22 novembre 2024
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Un Etat « obèse », une société « rachitique » ! 

TRIBUNE

Un Etat « obèse », une société « rachitique » ! 

En  dépit des 1000 milliards engrangés il y a quelques années, beaucoup trop d’Algériens vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Le Covid-19 a remis les pendules à l’heure. Chacun pour soi et Dieu pour tous. L’heure est au confinement lugubre, à la distanciation sociale, à l’hygiène corporelle, à la protection individuelle.

Les Etats se bousculent, les peuples s’affolent. La famine pointe à l’horizon. La mort ou la misère ? L’économie mondiale ralentit, le pétrole ne trouve plus preneur, les denrées alimentaires ne s’exportent plus, leurs prix flambent, les dirigeants s’affaissent. 

Ils attachent leur ceinture de sécurité,  s’occupent des détails oublient l’essentiel, fuient leurs responsabilités, se réfugient dans le mensonge. S’interroger aujourd’hui sur la responsabilité des gouvernements dans l’aggravation de cette situation revient à poser le problème du choix des orientations économiques nationales.

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La promesse d’un développement égalitaire pour tous n’a pas été tenue parce que les ressources du pays ont été dilapidées dans des projets grandioses sans impact sur la  création d’emplois productifs durables et sur l’absence de développement de l’économie en dehors du secteur des hydrocarbures. Les hommes et les groupes rivaux ne se soucient pas de réfléchir aux problèmes fondamentaux de la société, ni de proposer un programme précis pour les résoudre mais seulement de se maintenir ou d’accéder au pouvoir. 

Cent trente ans d’occupation coloniale ont produit un « peuple vaillant » affrontant, les mains nues avec la foi en un dieu unique, les forces de l’OTAN. Un peuple fier qui ne quémandait pas sa nourriture au colon qui l’exploitait. « Il faut faire suer le burnous ». Il mangeait son propre pain à la sueur de son front. Un pain fait maison à partir des produits du terroir. Il buvait du lait de chèvre et se soignait avec des herbes. Il ne connaissait ni diabète, ni tension artérielle, ni maladies cardiaques. Près de soixante ans d’indépendance l’ont réduit en un « peuple nourrisson », ne parlant aucune langue, qui court derrière le sachet de lait importé.

Le pétrole est pour le peuple algérien ce que le lait est pour le nourrisson. Le lait maternel couvre les besoins du  nourrisson de la naissance à l’âge de six mois. Le geste d’allaiter renforce le lien entre la maman et le bébé.

Le pétrole est plus vital que le lait maternel, il satisfait l’ensemble des besoins de l’algérien du berceau jusqu’à la tombe, du biberon jusqu’au linceul, du pain quotidien jusqu’aux voitures de luxe. Les revenus pétroliers et gaziers donnent l’illusion aux algériens d’une mère nourricière éternelle les condamnant à la dépendance et à l’infantilisme. La distribution des revenus pétroliers par l’Etat sous forme de subventions, de salaires ou de licences crée un lien de dépendance toxique aux importations décidées par l’Etat financées par les revenus des hydrocarbures qui se tarissent à vue d’œil.

Le fait que les recettes pétrolières vont pour l’essentiel au gouvernement qui décide de leur répartition et de leur affectation, fait en sorte que le revenu est moins perçu comme la contrepartie d’efforts productifs que comme un droit dont on peut jouir passivement du moment qu’il est octroyé en dehors de la sphère interne de la production.  Le pétrole est pour la société ce que le sucre est pour l’organisme.

Quand le sucre manque au corps humain, le système immunitaire  va le chercher dans la graisse ou dans les muscles mais jamais dans les os. Par contre, un gouvernement qui manque d’argent va le puiser dans les pensions de retraites et des handicapés et non dans les fortunes illicites et les hauts revenus des fonctionnaires de l’Etat. D’un autre côté, l’excès  de sucre dans le corps fragilise les vaisseaux sanguins, le médecin recommande des exercices physiques et un régime alimentaire adéquat combinant sucre lent et sucre rapide. 

Aujourd’hui le « pot de miel » s’est renversé, le patient est dans un coma profond. Le pétrole agit sur la société et sur l’économie comme de la cocaïne. Il provoque une dépendance physique et psychique forte à la fois sur l’Etat, la société et sur l’économie. La solution médicale serait la désintoxication mais cela prendra nécessairement du temps qui fait cruellement défaut d’autant plus que le sujet n’est pas éveillé mais endormi. 

Deux techniques soit l’hypnose soit l’électrochoc. L’hypnose a fait la preuve de son inefficacité. Seul un électrochoc peut le faire sortir de son long sommeil. Un réveil qui peut lui être fatal ou salutaire. Beaucoup de gens pauvres se résignent pour une raison ou une autre et par désespoir de cause se remettent à Dieu. Alors que les riches « parvenus » produits par le régime se sentent souvent coupables de leurs richesses sachant qu’ils ne l’ont pas méritées, c’est  pourquoi ils sont pressés de s’en débarrasser soit en le dépensant de manière intempestive, soit en le plaçant à l’étranger de façon anonyme car une fortune acquise honnêtement ne fuit pas le pays et ne craint pas le regard de la société. Ce n’est pas la richesse ou la pauvreté qui posent problème mais l’origine de l’une comme de l’autre. Le problème n’est pas de perdre la partie mais de truquer le jeu. 

C’est la tricherie qui fait trébucher. On recourt à l’émission de billets (la facilité) au lieu de changer de billet (la difficulté) pour résorber le déficit budgétaire de l’Etat. On se vante de « politique sociale » de l’Etat. Quel euphémisme, quand on sait qu’un handicapé déclaré à inapte à 100 % par la médecine touche une pension alimentaire de 3 000 DA par mois depuis de l’accession de l’Algérie à l’indépendance jusqu’au sursaut populaire du 22 février 2019. 

Que le prix du baril de pétrole soit à 150 dollars ou à un 01 dollar. Rien ne change pour lui ? Le questionnement qui nous semble pertinent est de savoir ; qui a infante ses milliardaires, qui les nourrit et qui les protège ? Qui se cachent derrière ces fortunes ? Pourquoi ne se sont-elles pas transformées en capital productifs ? Pourquoi n’ont-elles pas créées d’emplois productifs durables ? Pourquoi se trouvent-elles à l’étranger fuyant le pays qui les a vus naître ? Aujourd’hui, le pays a besoin de compétence, de ressources et d’énergie pour survivre dans un monde sans état d’âme et sans boussole naviguant au gré des vents. Un peu partout dans le monde et notamment en Afrique, les dictatures militaires ont perdu toute légitimité et ne s’impliquent plus directement dans le débat politique pour ne pas endosser la responsabilité de la faillite économique et financière de l’Etat.

Evidemment, on ne guérit pas une plaie en y retournant le couteau comme on ne peut pas la laisser en l’état,  elle risque de gangréner tout le corps d’autant plus qu’il est imprégné de miel. On peut se relever d’un traumatisme certes mais jamais  du royaume des morts.

Il est vrai qu’après un traumatisme collectif, causé par deux guerres (guerre de libération et guerre civile) en l’espace de quelques années, plonge chaque algérien dans un état de choc violent. Après le choc, on redevient comme un enfant à la recherche d’un père protecteur.

C’est la stratégie de choc elle peut être salutaire comme elle peut être mortelle. Tout dépend de la conviction des leaders et de leurs capacités à mettre en œuvre des réformes structurelles profondes. On peut chercher les responsables sans jamais trouver des solutions. Il n’y a pas de solution individuelle à un problème collectif.

Une cohésion sociale suppose la mise à nu des difficultés et la volonté d’y faire face sans échappatoire et sans faux fuyant, de façon solidaire en faisant appel à la raison. 

La survie du patriarcat a très certainement intérêt à encourager le  triomphe de la défaite. Cette mentalité qui consiste à se dire « après moi le déluge » ou « fais-moi vivre aujourd’hui et jette moi dans l’enfer demain ne peut durer ». Elle condamne nos enfants de façon certaine. C’est dire que la situation est complexe et les causes multifactorielles.

Pour conclure, que de barrages envasés remplis à la faveur des dernières pluies, que de réserves devises engrangées sans changement d’économie politique, que de potentialités mises en jachère, en rebut ou poussées vers l’exil, pour une population majoritairement jeune maladroitement formée en quête d’un emploi  productif dans un pays mal aimé qui marche sur sa tête et réfléchit avec ses pieds, un œil dirigé vers la Mecque et l’autre rivé sur Washington, se retrouvant en fin de parcours à Paris à la recherche d’un second souffle. Nostalgie d’un passé encore présent dans les esprits des deux côtés de la Méditerranée. L’histoire est un éternel recommencement. 
 

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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