23 novembre 2024
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La fin des temps: les syndicats des zaouïas et des imams parlent politique

DECRYPTAGE

La fin des temps: les syndicats des zaouïas et des imams parlent politique

Je commence mon texte par un passage du livre « De la dictature à la Démocratie » du fondateur d’Albert Einstein Institution, Gene Sharp « Un mythe de la Grèce classique illustre bien la vulnérabilité des supposés invulnérables. Contre le guerrier Achille, nul coup ne portait. Nul sabre ne pénétrait sa peau. Alors qu’il  était enfant, la mère d’Achille l’avait trempé dans les eaux de la rivière magique Styx. Il était de ce fait protégé de tous les dangers. Il avait toutefois une faille. L’enfant était tenu par le talon  pour ne pas être emporté par le courant, l’eau magique n’avait pas recouvert cette petite partie de  son corps. À l’âge adulte, Achille paraissait aux yeux de tous invulnérable aux armes de l’ennemi.

Néanmoins, dans la bataille contre Troie, un soldat ennemi, instruit par quelqu’un qui connaissait la faiblesse d’Achille, visa de sa flèche le talon sans protection, seul point susceptible d’être blessé. Le coup se révéla fatal. Ainsi, aujourd’hui, l’expression « talon d’Achille » se réfère à l’endroit de la personne, du plan ou de l’institution qui est sans protection en cas d’attaque. Le même principe s’applique aux dictatures impitoyables. Elles peuvent ainsi être conquises, plus vite et à moindres  frais si leurs faiblesses peuvent être identifiées puis attaquées de manière ciblée ».

Après cette introduction éducative,  je continue… Ecoutons une grisaille bavarder : « J’ai interdit à tous les cadres du parti FLN  et à tous les adhérents de parler du cinquième mandat (…) Hetta Yzid Ounsemouh Saïd (appelez le Saïd dès qu’il naîtra) », remplaçant ainsi volontairement « Bouzid » par « Saïd » dans la formule populaire algérienne. Une formule qu’il répétera à deux reprises, pour qu’elle retentisse dans les cervelles de tous comme un acte délibéré et non un lapsus »

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Une autre grisaille fait échos à la première et affirme qu’il n’y a pas de personnalité politique apte, à l’exception de l’actuel président, à diriger le pays comme le voudrait le deuxième parti au pouvoir.

Ouyahia pense que tous les Algériens sont des militants RND et affirme gratuitement que tous les Algériens sont satisfaits des réalisations de Bouteflika.

Par cette affirmation il nous informe que la terre des  héros est stérile et qu’après Bouteflika on importera sans doute un président. Ouyahia me fait penser au maître pharaon qui interdit aux Israéliens de voir ce que le maitre pharaon ne peut pas voir. C’est peut-être la faillite politique ou l’infertilité  de gouvernance qui pousse la grisaille à penser ainsi.

Lorsque j’entends cette  schizophrénie politique bavarder,    je me sens de plus en plus aigu et je  réplique « Oh temps ! Ce temps qui nous dévore.  Les mêmes personnes nous commandent et gèrent notre vie et le futur de nos enfants  à leur guise. Il y a des matins où nous ne savons plus pourquoi nous nous levons. Tout  nous déçoit et plus rien n’a plus de sens. Plus rien nous intéresse. Il y a des actions que nous regardons sur le petit écran et des sons que nous entendons à la radio. Hélas ! les images  et les sons politiques ne nous font plus vibrer. Des nouvelles qui n’ont rien de nouveau nous harcèlent. Saïd va remplacer Bouzid. Bou hadji part et Bou Zanki le remplace. Les cadenas donnent de bons résultats quand le responsable l’organe juridictionnel suprême de la République algérienne est muet. Tout est dit et rien ne reste à dire. Il y a même des jours où nous ne savons plus vraiment quelle fonction  nous sommes supposés exercer face aux absurdités qui nous entourent. Il y a des jours où nous nous sentons complètement dégoûtés de cette vie fourbe ». La schizophrénie politique et la pagaille imagent bien les dégâts dont ils sont responsables.

Les pédagogues utilisent des exemples pour illustrer la leçon. Je suivrais la même démarche pour parler de pagaille politique. En sport, un footballeur jouant les premières minutes d’un mach n’a pas les mêmes idées que celui qui joue la prolongation d’un match de football perdu. Supposons que la vie est un match de football. Une minute de ce jeu équivaut à une année de vie réelle. Cette impression du temps nous permet de trouver des réponses à certaines questions. À quoi pense un homme le jour de ses 85 ans (5 minutes avant la fin du match), quand tout paraît glisser, tomber, se dérober, quand rien de ce qu’il fait ne semble marcher ou produire un effet positif ? En contraste, a quoi pense un jeune homme de 25 ans quand il assiste à l’anniversaire du celui qui fête ses 85 ans ?

Dans une situation normale, le premier doit penser à l’au-delà et faire son bilan avant d’habiter son caveau. Le deuxième doit penser à son avenir, un métier, un foyer et une belle vie dans la paix et la joie, à avoir des enfants bien instruits et éduqués. En mots clairs, il planifie son avenir.

Nous sommes tous différents. Nous voyons la vie sous différente formes selon notre âge. Nous ne partageons pas les mêmes idées politiques. Si nous regardons les Algériens en détail, il n’y en a pas deux de semblables: la taille, les habitudes, les vêtements, la nourriture et les idées politiques. Tout est différent ! Donc il  n’y a pas lieu de généraliser. La différence fait bien les choses. La différence est la force d’une nation.

Cette réalité est difficile à  être acceptée par un système qui marchande les droits et la  dignité humaine. Sommes-nous en Algérie ou dans un pays d’outremer ? Tout est devenu possible. Tous les soupçons sont permis. La corruption est systématique. L’opportunisme est un acte  politique à la mode. L’arrivisme est symbole de réussite politique. Le mensonge est une parole auguste. Dans cette situation le changement est le seul remède.

Mais et mille fois mais. Le changement d’un système politique corrompu n’est pas facile dans un pays où les jeunes préfèrent la fuite vers l’inconnu. 

Dans les pays où la vente aux enchères des sièges au parlement est monnaie courante, les élections ne sont pas un instrument efficace de changement politique. Dans un pays où les zaouïas et les imams ont un syndicat qui soutient la politique de bazar le changement est presque impossible.  

Drôle de modèle démocratique, les fidèles ont un syndicat. Cette histoire de syndicats religieux me rappelle  la question du journaliste roumain David Métreau « Les prêtres peuvent-ils constituer un syndicat et le  gouvernement roumain a- t- il le droit de refuser d’enregistrer le syndicat de prêtres orthodoxes « Sindicatul Pastorul cel Bun » (Syndicat du Bon Pasteur) ? La réponse du gouvernement était claire. Oui (pour le refus d’enregistrement), selon la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). CEDH estime que les autorités nationales n’ont pas la tâche de juger les différends entre les communautés religieuses et les différentes factions dissidentes. Cette histoire me rappelle une blague politique : « Dans la fin des  temps (Akher zmen)  les syndicats des zaouïas et des imams parleront  politique. »

J’attire l’attention du lecteur. Dans certains pays l’armée est préoccupée par la surveillance des  frontières contre une éventuelle attaque étrangère. Dans d’autres pays l’armée fait la politique et le business et interdit aux civiles de prendre les armes pour surveiller  les frontières en cas d’invasion. Dans ces lieux, les coups d’État militaires ne sont plus un moyen facile et rapide pour faire disparaître un régime corrompu.

Cela sous-entend que le changement doit se faire autrement. Il ne faut pas compter sur une puissance étrangère pour un changement vers une gouvernance démocratique.  Cette espérance est maladive dans plusieurs circonstances, les puissances étrangères tolèrent et même  soutiennent une dictature afin de faire avancer leurs intérêts économiques et politiques. J’affronte et défie  toute personne qui peut dire le contraire.

A la lecture des paragraphes précédents  certains lecteurs vont me prendre pour un désespéré  qui baisse les bras et accepte la dictature. Non et mille fois non.  Je haïs les dictateurs quel que soit la couleur et je ne suis pas un désespéré.  Je crois en mes idées. Je sais qu’il y a aujourd’hui des techniques non seulement  plus modernes mais surtout plus efficaces, qui font appel à l’intelligence et au savoir-faire  pour faire disparaître les corrompus dans un calme absolu suivi de youyous de joie.

Heureusement que les moyens de communication de masse sont très développés et que le monde de l’information  a changé. Les vieilles idées ne sont plus valables. La société civile est éveillée et connaiît l’impact du pouvoir  de la conscience collective, de la capacité de son influence pour un changement pacifique. Le coup d’Etat ratée contre Erdoğan est un bon exemple.  Dans une allocution à la télévision CNN Türk diffusée via l’application de visioconférence Face Time, Erdoğan dénonce le « soulèvement d’une minorité au sein de l’armée » et appelle les Turcs à descendre dans les rues pour résister à la tentative de coup d’État et le supporter. Le peuple a estimé son président … Il l‘a obéi… Le journaliste français Antoine Rivarol l’a prédit dans une de ses citations «Quand les peuples cessent d’estimer, ils cessent d’obéir».

Que dire aux  gens qui se collent  pour la vie au fauteuil du pouvoir.  Je m’excuse de l’expression que je vais employer.  Ils ressemblent parfois aux sots qui font abêtir ceux qui les écoutent ou les regardent.  Ils profitent de leur autorité pour assouvir leur folie des grandeurs. Ils pensent que les gouvernés ne sont pas conscients  de leurs erreurs. Ils continuent dans leur absurdité et ne veulent pas écouter les voix qui leur demandent de disparaître dans la paix et  le silence. Mon éducation ne me permet pas d’utiliser un autre mot à la place de disparaître. Pour savoir le mot que évite demandez à nos voisins tunisiens ils l’ont bien utilisé.  

Les problèmes du quotidien s’aggravent dangereusement et un large fossé de mensonges se creuse entre les problèmes réels perçus par le peuple dans ses moments de clairvoyance, et les solutions bidons  mis en avant par des dirigeants politiques incompétents.

Le constat ne s’arrête pas ici. Le plus «  grave problème » c’est de nous habituer à des décideurs qui pensent, qui parlent, qui agissent  comme des dirigeants d’outremer. Quand ils parlent de continuité et nous rappellent les collabos de la France qui étaient pour la continuité coloniale en Afrique et contre les  révolutions de libération. Référence historique, l’action du général De Gaulle « Le général De Gaulle décida alors de bâtir en contrepartie, vis-à-vis de l’Afrique « noire », comme on disait alors, une relation reposant sur le principe de la continuité plutôt que d’accepter avec résignation le « vent du changement » (Reference La France et l’Afrique : le crépuscule d’une ambition stratégique par François Gouttebrune.)  

Avant de conclure, je  reviens à la phrase du célèbre journaliste français Antoine Rivarol : « Quand les peuples cessent d’estimer, ils cessent d’obéir». Cette phrase enseigne aux politiques une leçon de conduite. 

Théoriquement la France est partie mais ses restes continuent à être un repère même si ce repère nous mène vers la destruction de nos principes.  Nous mimons la France dans notre façon de penser et dans notre nourriture à la baguette. Pour les pharaons la France est la force centripète du monde. C’est la seule raison pour laquelle, ils interdisent aux autres de regarder une  force ailleurs. Pour les Abbassiens, qui préfèrent prier en face de la télévision, le mot interdit n’est plus utilisé dans la gouvernance moderne.

En conclusion: Pour avancer, pour sortir de l’écurie  française et faire face aux défis, pour redéfinir et reconstruire notre  nation, nous avons besoin d’une université forte, puissante et digne de son nom.   C’est dans ce grand temple de savoir qu’on prépare et forme des identités d’une couche sociale autoritaire et libres.  Notre pays a besoin de son université pour produire des cerveaux cartésiens et bien faits, de nouveaux savoirs dans les nouvelles techniques de production et de transformation de la matière. Notre pays a besoin de centres de recherches spécialisés dans différentes branches du savoir et du savoir-faire.  Les jeunes étudiants doivent être conscients de leur responsabilité historique. Ils sont les futurs gardiens des intérêts sacro-saints de la nation. Ils doivent combattre les personnes aux intérêts égoïstes, étroits et passagers qui nous ont menés à ce que nous sommes en ce moment. Ils doivent dégager  les avenues de la science qui ont été barrées par les opportunistes, les arrivistes, les cerveaux vides et la tête cubiques malhonnêtes. Ils doivent travailler durement afin d’acquérir des connaissances utiles et nécessaires pour servir les intérêts supérieurs de la nation. Que Dieu protège notre jeunesse et notre nation.

Auteur
Omar Chaalal

 




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