23 novembre 2024
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Sous l’orage de la sainte ignorance !

Tribune

Sous l’orage de la sainte ignorance !

Les gouvernements Bouteflika reproduisent l’échec dans tous les secteurs depuis 20 ans.

Les bourrasques de la sainte-ignorance jettent en émoi la maison Algérie. À défaut de focaliser toute leur énergie sur la formation, l’éducation et le savoir, les têtes dirigeantes tournent le dos à tout ce qui touche aux vertus de la science.

S’enorgueillir des résultats obtenus au baccalauréat et autres acquis ne peut en aucun cas refléter la réalité du terrain. Le rapport quantitatif survole le rapport qualitatif, et ce n’est pas anodin qu’une pléthore d’observateurs avisés tire la sonnette d’alarme, alertant les pouvoirs publics sur la déchéance du secteur de l’éducation au point d’en produire des diplômés illettrés.

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Les rares universitaires qui tirent leur épingle du jeu ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Une hirondelle ne fait pas le printemps ! Les licenciés ou ingénieurs frais émoulus ne savent pas où se donner de la tête en se butant à une ribambelle d’embûches. Une kyrielle de lacunes béantes entache le tableau souvent présenté comme reluisant. La médiocrité exsude comme la sueur sourd du front d’un bonhomme halé par les dards du soleil. Le monde a tellement changé qu’il ne tolère plus l’amateurisme et le dilettantisme, de surcroit, nos dirigeants passeraient pour des champions en la matière. Le meilleur investissement reste l’investissement humain. Former l’élite de demain semble le dernier souci de nos responsables politiques. Une politique timorée qui se veut de garder tant bien que mal la même équipe de perdants. Il est vrai que dans notre pays, on ne change pas une équipe qui perd !    

La majeure partie des réformes engagées par le gouvernement est accompagnée de velléités populistes sans résultat concret. Ce n’est vraiment pas la panacée. Depuis l’indépendance à nos jours, l’obscurantisme est hissé à son paroxysme. Le retour au tropisme naturel fait que la classe dirigeante s’interdit de promouvoir le savoir de crainte que le ″petit peuple″ ne puisse s’arroger ce qui est soi-disant réservé aux enfants du système. «Le fils du paysan restera paysan». Telle était la devise de l’ex-président Chadli que ses successeurs promeuvent avec minutie, ne laissant entrevoir un quelque fléchissement sur cette question. Une théorie absconse, indigeste et insipide. Le pays de Abane Ramdane est aspiré par un vortex d’ignorance crasse. Il est grand temps de sortir des sentiers battus.       

L’ignorance abyssale des adeptes de l’inculture ne fait que plonger le pays aux entrailles du cataclysme. La fuite des cerveaux est une véritable hémorragie qui se poursuit depuis des décennies d’une manière effrénée. L’écrémage se fait au su et au vu de nos hauts responsables, qui trouvent leur compte de cette perte à profusion.

Ces têtes pensantes et trouveurs de solutions font le bonheur des pays ayant su récupérer ces perles rares. Le conflit générationnel tend à prendre de l’ampleur, de surcroît, une minorité de personnes valétudinaires tient mordicus à garder son hégémonie sur le destin de toute une nation, arguant que l’engagement et la maturité politique de la nouvelle génération sont aux antipodes.

L’agenda désuet et caduc des patriarches aux ambitions plus grandes que le nombre de jours affiché à leur compteur évoque la lancinante question du passage du flambeau à la nouvelle génération abondant d’optimisme et de volonté à terrasser les montagnes. Mais peut-on exciper de cette légitimité historique au détriment du potentiel des jeunes ? Ce sujet à controverse laisse pantois plus d’un.

Comment expliquer la phraséologie de nos dirigeants quant à l’importance de cette catégorie sociale, les jeunes, de facto censés être les légataires de la nouvelle Algérie ?    

Au chapitre « culture », le fossé se creuse davantage. Mais d’abord : qu’est-ce qu’une culture, une civilisation ? La culture doit-elle être en opposition ou en accord avec le fait religieux ? Que fait-on de la culture de celui qu’on veut convertir ? Que devient la religion de celui qui est déraciné de sa culture d’origine ? Comment la culture mondialisée transforme-t-elle l’Algérien ? La sécularisation a entraîné de manière plus ou moins rapide l’autonomie du champ culturel. On le voit dans le cas de l’enseignement : à un moment donné, et même jusqu’à présent, l’enseignement religieux revient comme un leitmotiv. Tout comme les produits sont standardisés par et pour la consommation mondiale, les produits de « l’acculturation » sont standardisés. Les chaînes de télévision algériennes relayent en boucle cette forme débilisation et d’engourdissement graduel des esprits, en sont l’exemple le plus frappant. Elles proposent un produit calibré usant d’un catéchisme exacerbé du religieux. La culture est une notion complexe, elle peut être abordée de différents points de vue : elle peut être abordée de manière spécifique, particulière, comme ce qui distingue les hommes entre eux, lorsqu’elle s’écrit « culture », mais aussi comme générale et universelle, lorsqu’elle caractérise l’humain, lorsqu’elle s’écrit « Culture ». Ainsi, le champ du savoir et de la Culture doivent servir la paix, en se dirigeant d’abord vers l’action pratique, mais aussi en se dirigeant vers l’éducation elle-même, l’information, la communication. C’est dans ce contexte qu’on peut distinguer deux types de savoir : un savoir dont la finalité est la « paix de terrain » et un savoir qui a sa propre finalité, se constituant comme un esprit de paix.

En somme, dans l’Algérie post-indépendance, la majorité des Algériens drainée par le courant nationaliste et le refus du colonialisme y a cru et nourri l’espoir d’une vie meilleure dans l’Algérie indépendante. Ces citoyens ont participé, chacun à sa façon, à soutenir l’effort de décolonisation. Alors, une fois l’indépendance politique acquise, ils s’attendaient de fait à ce que cette Algérie démocratique et populaire puisse compenser un tant soit peu les méfaits du colonialisme, en assurant au moins respect, dignité et égalité des chances à ces citoyens désormais supposés libres. Mais, que dalle !

Par ailleurs, tous les spécialistes avisés s’accordent à dire que l’Algérie va droit dans le mur et qu’inévitablement, à cause d’un système gangréné par la corruption et l’immoralité, le peuple algérien va de nouveau vivre une situation apocalyptique qui s’annonce imminente.

Qu’est-ce qui fait que tous ces segments de la société, censés être souverains, se résignent dans la servitude, en abandonnant leurs droits politiques et d’être incapables de traduire en actes leur amertume et leur désespoir ? C’est cela aussi la perfection de la dictature : inhiber toute potentialité de réaction de contestation des droits politiques, aussi bien dans les médias que sur la place publique.

 

Auteur
Bachir Djaider (journaliste, écrivain)

 




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