’apprend rien des horreurs du colonialisme ni de l’Histoire traumatique qui pèse sur sa famille, un silence qu’elle n’arrive pas à comprendre. Mais au fur et à mesure que l’histoire de ses parents ressurgit dans sa mémoire, Lil se retrouve confrontée à l’impossibilité de se défaire de cette histoire, de cet héritage lourd qui la façonne, tout en l’empêchant de vivre une enfance normale.
À travers ce roman, Tassadit Imache interroge la construction de soi dans un contexte où l’identité est constamment partagée entre deux mondes et deux mémoires contradictoires. La quête de Lil pour comprendre son passé et sauver les visages de ceux qui l’ont précédée, tout en habillant son histoire personnelle, résonne puissamment auprès des lecteurs, d’autant plus dans le contexte actuel de mémoire de la guerre d’Algérie, encore souvent oubliée ou minimisée dans les discours publics.
L’écriture de Tassadit Imache, qualifiée de « retenue » par Le Monde lors de la sortie du roman, s’avère particulièrement saisissante dans sa simplicité. Chaque mot, chaque image est choisie avec soin pour transmettre une émotion brute sans surcharger le récit. Cette écriture sobre, mais vibrante de sens, permet aux lecteurs de ressentir toute la douleur et l’ambiguïté du parcours de Lil, tout en laissant place à une forme de rédemption personnelle.
Durant la rencontre, les participants ont eu l’occasion de discuter de l’œuvre, et l’auteure elle-même a pris la parole pour lire des passages choisis, un moment intense où les mots ont pris une résonance particulière. Cette lecture a fait ressortir l’intimité du texte, renforçant l’émotion collective et l’implication des lecteurs dans cette exploration de l’identité et du passé.
Depuis Une fille sans histoire, Tassadit Imache n’a cessé d’explorer les thèmes de l’exil, de l’identité et de la mémoire à travers ses huit romans, dont Le Dromadaire de Bonaparte (1995), Presque un frère (2000), et plus récemment Le Voyage empêché (2023). Chaque œuvre approfondit ces questions, offrant des perspectives nouvelles et toujours aussi poignantes sur la condition des « enfants de l’exil ».
Ce roman, réédité avec une préface de Faïza Guène et une postface inédite de l’autrice, est un ouvrage fondamental pour qui s’intéresse à l’histoire de l’immigration, à la guerre d’Algérie et aux récits qui souvent ne sont pas racontés.
La rencontre à la Librairie Transit a ainsi permis aux participants de se plonger dans un passé toujours vivant, de poser un regard nouveau sur des mémoires longtemps occultées et de discuter de ce qui fait l’histoire personnelle de chacun, façonnée par les cicatrices de l’histoire collective.
À travers la lecture et les échanges, Une fille sans histoire devient bien plus qu’un simple récit. Il devient une invitation à se réconcilier avec les fragments d’histoire que l’on porte en soi, à les reconnaître et à leur donner la place qu’ils méritent.
C’est aussi une réflexion sur la manière dont l’Histoire s’écrit, se transmet et se vit au quotidien, dans les silences comme dans les paroles.
La question qui sous-tend tout le livre et qui a traversé la discussion lors de cette rencontre est simple mais cruciale : comment peut-on vraiment se définir, quand le passé et les héritages multiples nous empêchent de nous raconter une histoire simple ?
Une question qui résonne encore dans l’esprit de tous ceux qui ont assisté à cet échange vibrant autour du livre de Tassadit Imache.
Guettala Djamal