Jeudi 11 octobre 2018
Bernard Bajolet a dit tout haut ce que la majorité murmure tout bas
L’ancien ambassadeur de France et ancien patron de la DGSE (espionnage extérieur) n’a rien dit d’étrange de ce que connaissent les responsables et la majorité des Algériens.
Le président de la république est malade, ce n’est un secret pour personne y compris pour les chefs des partis comme Ould Abbes ou Ouyahia qui, dans sa conférence de presse de samedi dernier, a analysé les propos de ce « peu diplomate » tel qu’il se défini lui-même, comme quelqu’un qui fait tout pour brouiller les relations entre l’Algérie et la France.
Le secrétaire général du RND se base-t-il sur le livre de l’intéressé ou sur son entretien au quotidien français Le Figaro pour en faire sa promotion ? En effet, il a prononcé ce jugement de valeur de toute évidence peu diplomatique aussi. Peut être que ce passionné d’espionnage a usé de mots crus comme « vie artificielle », « momification », « débranchement »…
Est-ce pour autant décent de le comparer à un chien qui aboie ou sommes-nous face à une déception qui cache une vérité qui blesse ?
Si tel est le cas, il a dit pire dans son ouvrage surtout dans sa note avant de quitter l’Algérie en 2008. Il faut préciser d’emblée que les missions diplomatiques étrangères sur place à Alger, se concertent entre elles et se rendent compte que des ambassadeurs en poste à Alger depuis des mois attendent d’être reçus par le chef de l’État, comme le veulent les conventions internationales.
La dernière audience que Bouteflika a accordée dans sa résidence remonte à mars 2017. Il ne s’est pas exprimé publiquement depuis mai 2012, quand il s’est adressé directement à ses compatriotes lors d’un meeting à Sétif.
Ses apparitions publiques laissent voir un homme au visage livide et aux yeux caverneux, au point de susciter gêne et affliction chez les Algériens. En quoi une déclaration qui vient d’un étranger est plus choquante que celle de l’Algérien lambda ? Pourtant, tout le long du chapitre dans son ouvrage « Le soleil ne se lève plus à l’est » n’a pas manqué de faire l’éloge d’abord du diplomate Bouteflika puis du président de la république qui le favorisait avec de longs entretiens dont le plus court avait duré 3 heures.
Il a vanté le mérite de ce petit homme qui a soutenu le diplomate Husseini jusqu’à annuler son voyage officiel en France, pourtant programmé de longue date. Lorsqu’il était contraint de s’y rendre pour des soins médicaux, il a refusé de répondre au coup de téléphone du président français au même moment où les médias algériens spéculaient sur le supposé va-et-vient des diplomates français à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce pour des raisons diverses, souvent douteuses.
Il faut dire aussi que cet essayiste, fils de résistant, gaulliste mais qui a trahi De Gaulle pour ne pas avoir voté pour lui en pleurant fortement sa mort, a flirté aussi bien avec les républicains que les socialistes au nom de la neutralité administrative. Cette attitude qui s’apparente à un opportunisme politiquement correct, lui a permis de comprendre le régime algérien pour le décrire d’une manière quasi parfaite au niveau de sa hiérarchie afin de l’inclure dans ses axes stratégiques.
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Il décrivait dans sa fameuse note adressée au Quai d’Orsay qu’aussi bien les richesses gaspillées que le pouvoir – bien avant Bouteflika – sont « accaparés par une nomenklatura indéboulonnable et qui se renouvelle par cooptation, tandis que le peuple, habitué aux (très relatives) facilités de l’État-providence et éloigné de la culture de l’effort qui permettrait au pays de décoller, n’attend lui-même que la distribution d’une partie de la manne, qu’on lui accorde chichement quand il le faut. »
Normalement c’est cette analyse qui se rapproche de la vérité qui aurait pu faire mal à µAhmed Ouyahia et Djamel Ould Abbes pour lui compenser ce cheval, «Qalbi » qui lui tient à cœur, voilà plus trente ans après.