Mercredi 28 février 2018
Quiproquos en haut lieu
Protestation des retraités de l’armée, grève illimitée des enseignants qui fait planer le spectre d’une année blanche sur tout le secteur éducatif, grogne des boulangers, mouvement de protestation des médecins résidents réprimé brutalement par les forces de l’ordre, pré-campagne précoce de certains partis pour la présidentielle, tous les indices donnent l’impression que l’Algérie est sur le fil du rasoir. Et pourtant, il y a seulement quelques mois, Ahmed Ouyahia affirmait que le pays a surmonté la crise grâce à la clairvoyance du président Bouteflika.
Le même homme qui, un peu de temps avant cette date, s’inquiétait fort du fait que les salaires des fonctionnaires de l’Etat pourraient ne pas être payés, en raison du manque de liquidités, c’est-à-dire que les caisses de l’Etat sont presque vides. Pour rappel, en août 2017 déjà, les banques publiques manquaient vraiment de liquidités que les autorités ont pensé à des solutions de rechange comme l’usage des recettes désuètes (le réescompte) ou l’emprunt de 20 milliards de dollars auprès des créanciers étrangers. Bref, il semble que, faute d’une communication officielle efficace, les contours de notre crise deviennent de plus en plus indéfinissables. Deux couacs et non des moindres sont à relever dans ce sens. Le premier concerne le projet de privatisation des entreprises publiques, en partenariat avec le syndicat officiel l’UGTA et le Forum des chefs d’entreprises (FCE), annoncé en grande pompe par le Premier ministre, fin septembre 2017, qui est enfin annulé sur décision présidentielle.
Le second a trait à la récente déclaration du gouverneur de la Banque centrale d’Algérie devant les députés de la l’APN, selon laquelle aucun dollar n’a été versé par l’Etat au Fonds monétaire international (FMI). Ce qui dément la rumeur quasi officielle, largement relayée par les médias étatiques et privés, des 5 milliards de dollars prêtés à ladite institution dans le but de l’aider à couvrir ses besoins financiers en cas d’urgence. Tout cela contribue, il est vrai, à semer de la confusion dans l’esprit des Algériens. Entre-temps, la planche à billets est lancée. D’ailleurs, plus de 7 milliards d’euros sont injectés dans les banques publiques pour financer les investissements. De même, les créances détenues par les entreprises publiques et privées, ou même étrangères, sur l’Etat ont été épongées à hauteur de 2 milliards d’euros.
Toutefois, beaucoup d’analystes ont récemment souligné qu’une moyenne de 20 milliards de dollars de réserves de change fond chaque année. Celles-ci, actuellement estimées à 97 milliards de dollars, peuvent s’assécher à l’horizon 2020. Un signe alarmant pour l’économie rentière qui dépend à 98% des revenus des hydrocarbures. Même si le déficit budgétaire qui atteignait en 2016 le niveau vertigineux de 15% du PIB est réduit, selon l’exécutif, de moitié et les cours du pétrole semblent se stabiliser autour de 70 dollars. En gros, à l’instar de la société qui vit dans l’inquiétude face à un avenir incertain, l’exécutif traverse une phase critique qui, si la cacophonie actuelle continue de primer sur le processus de prise de décision, risque de fragiliser davantage le pouvoir en place.