« La liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix
“Je veux que la République ait deux noms : qu’elle s’appelle Liberté, et qu’elle s’appelle chose publique.” Victor Hugo
Éric Zemmour a donc officialisé sa candidature le mardi 30 novembre dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Jusque-là, et comme toujours, les médias français ont fait la part belle aux déclarations du polémiste d’extrême-droite alors même qu’il n’avait pas encore sauté le pas. Ne parlons même pas des instituts de sondage qui ont actionné la manivelle pour le mettre à un niveau jamais atteint parmi les « éventuels » candidats.
Le voilà enfin dans la gueule du loup et plus que jamais sous les projecteurs. Le doigt d’honneur qu’il a dirigé, lors de son déplacement à Marseille vers une femme, a rogné un peu plus son aura de gentleman et sa candidature peut ravir les gens comme moi parce qu’elle affaiblit le camp de l’extrême-droite entre Marine Le Pen et lui. La plupart des observateurs voient en Zemmour un apologiste du racisme ordinaire qui vomit ses sentences plus qu’il ne les dicte.
Pour le coup, il ne s’agit pas d’une simple opinion mais d’un fait établi puisque le polémiste a été condamné par deux fois par les tribunaux au nom du peuple français. Ce que je retiens pour ma part, ce sont les mots prononcés à la fin de sa déclaration de candidature. D’habitude, depuis le général de Gaulle jusqu’au candidat le plus inexpérimenté, cette profession de foi se termine invariablement par un emphatique « Vive la République et vive la France ! ».
La conclusion du discours d’Éric Zemmour a été la suivante : « Vive la République et surtout vive la France ». Surtout ! Ce complément adverbial est lourd de sens. Il dit absolument le fond de la pensée de l’individu. Il confirme que tout ce qui a été dit auparavant n’est pas un simple glissement sémantique. Il faut se rendre à l’évidence : Zemmour est si peu républicain. La France est un pays avec un territoire donné, un peuple et une autorité ― comme tous les pays de la planète. Son laïus sur le régime de Pétain qui aurait sauvé les juifs pendant la Seconde guerre mondiale n’est pas un incident de parcours, c’est sa pensée profonde qui émerge.
Parce que Zemmour préfère la France de toujours, celle de Louis XI menant ses sbires aux croisades plutôt que la révolte des Quatre Soldats de la Rochelle qui ont été guillotinés en 1822, place de Grève à Paris, pour avoir comploté contre Louis XVIII. De toute évidence, Zemmour préfère la France morose d’avant la Révolution à celle de la République. Et c’est là où la glorification du maréchal Pétain a une grande portée pour lui.
SURTOUT ! La République et SURTOUT la France. Nous pouvons lire cette conclusion suivant celle qu’elle dit. En 1789, Zemmour aurait volé au secours du fuyard de Varennes pour tenter de bloquer les armées républicaines de Valmy. Lors du coup de force de Charles X, le polémiste aurait incendié les révolutionnaires des Trois Glorieuses qui ont pris le pouvoir en dressant des barricades en plein Paris. Pendant la Révolution de février 1848, Zemmour aurait été du côté de Louis-Philippe qui avait abdiqué, mettant ainsi fin à la monarchie de Juillet, donc contre le peuple de Paris dont la révolte a permis à Alphonse de Lamartine de proclamer la Deuxième République.
Voilà la nature profonde d’un opportuniste qui va dans le sens du vent et qui s’appuie sur les bas-fonds de l’âme humaine pour les glorifier et avancer. Tout est dit. Dans la France de Léon Blum, c’est pour Pétain que Zemmour s’engage.
Que ce soit clair une bonne fois pour toutes, je suis profondément attaché à la France, ce pays où j’ai bâti ma vie, mais c’est la France des services publics, la France de l’école gratuite et obligatoire, la France des congés payés, de la Sécurité sociale et du droit à l’accès des services de santé, la France du Revenu de solidarité active et de la Couverture maladie universelle, la France de la liberté de la presse et du droit d’association, la France des mairies au fronton desquelles s’inscrit en lettres de feu la devise Liberté-Égalité-Fraternité, enfin la France de la laïcité chèrement acquise et inscrite dans la Constitution. Que serait la France sans la République sinon un pays qui ressemblerait à n’importe quel autre pays.
Vive la République et vive la France !