Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot est revenu sur cette semaine de toutes les ruptures entre l’Algérie et la France. Malgré les coups de mentons et les déclarations comminatoires, pour lui, comme pour l’Algérie, seul le dialogue doit prévaloir pour sortir de la crise.
« Je dis simplement que si nous voulons des résultats pour les Françaises et les Français, il nous faudra un jour ou l’autre revenir à un dialogue franc, lucide et exigeant avec les autorités algériennes. » En lançant cet appel sur France Inter, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a tenté de réaffirmer une ligne de conduite qu’il sait fragile : celle du dialogue comme seule voie possible dans une relation bilatérale minée par une succession de tensions politiques et diplomatiques.
Depuis l’été 2024, les relations entre Paris et Alger n’ont cessé de se détériorer, dans une spirale d’incompréhensions et de gestes perçus comme des affronts de part et d’autre. Tout a véritablement basculé après les élections législatives françaises de juin 2024, qui ont vu l’extrême droite progresser fortement, ravivant des débats virulents sur l’immigration, la mémoire coloniale et la place de l’Algérie dans la politique migratoire de la France. Dans ce contexte, plusieurs déclarations de responsables français, dénonçant le « manque de coopération » d’Alger sur les expulsions d’étrangers en situation irrégulière, ont été jugées offensantes par le gouvernement algérien.
La crise est marquée par le rappel par l’Algérie de son ambassadeur à Paris suite au soutien affiché par la France au plan marocain pour le Sahara occidental.
Après l’épisode des influenceurs algériens qui ont chahuté les rapports entre les deux pays, puis la séquence des OQTF est venue l’affaire de l’enlèvement d’Amir DZ en région parisienne. L’enquête a conduit vers trois Algériens dont un travaillant au consulat de Créteil. Ils sont tous trois arrêtés et l’enquête suit son cours. Cet épisode a particulièrement irrité les autorités algériennes qui accusent le ministre de l’Intérieur français de vouloir torpiller les relations avec la France. Les autorités algériennes expulsent 12 fonctionnaires français d’Alger. La France réplique avec le rappel de son ambassadeur et l’expulsion de 12 fonctionnaires algériens. Un geste de rétorsion qui a envenimé un peu plus une relation déjà sous tension.
« La France a démontré sa capacité à répliquer sans hésiter et avec fermeté », a déclaré Jean-Noël Barrot, tout en martelant que la confrontation ne saurait être une politique à long terme. Pour le ministre, la normalisation est nécessaire, non par faiblesse, mais parce que les enjeux dépassent largement le cadre diplomatique : coopération sécuritaire, lutte contre le terrorisme, gestion concertée des flux migratoires, et surtout, la libération du romancier Boualem Sansal, emprisonné en Algérie depuis l’automne dernier dans des conditions dénoncées par plusieurs ONG.
Cette volonté de dialogue assumé est percutée par des affaires dont les médias français se saisissent pour les amplifier. Emmanuel Macron lui-même en avait fait l’expérience, oscillant entre gestes d’ouverture mémorielle – comme sa reconnaissance des crimes coloniaux – et propos maladroits sur « la rente mémorielle du régime algérien », qui avaient provoqué en 2021 une crise diplomatique retentissante.
Le déplacement de Jean-Noël Barrot à Alger début avril, au cours duquel il a rencontré son homologue Ahmed Attaf et le chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune, s’inscrivait dans une tentative de désescalade. « Il fallait donner sa chance au dialogue », a-t-il expliqué, soulignant que cette rencontre avait permis d’obtenir certains engagements. Mais à ce stade, leur mise en œuvre reste incertaine.
Si certains à Paris dénoncent une ligne trop conciliante, le ministre des Affaires étrangères assume : « Nous avons intérêt à avoir une relation normale avec l’Algérie ». Et de rappeler que l’Algérie, malgré les différends, reste un partenaire incontournable, non seulement pour la France mais pour l’Europe entière, notamment sur les questions énergétiques, migratoires et de sécurité au Sahel.
Mais pour sortir de cette logique de crise cyclique, encore faut-il dépasser les réflexes de méfiance et les récits antagonistes. Pas seulement, les deux pays ont intérêt à débrancher les extrêmes droites française et algérienne de ces rapports afin de tenter d’avancer. Sans une reprise en main forte, les ennemis d’une réconciliation de part et d’autre de la Méditerranée seront toujours là pour torpiller les initiatives.
À ce titre, le défi est autant diplomatique que symbolique : il s’agit de reconstruire une confiance mutuelle.
Rabah Aït Abache
Divorcez en paix et le monde vous sera reconnaissant. Non au mariage de raison. La France n’est pas l’Allemagne, même si la souche est partagée, ni la Belgique ou l’Italie. Les choix stratégiques sont faits et assumés: c’est le Sahara occidental. Les pieds noirs et le Maroc ont leur revanche