Mercredi 26 août 2020
Octobre 1988 : cinglante leçon d’histoire pour prévenir sa sanglante réédition
Avec le revers politique du Hirak, l’entrée de l’Algérie dans une récession économique profonde, une crise sociale dramatique pour la population guettée par la paupérisation croissante, couplée à une politique répressive matérialisée par les arrestations et l’incarcération des opposants, ces éléments de crise rappellent, avec acuité, la sinistre période despotique précédant le déclenchement des émeutes d’octobre 1988 écrasées dans le sang par le pouvoir dictatorial du FLN de Chadli Benjedid.
Il est de la plus haute importance de revenir sur cet épisode tragique de l’Algérie aux résonances encore actuelles. Au reste, aujourd’hui, on discerne les mêmes volcaniques facteurs politique, social et économique propices à l’irruption explosive sociale : crise économique, effondrement des prix du pétrole, répression politique sur fond d’une démocratie totalitaire vertement caporalisée, accroissement du chômage, absence de perspective professionnelle pour la jeunesse, détérioration des conditions de vie des retraités, paupérisation croissante, pénuries, inflation galopante, coupures récurrentes d’eau et d’électricité, etc.
C’est à dessein que nous procédons, dans une optique de devoir de mémoire, à un rappel historique de cette tragédie d’octobre 88, susceptible d’être rejouée dans des conditions similaires, si le peuple laborieux algérien ne s’auto-organise pas collectivement, dès à présent, pour déjouer cette menace politique sanglante, éviter cette hécatombe économique, ce carnage social, dans le contexte actuel où l’Algérie est de nouveau confrontée à une crise multidimensionnelle propice aux explosions sociales aveugles, préjudiciables à la stabilité des institutions publiques et à la sécurité du pays, dans une période de surcroît marquée par l’instabilité régionale commanditée par les puissances désireuses de faire main basse à bon compte, avec la complicité de certaines forces occultes internes, sur les ressources énergétiques pétrolières et gazières.
Rappel historique
Avec l’intronisation du colonel Chadli Benjedid à la présidence, l’Algérie entamait sa conversion à l’économie de marché, dans le sillage du libéralisme conquérant propulsé par Reagan et Thatcher. En effet, encensé par le capital international, Chadli impulsait une politique de libéralisation de l’économie. Notamment par les fameux plans de restructuration.
En bon suppôt du capital, sans avoir été contraint par le FMI, Chadli Bendjedid, durant sa présidence marquée au sceau du libéralisme, infligeait au peuple algérien une véritable cure d’amaigrissement sociale par l’instauration du régime draconien « d’ajustement structurel », expression euphémistique économique pour désigner un ensemble de dispositions drastiques destinées à libéraliser l’économie par le démantèlement des fonctions régulatrices de l’État.
Cette politique de libéralisation a été une véritable opération de privatisation des entreprises publiques, offertes aux convoitises rapaces des classes parasitaires rentières algériennes et aux capitalistes étrangers. De surcroît, en dévoué valet de la finance internationale, Chadli se targuait de ses engagements à rembourser fidèlement la dette de l’Algérie auprès des banques, même au prix de l’appauvrissement de son peuple réduit à la diète, soumis à la disette.
De fait, la politique d’ajustement structurel initiée par le régime de Chadli s’était-elle accompagnée de restrictions drastiques des dépenses publiques, autrement dit de licenciements massifs d’agents publics, de réductions des budgets alloués à la santé, à l’éducation, aux services sociaux et aux subventions alimentaires. Mais aussi de l’abandon de tous les contrôles dans la production agricole et industrielle : ouvrant ainsi une voie royale à la privatisation incontrôlée, anarchique, clanique, mafieuse, de toutes les infrastructures publiques du pays livrées à la prédation des oligarques du sérail étatique algérien.
Aussi, le gauchisme économique de Boumediene, cette maladie infantile de l’Algérie stalinisée, sera-t-il jeté aux orties par les oligarques libéraux algériens propulsés aux commandes de l’État, ces ennemis de la nation algérienne. (Les dernières mesures économiques libérales contenues dans le budget de 2020, adopté par l’actuel régime, ressemblent étrangement aux sinistres plans de restructuration adoptés sous la dictature de Chadli).
A la faveur de l’effondrement des prix du pétrole en 1986, cette politique de restructuration économique s’est accentuée avec comme corollaire l’aggravation des effets de la crise en Algérie. Au reste, le désengagement de l’État des secteurs vitaux comme la santé, l’alimentation, le logement, a occasionné une dégradation dramatique des conditions de vie et de travail de la population laborieuse algérienne : raréfaction des produits alimentaires, tels que le pain, la semoule, la viande ; pénurie de logements ; coupures d’eau permanentes durant des mois ; chômage massif, surtout pour la jeunesse.
Dès l’aube, de longues files d’attente fleurissaient devant les désertiques magasins dans l’espoir de se procurer du pain et de la semoule, deux aliments de base. (Encore une similitude avec la période actuelle marquée par une grave crise économique, accentuée par la survenue de l’épidémie du Covid-19, illustrée par les pénuries alimentaires).
A cette époque d’enrichissement mafieux frénétique, face aux classes populaires algériennes paupérisées se dressait la bourgeoisie parasitaire repue, encartée au parti unique FLN, adossée à une féroce dictature militaire. Au demeurant, les bureaucrates du FLN et certains officiers de l’armée, patrons officieux de l’appareil économique, profitaient amplement de la crise pour s’enrichir grâce à la spéculation sur les denrées alimentaires importées, denrées délibérément stockées pour être revendues sur le marché noir à prix d’or.
En réaction à la détérioration dramatique de leurs conditions sociales, le prolétariat des usines et les chômeurs algériens, pour la première fois depuis l’indépendance, avaient fait une entrée historique fracassante sur la scène sociale. D’abord par les grèves ouvrières massives, ensuite par les émeutes. Plus radicalement que lors des mouvements de révolte de 1980, 1985 et 1986, la contestation sociale de 1988 avait pris une dimension plus subversive. Plus dangereuse pour l’ordre établi. Surtout par l’éruption massive de la classe ouvrière sur la scène politique, à partir de sa position économico-sociale névralgique.
Dès septembre 1988, des grèves se déclenchaient dans toute la zone industrielle de Rouiba-Reghaia, villes situées à 30 km d’Alger. La grève avait atteint en particulier la société nationale des véhicules industriels (ex-Berliet).
Elle s’était étendue à toute l’agglomération algéroise, à l’entreprises d’Air Algérie, aux Postes et Télécommunications et à d’autres secteurs. Puis aux grandes villes de l’Est et de l’Ouest du pays. Entre fin septembre et début octobre 1988, l’Algérie était en proie à une déferlante contestation sociale inédite.
Exaspérées par la misère, le chômage, les pénuries, la Hogra et les répressions quotidiennes, les classes travailleuses algériennes paupérisées prenaient d’assaut la rue et l’usine pour concrétiser la critique en acte d’un système abject. De manière générale, ces mouvements sociaux et ces émeutes d’octobre 1988 s’inscrivaient dans une conjoncture d’agitation ouvrière croissante provoquée par l’aggravation de la crise économique mondiale. En effet, au cours des trois dernières années, l’Algérie, tributaire des uniques recettes pétrolières, avait été confrontée à une baisse de plus de 40% de son budget à la suite de la chute vertigineuse des cours des hydrocarbures. Aussi, les revenus de l’État avaient-ils considérablement fondu. Crise aggravée par la politique libérale de la bourgeoisie étatique algérienne de l’époque, totalement soumise à l’ordre capitaliste international.
Le régime bourgeois bureaucratique du FLN, réputé pour sa servilité en matière de remboursement de ses créances internationales, consacrait annuellement 60% du budget gouvernemental au service de la dette, alors que la population laborieuse algérienne était plongée dans une effroyable misère.
Dans un climat de profonde souffrance sociale, les premiers signes de révolte avaient débuté dès le mois de juillet 1988, avec les protestations contre le rationnement de l’eau et les pénuries alimentaires. Ces protestations avaient été aussitôt étouffées par la répression. Début septembre, la tension s’étendait à la ville d’Annaba où des ouvriers ont détruit des réfrigérateurs destinés à l’exportation, réfrigérateurs qu’ils ne pouvaient se payer. Ensuite, les grèves s’étaient multipliées dans d’autres villes. Au demeurant, un mot d’ordre de grève générale pour le 5 octobre circulait dans tout le pays.
Curieusement, c’est dans cette conjoncture survoltée de grèves ouvrières massives et de démarrage imminent de la grève générale qu’ont éclaté, à partir du 5 octobre, les émeutes. En effet, dans la soirée du 4 octobre 1988, des manifestations, composées principalement de jeunes, sont déclenchées à Alger pour protester contre les pénuries et la hausse des prix. Le lendemain, les manifestations dégénéraient en émeutes. Les jeunes affluaient massivement des quartiers de Bab-El-Oued, Belcourt, El-Biar, vers le centre-ville d’Alger.
Les principales artères commerciales ont été saccagées. Les émeutiers se sont attaqués aussi aux bâtiments publics, ont arraché le drapeau national, saccagé des mairies et des sièges du FLN, détruit le siège du Polisario. Pillages, destructions de magasins et d’édifices publics, perpétrés par des milliers de jeunes chômeurs, auxquels se sont mêlés des provocateurs de la police secrète et des intégristes islamistes, nouvellement propulsés sur le devant de la scène pour contrer les forces progressistes algériennes.
Dans la foulée, l’armée est intervenue et s’est positionnée sur les endroits stratégiques. Le 6 octobre, l’état de siège est décrété. En dépit de l’état de siège, la révolte s’est prolongée. Des barricades enflammées ont été dressées. Les émeutes se sont étendues aux principales villes algériennes. Au cours de ces révoltes, les forces de l’ordre de Chadli ont donné l’assaut en tirant à balles réelles sur les manifestants. On a déploré des centaines de morts et de blessés. Un bilan provisoire faisait état de plus 500 morts (dont 300 à Alger).
Ainsi, avec une barbarie inouïe, le régime, dirigé par le FLN, a massacré des centaines de jeunes manifestants algériens. Aux revendications légitimes « du pain et de la semoule » exprimées par les classes travailleuses algériennes et couches populaires affamées, le régime de Chadli les aura nourris abondamment à coup de plombs et de mitraille ; restaurés à coup d’assassinats ; ravitaillés à coup de tortures ; choyés à coup d’arrestations massives ; protégés à coup d’état de siège ; revigorés à coup de militarisation de la société ; et plus tard, gavés d’islamisme et de terrorismes.
Quoi qu’il en soit, si les mouvements de grèves ouvrières massives inédites avaient eu un caractère spontané et donc inorganisé, les émeutes semblaient, dès la première heure, selon les observateurs, avoir été préméditées et organisées par le régime. D’une part, pour désamorcer préventivement la grève générale annoncée, par le dévoiement de la révolte sociale sur des actions anarchiques inopérantes et destructrices, en l’espèce les émeutes ; d’autre part pour justifier le bain de sang et la nécessité des « réformes démocratiques » à engager afin d’éliminer les factions politiques trop compromises avec l’armée et le FLN, devenues inefficientes au point de vue des intérêts du capital national pour les nouvelles factions bourgeoises prédatrices, impatientes de faire main basse sur les richesses nationales de l’Algérie.
Toujours est-il que ces émeutes auraient été l’œuvre d’un complot ourdi par un clan du régime contre un autre clan, en vue de s’emparer du pouvoir. Au reste, ces émeutes ont été largement relayées par les médias algériens et étrangers afin d’occulter l’envergure des mouvements de grève des travailleurs. De toute évidence, ces émeutes, œuvres de jeunes marginaux, sans perspective d’avenir, manipulés par des officines occultes, n’ont nullement constitué le prolongement rationnel des grèves ouvrières des valeureux travailleurs algériens. Mais leur nihiliste antithèse. Les émeutes servent uniquement les intérêts des possédants et de leur État, pour justifier la répression, les restrictions de liberté, l’état de siège, mais aussi servir les règlements de compte entre factions bourgeoises du pouvoir.
La preuve, au final, l’ordre dominant du régime bourgeois du FLN aura été rétabli, au prix de centaines de morts, de centaines de blessés, de centaines d’arrestation, de centaines d’incarcérations. Certes, Chadli s’était engagé à ouvrir un processus de démocratisation du pays (comme le claironne actuellement le nouveau régime).
Même les Imams s’étaient invités au banquet macabre pour appeler la population algérienne à l’apaisement (non de sa souffrance mais de sa colère) , non sans avoir oublié de la convier instamment à instaurer une « république islamique », à l’instar des organisations bourgeoises algériennes actuelles appelant à instaurer une république civile bourgeoise pourtant partout en faillite, un « État de droit » pourtant partout condamné par la crise à une transition dictatoriale, une démocratie (des riches) partout contestée du fait de sa compromission avec les puissances financières et de son impuissance économique ; ou, pour certaines personnalités algériennes alléchées par les prébendes et les sinécures ministérielles et parlementaires, à s’enrôler dans les instances gouvernementales du régime actuel rafistolé.
La suite, tout le monde la connaît. En guise de processus « démocratique », l’Algérie a été plongée durant trente ans dans l’enfer du terrorisme islamiste adossée à la dictature mafieuse du régime prédateur de Bouteflika. Durant trente ans, l’Algérie a été prise en tenaille par les forces obscurantistes islamistes meurtrières et les forces étatiques mafieuses et despotiques prédatrices.
Contexte actuel
Aujourd’hui, que nous réserve la crise multidimensionnelle actuelle ? De l’attitude politiquement lucide du peuple laborieux algérien dépend la réponse. Face à la gravité de la crise économique et sociale, avec son lot d’augmentation exponentielle du chômage et de croissance de la paupérisation absolue, il faut interpeller les gouvernants et leur rappeler le sentencieux propos de Blanqui : « Oui, Messieurs, c’est la guerre entre les riches et les pauvres: les riches l’ont voulu ainsi; ils sont en effet les agresseurs. Seulement ils considèrent comme une action néfaste le fait que les pauvres opposent une résistance. Ils diraient volontiers, en parlant du peuple: cet animal est si féroce qu’il se défend quand il est attaqué. »
Quoiqu’il en soit, pour revenir à notre analyse sur octobre 88 aux fins de prévenir la réédition de cette tragédie dommageable pour le peuple algérien déjà meurtri par la dégradation de ses conditions d’existence, en s’attaquant uniquement aux symboles de l’État, en recourant aux pillages et aux destructions aveugles, les émeutes d’octobre 1988 n’ont aucunement contribué au développement de la conscience de classe du prolétariat algérien, au renforcement de la lutte ouvrière, à la naissance d’organisations sociales et politiques défendant les intérêts des travailleurs, des couches populaires (finalement récupérées par les mouvements islamistes politique et terroriste). Incontestablement, les émeutes d’octobre 88 n’ont été porteuses d’aucune perspective d’émancipation, d’aucune conscientisation politique, d’aucune démocratisation de la société. Cela démontre la nocivité politique des émeutes.
À la vérité, les émeutes desservent les intérêts de la population laborieuse. Fracasser des édifices publics, piller des magasins, brûler des automobiles des citoyens, c’est s’en prendre à un symbole, non à un système. Les émeutes ne « nourrissent » pas l’affranchissement du peuple affamé de justice sociale, mais « restaurent » goulûment l’ordre des dominants friands d’autoritarisme.
Le chaos est l’allié des puissants, en particulier dans les périodes de crise socioéconomique et politique. Il justifie leur politique répressive, leurs lois liberticides, leurs mesures despotiques, la militarisation de la société. Il légitime le musellement des organisations politiques d’opposition, le bâillonnement de la presse, l’embastillement des opposants comme des simples contestataires, les restrictions des libertés de réunions et de manifestations.
Aujourd’hui, comme on le relève avec l’instrumentalisation de la dramatique crise sanitaire du Covid-19, l’orchestration de la crise économique délibérément accentuée, partout l’intérêt des classes possédantes prédatrices est d’entretenir une atmosphère de psychose généralisée, un climat de guerre civile pour épouvanter les esprits et rentabiliser de nouveau le chaos. Sans conteste, le chaos sert uniquement les intérêts du pouvoir.
Le chaos est propice aux affaires des gouvernants et aux despotismes protéiformes. Car, comme l’a déclaré notre écrivain national Yasmina Khadra, mais en remplaçant le terme « kamikazes » par émeutiers ou black blocs : «Les kamikazes (émeutiers) visent le cœur avant l’esprit. Il y a une stratégie derrière tout cela : semer la terreur et le chaos, créer un maximum de désordre», commandité par les classes dominantes.
Du chaos ne peut surgir que le maintien de l’ancien ordre toujours plus oppressif et répressif de la classe régnante, et non un nouveau mode de production émancipateur de la classe dominée. Comme l’a écrit Céline : « La conscience n’est dans le chaos du monde qu’une petite lumière, précieuse mais fragile. »
Aussi, à la colère aveugle émeutière neutralisée automatiquement par l’intransigeance tyrannique du pouvoir et ses forces armées répressives, en d’autres termes au chaos tant escompté par les gouvernants pour raffermir leur domination actuellement partout ébranlée par une crise de légitimité de leur gouvernance, doit être privilégiée une insurrection pacifique politiquement consciencieuse, capable de saper les bases du pouvoir par la seule volonté populaire soulevée pour récupérer la légitimité de son autorité politique confisquée par l’oligarchie.
Indéniablement, depuis quelques années, partout, les peuples prennent conscience de la civilisation émancipatrice qu’ils portent en eux et de la décadence mortifère à laquelle les condamnent les barbares classes dirigeantes, responsables de la gestion criminelle de la crise sanitaire du Covid-19 et de la récession génocidaire économique.
Ces dernières années, une mutation s’est opérée dans les consciences des peuples opprimés, et par extension au sein de leurs insurrections animées désormais d’une force tranquille d’émancipation humaine.
Nous assistons à l’émergence d’un pacifisme révolutionnaire (ou d’insurrections pacifiques) qui, porté par la volonté humaine des peuples à vivre dignement, s’oppose à la violence destructrice des gouvernants, animés, eux, exclusivement par la pulsion de destruction (de l’Humanité comme de la Terre), l’instinct de mort, car condamnés par l’Histoire à disparaître du fait de la décadence de leur système capitaliste en état de mort cérébral depuis plusieurs décennies mais maintenu en survie sous perfusion, au moyen d’injections massives de subventions étatiques et d’argent public soutirés des budgets sociaux, désormais réduits à la peau de chagrin, illustrée surtout par le démantèlement de tous les services publics notamment du secteur hospitalier incapable de combattre un minuscule virus faute d’équipements médicaux ; et au moyen d’une politique de destruction totale des conditions de vie de la grande partie de la population laborieuse réduite à la paupérisation généralisée.
Cette pulsion destructrice des classes régnantes bourgeoises condamnées par l’Histoire, résolues à s’accrocher au pouvoir en dépit de la faillite de leur gouvernance contestée par les peuples fréquemment en révolte, ces dernières années, contre leur système capitaliste mortifère, s’illustre en particulier dans leur politique répressive menée avec des moyens et des méthodes outrancièrement militarisés, confiés et délégués à des escouades de policiers nazifiés, ces Robocops mus par l’instinct de meurtre. Une chose est sûre : aujourd’hui, les États ne gouvernent que par la stratégie du chaos et la politique de la terreur et la violence. La force est un signe de faiblesse de gouvernance. Et la faiblesse de la force est justement de ne croire qu’à la force, qui est signe de force d’inertie, symptôme d’une imminente chute du pouvoir de la force, suivie de la force du pouvoir.
Indéniablement, désormais la vraie démocratie est dans la rue, pas dans les urnes, devenue une véritable agora où s’élabore des projets politiques émancipateurs imaginés par les peuples en lutte. Outre l’espace public susceptible de se métamorphoser en Parlement à ciel, le monde du travail, lieu de production de la vie par essence, constitue le second espace où peut s’instaurer une instance d’autogestion démocratique animée par les salariés librement associés.
À cet égard, parmi les armes de lutte pacifique dont dispose le peuple, on peut citer la désobéissance civile et la grève générale. Il ne faut pas oublier que les travailleurs, par leur place centrale dans la production, disposent d’une arme pacifique de destruction massive redoutablement létale pour les classes dirigeantes : leur puissante force collective potentiellement opérationnelle par l’activation militante combative matérialisée par la grève générale, le contrôle de l’outil de production, l’instauration de comités au sein des entreprises chargés de la gestion de la production ; par la mise en œuvre d’une auto-organisation de l’économie nationale, l’autogestion de la vie sociale et politique instituée, en association avec toutes les couches populaires et la jeunesse estudiantine, sous protection de l’armée du peuple expurgée de ses éléments corrompus, au niveau du quartier, du village et de la ville, puis graduellement à l’échelle nationale.
En résumé, pour revenir à l’Algérie, le peuple algérien peut, pour se réapproprier son destin socioéconomique et politique, du fait de la faillite du système actuel, reprendre en mains la res publica, la chose publique, bafouée, dégradée et dévastée par la gouvernance prévaricatrice et despotique de la classe régnante au pouvoir depuis plusieurs décennies.
Indéniablement, l’histoire nous enseigne que les serments démocratiques des classes dirigeantes ne constituent que le prélude à des massacres futurs perpétrés au nom de « l’intérêt suprême de la nation » (qui est celui de la classe dominante), de la défense de la démocratie (bourgeoise). En réalité, les classes régnantes n’ont eu de tous temps à offrir et imposer, particulièrement dans les périodes de crise économique et sociale aiguë, que misère, plombs et régimes fascistes ou dictatures militaires aux prolétaires. Comme le proclamait toujours le même grand révolutionnaire français Auguste Blanqui au XIXe siècle : mais « Pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d’arbres de la liberté, par des phrases sonores d’avocat, il y aura de l’eau bénite d’abord, des injures ensuite, de la mitraille enfin, de la misère toujours. ».
Dont acte ! Hors de question de revivre un « remake » d’octobre 1988 et de la décennie noire ! Aussi, ni provocations, ni actions aventureuses ou émeutières. Mais structuration et organisation de l’activité politique portée par un peuple lucide, gages d’une victoire certaine pour un avenir meilleur.