Lundi 5 février 2018
Le combat pour la liberté des femmes algériennes, une lubie ?
« Monsieur Sid Lakhdar, décidément, vous avez une lubie avec les sujets portant sur les femmes ! », est le résumé de l’une des réponses qui m’a interpellé suite à mon dernier article sur Le Matin d’Algérie.
Dans un pays où la femme est considérée comme une sous-citoyenne par un code juridique officiel et une pression sociale qui la couvrent de la tête aux pieds, comme un animal qu’on transporte, c’est une remarque stupéfiante.
En général, je ne réponds jamais aux commentaires lorsque les personnes ne déclinent pas leur vrai nom et leur qualité. C’est donc une exception car cela m’amène de nouveau à parler de la liberté des femmes algériennes, ma lubie.
Si la lubie se définit comme un comportement obsessionnel, alors c’est exact. Mais notre obsession a pour but de libérer la femme algérienne, celle des autres est d’assouvir une pulsion psychiatrique, c’est là la différence essentielle qui est pourtant évidente.
Si la lubie se définit aussi par le fait que l’objet du propos tourmenté est irréel, fantasmé, alors la personne qui a rédigé le commentaire vit dans un autre monde que le mien.
Si certains n’ont pas compris que ce combat était central pour aboutir à une société humaniste, éduquée et démocratique en Algérie, tous les enseignants au monde ne suffiraient alors pour les convaincre de l’absolue nécessité à nourrir cette lubie.
Je ne compte plus les articles rédigés dans la presse nationale pour cette cause, depuis le début des années quatre-vingt-dix. La première mission que nous avait confiée Ait-Ahmed, à notre retour en Algérie, avait été de rencontrer les responsables des associations des femmes algériennes. Il nous avait semblé, à tous et pas seulement à lui, que c’était l’un des nœuds centraux du problème. Ce que nous avons fait, dès les premiers jours, dans les salons d’un hôtel au bord de mer, à Alger, dont le nom m’échappe.
Mais dans ce combat, on est parfois déçu, ce qui n’enlève rien à son honneur et à notre persévérance. J’avais moi-même rencontré, dans cette mission, une certaine Khalida Messaoudi qui, au passage, m’avait fait un drôle d’effet par sa grandiloquence, sa préciosité du langage et sa prétention démesurée. J’en avais fait un compte-rendu en ce sens, mes camarades s’étaient moqués de ma suspicion, les mois qui suivirent me donneront raison.
Pendant toutes ces années de publication, j’avais la même impression en rédigeant pour le combat des femmes que celles qui accompagnent les publications contre le régime militaire, pour la défense des droits de mes compatriotes berbérophones, contre la religion déviante ou la corruption. Un pays qui traite les femmes de cette façon est tout simplement le reflet de son système politique et de ses mœurs les plus épouvantables.
Je me souviens que pour mes publications les plus nombreuses, le droit de mes compatriotes berbérophones, beaucoup m’avait dit que j’avais une « obsession suspecte» envers la Kabylie, d’un côté comme de l’autre, d’ailleurs. C’est bizarre cette impression que je donne aux personnes, celui d’un obsédé, lorsqu’il s’agit de mon profond militantisme.
En parlant des femmes, des berbérophones ou des généraux, moi, j’ai l’impression que je défends tout simplement ce pays que j’aime et qui n’a décidément jamais voulu de moi, tel que j’étais. Je dois avoir une particularité qui est incompatible avec les critères d’attribution de la nationalité algérienne. Eh bien, tant pis car ce pays, c’est la seule chose qu’on ne m’enlèvera jamais, une véritable lubie.
Faut-il être une femme pour défendre les femmes ? Faut-il être berbérophone pour militer pour leurs droits intangibles ? En les défendant, je défends les droits d’algériens, donc les miens. Faut-il être homosexuel pour la dignité et la défense des ressentis intimes ? Et ainsi de suite…
Oui, c’est une lubie à vouloir rédiger des articles concernant le droit des femmes, leur nombre ne sera jamais aussi grand vu le désastre de la situation en Algérie et l’importance cruciale du sujet. Le Code de la famille me soulève le cœur, à chaque lecture de la moindre disposition, tant l’abomination y est inscrite à chaque mot.
Cet (ou cette) internaute qui trouve que cela est une lubie a pourtant un français qui est d’un niveau pour lequel on est surpris d’y lire une telle remarque. Ou nous ne voyons pas les mêmes choses ou ma lubie m’aveuglerait au point d’en rajouter en obsession ?
Eh bien, monsieur ou madame, vous n’êtes pas prêts de me soigner de cette lubie. Elle est mon honneur et ma fierté, je la fais mienne. Le jour où elle se calmera, c’est que l’Algérie va mieux ou, moi, dans un piteux état.
S. L. B.