23 novembre 2024
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Adresse à une minorité d’intellectuel-le-s algérien-ne-s

De l’autogestion encore

Adresse à une minorité d’intellectuel-le-s algérien-ne-s

Des jeunes qui font le volontariat en Kabylie.

Dans Le Matin d’Algérie, Chérif Ali vient de  dresser un tableau on ne peut plus clair et significatif sur la nature et la situation des partis politiques algériens, notamment ceux dits d’opposition « démocratique ». En outre, on vient d’apprendre que des militants d’un parti  (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie) démissionnent, en formulant les reproches qui caractérisent tout parti politique : manque de démocratie en son sein, impossibilité d’y manifester une opinion libre, etc.

Cependant, on remarque, sauf erreur de ma part, qu’aucune critique, quoique pertinente de ces partis, ne propose une solution alternative fondamentale. Pour ma part, j’ai publié une analyse générale sur la fonction de ces mêmes partis, et proposé une solution : la création du Mouvement Pour l’Autogestion. À l’évidence, à ma connaissance, personne ne semble y croire parmi les personnes qui réfléchissent et écrivent sur la situation sociale algérienne.

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Pourtant, la création d’un tel mouvement social pour l’autogestion, comme but, et qui fonctionnerait, également, de manière autogérée, donc comme moyen, n’est-il pas l’une sinon la seule solution que la raison et la logique proposent, si, vraiment, on a le souci du peuple ?

Que l’on présente les arguments pour rejeter une telle option comme irréalisable !… Évidemment, il n’est pas question de voir une majorité de l’ »élite » et des citoyen-ne-s croire et adopter la voie autogestionnaire comme forme de gestion de la société en général. Parce que la mentalité hiérarchique et autoritaire est, encore, largement dominante.

Mais pourquoi n’existe pas même une minorité, pas même une toute petite minorité qui parle et revendique l’utilité et la nécessité de créer un mouvement pour l’autogestion sociale en Algérie ? D’essayer cette solution ? Ou, tout en moins, en débattre ?

Il est vrai que la conception, l’esprit autogestionnaire n’ont jamais brillé dans les cerveaux de l’élite algérienne. Elle était et reste dépendante des « élites » de presque la planète entière, à quelques exceptions près, qui sont dépendantes d’une mentalité autoritaire et hiérarchique, justifiée par de « bonnes » intentions soit disant en faveur du peuple. Nous constatons leurs lamentables résultats pour… le peuple, mais pas pour les… « élites » qui, elles, jouissent de privilèges confortables.

En Algérie, l’esprit autogestionnaire s’est manifesté uniquement dans les esprits du peuple dominé et exploité. Je l’ai dit et je le répète : ce fut le cas suite à la fuite des patrons coloniaux, juste après l’indépendance, et lors de ce qui s’appela « Mouvement Citoyen » du printemps de 2001.  J’ai évoqué l’importance socio-historique de ces deux mouvements autogestionnaires algériens, au point d’avoir influencé la vie et la pensée d’un intellectuel des États-Unis. Mais où sont les intellectuel-le-s algérien-ne-s qui revendiquent, aujourd’hui, l’importance, encore actuelle, de ces deux mouvements ?

Il semble que ces deux mouvements n’ont pas d’importance significative, du moins actuelle, aux yeux de l’ »élite » algérienne, y compris la plus « démocratique » et la plus « progressiste ». Étant donné qu’elle est de mentalité hiérarchique autoritaire, il n’y a pas à s’en étonner.

Elle écrit sur l’histoire de l’Algérie, dénonce à juste titre les innombrables occultations et déformations, mais n’écrit rien ou presque sur toute conception autogestionnaire algérienne. Qui, par exemple, connaît Mohamed Saïl, sa pensée et son action, à part l’association qui en a commémoré la mémoire dans  le… village de Taourirt, en Kabylie ?

Mais, répétons-le, au sein de l’«élite » algérienne, pourquoi n’existe pas même une toute petite minorité qui daigne s’intéresser à l’importance réelle de la conception autogestionnaire, pour examiner sa pertinence, aujourd’hui, en vue d’un changement social réellement significatif en Algérie, en faveur du peuple ? Pourquoi pas même un débat sur ce thème ? Encore une fois, rappelons-le. Concernant l’autogestion, j’avais pris la peine de poser la question à une personnalité politique qui s’est récemment distinguée par ses appels au peuple pour un changement social réel dans le pays, Monsieur Noureddine Boukrouh. Sans obtenir de réponse publique, pas même une phrase.

Il est vrai que pour s’intéresser à la conception autogestionnaire, non seulement passée et récente en Algérie, non seulement algérienne mais de part le monde, non seulement des pays « développés » dominateurs, mais également dans ceux dominés (par exemple au Chiapas mexicain et au syrien Rojava), il est indispensable d’avoir le courage intellectuel et la force éthique de se débarrasser de ses propres convictions, en se rendant compte que la pratique en a montré l’inconsistance et l’impasse, pour s’intéresser à l’histoire et à la nature de l’autogestion en tant que système social alternatif.

 

Il est vrai que la conception autogestionnaire, contrairement à d’autres doctrines (« libérale », marxiste, cléricale) a un double (apparent) inconvénient : d’une part, elle ne se contente pas de mettre à disposition un « système » de recettes qu’il suffit d’appliquer ; d’autre part, elle s’oppose à la mentalité hiérarchique autoritaire dominante.

Au contraire, la conception autogestionnaire exige de réfléchir par soi-même aux solutions, implique de les concevoir uniquement comme propositions à vérifier collectivement, se présente comme une expérimentation continue (donc sujette à tâtonnements et erreurs, conformément à la démarche réellement scientifique empirique), réclame la participation du maximum de personnes, et sans « chefs suprêmes » et inamovibles, mais seulement des citoyen-ne-s librement associé-e-s de manière solidaire, tou-te-s susceptibles ou apprenant à représenter une partie de la collectivité, à tour de rôle. Quel «casse-tête» pour les mentalités qui ont sucé le « lait maternel-paternel » de l’Autorité hiérarchique, successivement dans la famille, au « catéchisme » religieux, à l’école et dans le parti «révolutionnaire» ou «démocratique» !

Alors, qui démontrera que la création d’un mouvement pour l’autogestion sociale est inutile, parce que archaïque sinon impraticable en Algérie ?

Et qui, au contraire, affirmera, au moins, la nécessité de réfléchir à cette conception, tout en sachant les difficultés qu’elle rencontrerait, mais, également, les possibilités qu’elle offrirait ?… Et que les personnes qui ne disposent pas de licence ou de doctorats universitaires n’y trouvent pas l’excuse de se dispenser de ce travail d’études et de réflexion. L’auteur du célèbre chant l’ »Internationale » était un ouvrier cordonnier ; le théoricien et praticien d’une forme d’autogestion passée (qui utilisa, le premier, le terme « anarchiste ») fut également un travailleur manuel : Pierre-Joseph Proudhon. Sans parler des autodidactes qui se sont distingués dans le mouvement d’émancipation de l’humanité.

Mais voilà le hic : il est certain que les personnes qui voudraient s’occuper de ce travail sur l’autogestion ne bénéficieront pas de « subsides » officielles, ni de « gloire » médiatique, algérienne ou étrangère. Leur seule reconnaissance viendra de celles et ceux qui souffrent du manque de légitimes droits citoyens à auto-gérer la société dont ils-elles font partie, car l’hétéro-gestion, quelque soit sa forme, montre ses carences partout dans le monde, du moins à qui sait voir sans préjugés opportuns.

K. N.

Email : kad-n@email.com

Auteur
Kadour Naïmi

 




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