23 novembre 2024
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« On a un beau pays, mais on a trop de voleurs »

Les harragas oranais ne jurent que par l’Europe

« On a un beau pays, mais on a trop de voleurs »

En Algérie, des milliers de personnes ont quitté le pays sur des canots pneumatiques vers l’Europe cette année. Le nombre de harragas arrêtés par les forces de l’ordre a été multiplié par trois. A Oran, le point le plus proche de la côte espagnole, des centaines de jeunes de la ville ont pris la mer depuis le début de l’année.

L’un des points de départ est à l’est de la ville d’Oran. La mer est juste de l’autre côté de la colline. D’ici, beaucoup de jeunes sont partis en Espagne pendant l’année. « Ils disent qu’on ne veut pas travailler. Où est le travail ? J’ai demandé un boulot dans un chantier, alors que ce n’est pas ce que j’ai étudié, mais même là ils ont refusé de m’embaucher, regrette Samir. Il n’y a pas de place. J’ai déposé mon CV dans une usine de brique, mais visiblement ils ont utilisé mon CV pour emballer les cacahuètes. C’est pour ça qu’on n’a pas de raison de rester ici. La solution c’est l’Europe. »

Samir, 23 ans, pense la même chose : « Les gens vont en Espagne juste pour entrer en Europe. Si la France était plus proche, ils iraient en France. Tous les jeunes du quartier, ils sont en Allemagne maintenant. »
Ceux qui sont partis cette année mettent en avant les conditions de vie qui se détériorent, et un malaise dans la société algérienne. Houari, 27 ans, a pris la mer trois fois. A chaque tentative, il a été arrêté, par les Algériens ou par les Espagnols.
Oran, une immense salle d’attente

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« Cette année, ce n’est pas comme l’année dernière. Les gens du pays, au fond de leur cœur, ont décidé qu’ils veulent partir. Les gens sont fatigués, témoigne Houari. Tu demandes dans les autres quartiers si quelqu’un est parti, et c’est comme ça qu’on te met en contact. Tu vas acheter ton gilet, ton moteur, le GPS, la boussole, l’essence. Tu remplis le moteur et puis il faut trouver un guide. Des guides, il y en a beaucoup. »

Houari vit dans le quartier d’Oran surnommé Petit-Lac. Ici, les habitants racontent en riant qu’ils vivent dans une immense salle d’attente, qu’il n’y a rien à faire. Redouane, l’un des amis de Houari, a vu de nombreux voisins partir. « Dans mon quartier, il y en a qui sont morts, d’autres ont disparu, d’autres ne sont jamais revenus. C’est un deuil. Tout le quartier reste endeuillé plusieurs années. Mais ce deuil n’empêche pas les départs, car la situation ici est exécrable », explique Redouane.
« Mieux vaut être mangé par les poissons que par les vers »

Au-delà des conditions socio-économiques, d’autres facteurs renforcent la migration des Algériens. D’abord, le fait que le passage soit de plus en plus simple. De plus, tout le monde connaît désormais quelqu’un qui a réussi à entrer en Europe. « La plupart des jeunes de notre quartier sont partis. Mes amis et mes voisins sont partis en bateau. Tu payes ta place, tu attends que la météo se calme pendant trois jours et tu pries Dieu, la boussole et le GPS. Mon père veut partir en Europe. Il n’y a pas que les jeunes », raconte Enzo, 23 ans.

« On dit qu’il vaut mieux être mangé par les poissons que par les vers, témoigne Nabil, son ami. C’est mieux de partir, peut-être que Dieu décidera que tu peux avoir une meilleure vie là-bas. On a un beau pays, mais on a trop de voleurs. »

 

Auteur
Leila Beratto pour RFI

 




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