Jeudi 27 mai 2021
Voilà pourquoi je suis laïc
Autant que je sache, la religion émane de l’âme, elle est d’abord une question de spiritualité, autrement dit, c’est une relation entre l’individu et son créateur qu’elle qu’il soit. Pas d’intercesseur ni d’intermédiaire : la relation est intime, verticale, directe. D’où la difficulté de la gérer (je veux dire cette religion-là) par des lois humaines.
À mon sens, un vrai croyant (qu’il soit Juif, Chrétien, Musulman ou autre) ne peut être que laïc, à la base. Ce qui l’oblige à garder sa foi pour lui et se plier aux lois positives de l’Etat, qui, sont forcément humaines.
En ce sens, les lois de l’Etat, et par ricochet, de l’homme, c’est pour la vie d’ici-bas, elles ne seront importantes et inviolables que si elles respectent la liberté du culte. Chacun a le droit de croire à ce qu’il veut tant qu’il respecte les lois qui gèrent la vie mondaine.
Quant à la religion, c’est mon âme, mon intimité, mon individualité qui s’exprime et l’exprime en même temps. Elle reste, en quelque sorte, « ma lumière intime » qui me guide dans mon espace privé, et peut-être, strictement « communautaire. » Elle obéit aux lois de l’invisible, du spirituel, du divin. Somme toute, des lois spirituelles qui échappent le plus souvent à la rationalité du monde autour de moi.
Je peux dire, par exemple, et à titre strictement personnel que » ma religion est la plus importante, la plus vraie et la plus honnête dans le monde que toutes les autres religions »,— je parle bien évidemment de mon intime conviction—, mais cela ne me donne ni ne me donnera dans le futur aucun droit de l’imposer aux autres. Ce qui me poussera automatiquement à cohabiter avec ceux qui ne partagent pas « forcément » ma foi. C’est cela le vivre-ensemble : « chacun a sa religion et l’Etat pour tout le monde ».
Le soufi Djalâl ad-Dîn- Rûmi (1207-1273) disait un jour ceci : « La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s’est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s’y trouve. »
Sincèrement, on aurait tort à gagner à admettre que les choses ne sont pas pour nous que ce que nous pensons qu’elles sont, que nous avons raison, mais que, pour autant, l’autre (les autres) n’a pas (n’ont pas) tout à fait tort, puisqu’il est lui aussi dans une réalité, une vérité qui lui appartiennent en propre. Dans pareille circonstance, j’aurais personnellement tendance à tenir le bâton par la moitié, c’est-à-dire, à affirmer que l’autre et moi avons peut-être les deux raison, tant que ni lui ni moi ne nous avons pris la décision d’entrer en conflit pour ce que nous pensons être la Vérité.
Un griot africain disait : « Il y a ma vérité, il y a ta vérité, mais il y a la Vérité » Cette Vérité-là avec une majuscule, c’est la Lumière à laquelle tout un chacun de nous, qu’on soit Italien, Saoudien, Américain, athée, croyant, Catholique, Musulman, Protestant, Orthodoxe, Anglican devrions nous diriger.
Ceci dit, si lui (cet autre-là), voit le verre à moitié plein et moi je le vois plutôt à moitié vide, cela n’empêche pas que nous parlons tous les deux du même verre, qui est une Réalité objective, qui existe et qui est connotative, c’est-à-dire, qui peut être vue de différents angles et de différentes manières. Je pense, en mon for intérieur, qu’il n’y a d’autre Paradis possible que celui du Cœur, et qui dit cœur dit amour, fraternité, diversité, solidarité. Somme toute, tous les ingrédients nécessaires pour sauver l’humain du naufrage obscurantiste.
L’obscurantisme, ce n’est pas seulement le fanatisme religieux, mais aussi le laïcisme outrancier qui nie la spécificité culturelle de l’autre, le monstre de la finance qui enclenche, dans la barbarie la plus totale, des guerres dites humanitaires, avec tous les dégâts que l’on voit aujourd’hui partout (Irak, Syrie, Palestine, Venezuela, Yémen, etc), le discours haineux des idéologues du « Clash of civilizations », du type de Bernard Lewis, Zerqaoui, Bernard Henri-Lévy, Eric Zemmour, etc, qui alimentent, par médias interposés, le repli identitaire, le sacerdoce des frontières, la supériorité présumée des races, faisant fi du plus élémentaire des droits humains : le droit au respect de la dignité humaine et à la différence.
Cela a créé des ressentiments atroces chez les vaincus, les marginalisés, les pauvres, les moins nantis du capitalisme sauvage, qu’il est difficile d’apaiser avec les mots.
Quelque part, tous ces terroristes-là (islamistes ou autres) qui commettent aujourd’hui des attentats abominables çà et là contre des innocents, y trouvent du carburant pour justifier le bien-fondé de leurs actes ignobles. Cela n’est pas dû, de mon point de vue, à une crise de telle ou telle religion, comme l’affirment certains, mais à « une crise de l’Homme moderne », en naufrage dans la complexité de ses problématiques.