Samedi 6 avril 2019
Le nouveau FLN pointe le nez
C’est sans doute avec Abdelaziz Belkhadem que se vérifie le mieux l’adage selon lequel on revient souvent d’un pèlerinage moins dévot que l’on était parti.
A peine rentré de La Mecque, où il a pourtant dû expier de ses péchés et demander rémission de ses petites et grandes fautes, l’ancien chef du Front de libération nationale (FLN) a renoué avec la magouille politicienne, ses vices et ses perversions.
Comme l’accuse son adversaire du jour, Amar Saâdani, Belkhadem aurait organisé un dîner qui se serait transformé « en une réunion pour comploter contre le parti. » L’actuel patron du FLN insinue que son prédécesseur agit dans le cadre d’une conspiration à grande échelle.
« Belkhadem ne bouge pas sans les ordres de ses maîtres, affirme-t-il, péremptoire, avec l’accent de l’homme pur et sans collier, ne se connaissant pas de commanditaire. Il porte bien son nom. C’est un Khadem, (un serviteur) au profit de ses maîtres !». Allons, allons ! Un peu de respect pour le Hadj ! Car enfin, si Belkhadem ne nous est pas revenu de La Mecque « comme le jour où sa mère l’a mis au monde », il n’en est pas moins hadj selon les convenances en vigueur en cette époque de faux semblants, et à ce titre, il est en droit d’attendre prestige de ses correligionnaires. Et puis, ce Khadem n’est-il pas l’ancien comparse avec lequel le sieur Saadani a porté bien des coups à la république, à l’idéal démocratique, à la caisse de l’État et à l’honneur national ? Il n’est pas si loin, le temps où il formait avec Saadani, alors président du Comité de soutien du candidat Bouteflika, un duo de choc pour renverser la direction du FLN acquise au candidat Benflis à l’aide de chiens doberman ?
Plus tard, il est vrai, il a innové : les chiens doberman ont été remplacés par des troupes de voyous prêtes à punir ses adversaires politiques . C’est un des milliardaires que Belkhadem avait fait venir au parti, qui a fourni, lors de la réunion du CC le 15 juin 2013, les baltaguias, ces voyous qui ont empêché un bon déroulement de la réunion et permis le maintien de Belkhadem. Les adversaires avaient été sévèrement corrigés Le mouhafedh FLN de Annaba, Mohamed Salah Zitouni, adversaire de Belkhadem et un des chefs de file des redresseurs, s’était retrouvé à l’hôpital pour traumatisme et blessure au visage. C’est ce Belkhadem là qui a vendu le FLN aux milliardaires de l’import et transformé ce parti, le parti de Ben M’hidi, en cercle des nouveaux riches, initiative mafieuse grace à laquelle Amar Saadani doit d’avoir été parachuté par ces mêmes milliardaires à la tête du FLN.
Oui, c’est le même apparatchik qui se dresse devant nous, tout aussi fourbe, intact, plus que jamais disposé aux mensonges et à l’hypocrisie, le même homme avec lequel, rappelez-vous donc cher Saadani, du temps où vous occupiez le noble siège de président de l’Assemblée nationale, vous avez fait voter les lois décriminalisant le détournement de fonds public, et bloqué celles qui desservaient les milliardaires, comme l’impôt sur la fortune ou l’obligation de régler par chèque à partir d’un certain montant.
C’est ainsi que les deux hommes ont contribué à installer une kleptocratie dans le ventre de l’État, à privilégier économie spéculative et le marché informel à l’économie de production.
C’est dire que ce Belkhadem-là, avec sa barbe de faux dévot, peut encore servir. Ce ne sont pas les conspirations contre la république qui vont manquer. Les squadistri de Bouteflika, ceux-la utilisés pour casser le mouvement de protestation des Patriotes en 2012, ainsi que les manifestations des chômeurs à Constantine et à Ain-Beida, après avoir servi à assurer la victoire de Bouteflika, vont agir pour asseoir son règne. Contre qui ? Mais contre la population, pardi ! Celle qui menace de sortir dans la rue, celle qui demandera du travail, celle qui exigera ses droits, tout ce que Bouteflika ne peut déjà plus donner.
Le Bouteflika en pleine santé, avec un baril de pétrole à 140 $, a conduit l’Algérie au pied de la tombe ; que fera d’autre le Bouteflika impotent, avec un baril de pétrole en chute libre et des réserves qui s’épuisent, sinon de l’enterrer ? C’est ainsi que le FLN, censé être le fer de lance de la libération du pays, en en devient, lentement mais sûrement le croque-mort.
Ce que dévoile cette controverse pathétique entre deux hommes sans consistance, avides de pouvoir et dénués de morale, ce n’est pas seulement la déliquescence d’un parti qui concentre, en dépit de tout, l’essentiel des pouvoirs en Algérie, mais qui s’avère dépassé par les événements, qui n’a ni la dimension, ni la motivation ni encore moins les hommes pour faire face à la chute des prix du pétrole, mais c’est surtout sa lente et inexorable transformation en parti de type fascisant, protecteur de caste de spéculateurs contre le reste du peuple.
M. B.
Chronique publiée le 15 septembre 2015