C’est à leur façon, en compagnie d’un des leurs, venu leur rendre visite et leur insuffler un brin d’espoir, le temps d’une soirée, que les jeunes Algérois ont choisi de célébrer leur fête d’indépendance avec Flenn.
A quelques mètres à vol d’oiseau des Tagarins, siège du ministère de la défense et jouxtant l’hôtel Aurassi, c’est ce jeudi 30 juin, au théâtre des verdures, que Flenn a choisi de débuter sa tournée algérienne qui se poursuivra à Oran et à Constantine. L’agence BASSAMAT qui conçoit l’événement fait appel au talentueux Stephan Redjimi pour sa réalisation.
Lorsque les jeunes promoteurs du projet « Flenn Tour », Ibrahim franco-algérien et Mourad un manager du cru nous ont rencontré il ya quelques semaines afin de nous présenter leur projet, nous l’avouons humblement, avons eu du mal à dissimuler notre manque d’enthousiasme. Probablement motivé par la morosité ambiante et la tristesse qui se devine inlassablement dans le regard et le cœur des jeunes.
Mais dès l’entrée de l’artiste sur la scène toutes nos idées préconçues s’évaporent, nos appréhensions se dissipent : Flenn reconnait son public et le public connait Flenn. Ils ne font qu’un.
Le théâtre des verdures ne cesse de s’emplir dès 19 heures. A 20H15 il est complexe de trouver une place de parking : Il ne vous reste plus que bas de l’avenue Frantz Fanon, à proximité de la bibliothèque nationale, pour stationner. Il faut remonter l’avenue et bien vous essouffler pour rejoindre le théâtre en plein air. Une fois arrivé il vous faut faire preuve d’ingéniosité pour vous frayer un chemin à l’entrée : il ya foule.
A l’intérieur, il faut vous trouver place dans une salle archicomble, vous frayer un chemin. Les jeunes sont excités à l’idée de voir leur icône du rap apparaitre. Comme à l’accoutumée dans ce genre d’événement les jeunes filles sont sages et certains garçons font les fous jusqu’à se faire traiter par le autres de 9a7wi i.e basané ou cave selon le sens local pour être plus précis.
L’artiste se fait attendre. L’atmosphère est électrique. On crie Bourouba ! Bourouba ! Pour rappeler les origines de l’artiste. Une commune au sud est d’Alger limitrophe de Bachdjerrah, célèbre quartier populaire. Vers 21h50 il apparait. Bob noir sur la tête, lunettes noires, silhouette filiforme flottant dans un tee-shirt noir et short en jean avec touche de violet et saumon, il aborde son public à partir de la terrasse qui surplombe la scène. C’est le délire, l’extase : il n’a pas besoin de chanter.
Les jeunes chantent pour lui. « Une exclue », ils en connaissent les paroles. Il enchaine sur un autre tube, même topo ; les jeunes chantent pour lui. Il leur tend son micro sans hésiter. Il doit probablement réaliser à cet instant combien ce public lui a manqué.
A un jeune garçon de 13 ans à nôtre droite et à des jeunes filles de seize ans à côté de nous demandons connaissez vous les paroles par cœur ? Ils répondent oui bien sûr, de toutes les chansons !
Nous prenons ainsi conscience de notre erreur. Ce rappeur de 28 ans, issu d’un quartier populaire, qui a immigré clandestinement et écrit des chansons depuis ses treize ans (2007) pour revenir ce 30 juin 2022 en pleine route vers le succès est un phénomène social, un artiste connu et reconnu au Maghreb et en Europe.
Malgré l’insistance d’Ibrahim et de Mourad lors de nos rencontres passées nous ne l’avions pas bien assimilé.
Flenn est devenu en l’espace de quelques années une référence dans la planète algérienne du Rap. Une icône pour tous ces jeunes gens, qui rêvent et espèrent du plus profond de leur cœur de regagner des rivages ou il leur sera permis de tenter leur rêve, qu’ils soient artistes, sportifs, écrivains médecins, scientifiques ou tout simplement être humains.
Les responsables du marketing et de la communication des grandes entreprises qui ont été sollicités afin de sponsoriser le concert algérois d’un artiste aussi populaire à la veille du soixantième anniversaire de l’indépendance et dont le cœur de métier devrait être celui de saisir de telles occasions n’ont ni réalisé, saisi ou capté l’opportunité.
Quoi qu’il en soit mis à part quelques dépassements d’un petit nombre de basanés (9a7wi) comme on les appelle, la soirée s’est terminée par « Recyclage », un dernier titre,, dans l’harmonie et la communion entre Flenn et son merveilleux public. Chapeau bas à Flenn et un grand merci à Ibrahim et Mourad pour avoir osé, organisé et apporté la joie à ces milliers de jeunes.
Djalal Larabi