Aujourd’hui, même les plus ardents défenseurs de l’école publique ne peuvent se réjouir de la situation de celle-ci et surtout depuis 2003 et le début de la réforme de l’éducation en Algérie particulièrement.
Il faut reconnaître que cette dégradation de l’éducation n’est pas propre uniquement à l’Algérie, mais concerne le monde. Nous pouvons rappeler que c’est sous l’initiative de l’UNESCO en 2 000, lors de la conférence de Dakar, que le projet des réformes ont été prises, et cela, dans le cadre de la mondialisation. L’Algérie ne pouvait y échapper et devait appliquer ces réformes à partir de 2 003, mais cela coïncida avec la grève des professeurs de l’enseignement, ce qui obligea l’Algérie à reporter sa réforme. La précipitation de la chute de l’éducation et de l’école publique algérienne commença à partir de cette date.
Devant la chute vertigineuse du pouvoir d’achat, les enseignants du secondaire se sont rebellés pour revendiquer surtout l’augmentation de leur salaire à 100 %, la révision de leur statut particulier et une retraite à de 25 ans de travail et non à 32 ans comme le stipule la législation. Cette rébellion qui dura plus de deux (02) mois dans le secondaire avait obligé le Ministre de l’éducation de l’époque, Monsieur Abou Bakr Benbouzid à engager un dialogue et à reporter toute réforme. Ce que beaucoup, ne savent pas, c’est que la conférence de 2 000 de Dakar avait dicté les bases de ces réformes et que l’échéancier était que l’application dans l’éducation ne devait pas dépasser l’année 2 015, ce qui explique ce qui nous est arrivé en Algérie avec le passage du primaire de six années à cinq et permettre à l’éducation de faire sa réforme dans les délais que l’UNESCO avait donné à tous les pays membres.
La précipitation et la maladresse de l’application des réformes basées sur la méthode de l’approche par compétence, qui ne sera jamais appliquée complétement. Les enseignants non préparés et ignorant les principes de bases de cette méthode se retrouvent dans l’obligation à appliquer une nouvelle méthode inconnue, basée sur des cours résumés et vide de contenu, car l’essentiel était de boucler les programmes dans les temps sans tenir compte des acquis de leurs apprenants.
Aujourd’hui, les élèves fuient l’école publique pour se tourner vers l’école privée laquelle est encadrée par les enseignants de l’école publique retraités ou non.
99 % des élèves, aujourd’hui, suivent des cours particuliers dans 70 % des matières enseignées. Les taux de passage d’un niveau à un autre qui sont en général supérieurs à 80 %, retombent en moyenne au baccalauréat à moins de 60 % avec une moyenne de 09,50/20. L’échec de l’école publique était programmé et ces résultats ne nous surprennent nullement surtout pour les élèves des branches scientifiques. Nous avons assisté à partir de 2 003 à :
1) Démantèlement de l’enseignement technique.
2) La fin de l’enseignement de la logique mathématique dans les programmes
3) La généralisation des cours particuliers
4) La disparition de l’autorité pédagogique de l’enseignant.
5) L’ingérence des parents d’élèves dans le travail de l’enseignant.
6) Les parents d’élèves font beaucoup plus confiance à l’enseignant des cours particuliers qu’à celui de l’école publique.
7) Des sujets d’examen basés à 100 % sur la mémorisation dont les contenus sont semblables d’année en année et ne surprennent nullement l’élève, car c’est toujours du déjà-vu.
8) La démission de l’administration et du ministère pour toute opération de changement et d’accompagnement de l’élève et de l’enseignant.
Cela a eu pour conséquence le massacre de l’école publique et l’encouragement des parents d’élèves vers les écoles privées dont leur nombre ne cesse de croître.
L’impressionnant succès rencontré par l’enseignement privé en Algérie signe bien davantage la faillite en cours de notre système scolaire que l’expression revendiquée d’une liberté de choix. Les responsables de l’éducation actuels préfèrent mettre leurs enfants dans des écoles privés au lieu l’école publique algérienne et leurs enfants devaient suivre les programmes de celles-ci.
Je vous raconte ici une anecdote que je n’oublierai jamais. Nous étions dans une réunion de travail syndicale en compagnie de feu notre ami Idir Achour au sein du ministère de l’éducation en Algérie, lorsque le secrétaire général de l’époque qui aujourd’hui, a pris une autre dimension, et que je tairai son nom ici, nous avoua que ses enfants vont à l’école privée. Connaissant feu Achour Idir, nous ne pouvions l’arrêter lorsqu’il gronda aux yeux du secrétaire général : « c’est une honte de représenter l’éducation nationale, de venir nous dire cela et de nous donner des leçons ».
Nous avions compris à partir de là que l’école publique était visée par ses représentants et que tout ce qui arrive au système scolaire n’est pas le fruit du hasard. Aujourd’hui, une simple enquête au niveau de l’éducation montrera que 90 % des responsables placent leurs enfants dans des écoles privées, j’irai plus loin des directeurs d’éducation à la retraite gèrent des écoles privées.
La faillite de l’école publique vient de ces responsables nommées sans enquête préalable sur leur amour de l’école publique. Qu’il soit ministre ou simple enseignant, nous ne pouvons servir l’école sans y croire.
Je ne comprends pas qu’un ministre peut se réjouir du taux de réussite au baccalauréat alors qu’il a porté la note d’obtention à 09,50/20.
Le succès du baccalauréat ne se calcul pas sur le taux de réussite mais sur celui de l’année suivante à l’université car nous savons tous que plus 60 % des bacheliers échouent en première année universitaire ou refont leur baccalauréat car leur vœux n’ont pas été satisfaits.
La réforme de l’éducation doit commencer par une purge au sein de tous les responsables. En 2 003, le ministre décida lui-même de démanteler l’enseignement technique sans raison valable malgré toutes les mises en garde des enseignants des lycées techniques et des syndicalistes. C’était le début de la marchandisation de l’école. Des ateliers techniques entiers ont été démantelés, des milliards de matériels techniques utilisés ou non utilisés ou même non encore réceptionnés ont été vendus à des prix symboliques ou remis à des sociétés. Nous sommes syndicalistes, enseignants, ne pouvions que pleurer sans pouvoir faire autre chose que de dénoncer cela, nous n’avions pas compris qu’une maffia était derrière tout. Aujourd’hui, nous savons que pour mettre à genoux un pays, il suffit d’attaquer la santé et l’éducation, ce qui est en train de se faire depuis 2 003.
La réforme est allée plus loin en privant les élèves des branches scientifique et mathématique de l’enseignement de la logique en première année secondaire alors était celui qui donnait les abc du raisonnement scientifique et mathématiques, car l’objectif était de baser l’enseignement scientifique sur la mémorisation.
Aujourd’hui, on se plaint du niveau mathématique des étudiants à l’université, on ne récolte que ce qu’on sème.
Les réformes faites ont permis à des responsables de l’éducation ainsi qu’à des particuliers de piller l’éducation aussi bien financièrement que pédagogiquement. Le livre scolaire fait partie de ce massacre.
En cette rentrée, jamais autant de parents ne se sont évadés du public pour frapper à la porte d’établissements qui garantissent discipline, soutien et espèrent-ils, résultats à leurs enfants. La demande est telle que quelques milliers, du primaire à la terminale, n’ont pas trouvé de place.
La faillite de l’école publique est un objectif mondial pour permettre la privatisation de celle-ci et à la création deux écoles celles des pauvres et celle des riches.
Cela ne serait pas un problème pour les pauvres si l’état mettait tous les moyens pour améliorer les conditions de l’école publique.
L’école n’est pas uniquement privée de l’assistance de l’état qui a limité son aide à celle-ci, mais aussi à des décisions visant beaucoup plus à sa destruction programmée par la mondialisation des systèmes scolaires.
Comment peut-on sauver le système scolaire en Algérie si on remet les rênes de l’éducation à des responsables qui ne croient pas en l’école publique et qui envoient leurs enfants dans des écoles privées. Le citoyen algérien n’est pas contre l’école privée, mais il revendique à ce que l’état donne les moyens à l’école publique, arrête de prendre des décisions destructives et d’arrêter ces concours de recrutement ou de nomination des responsables pour permettre à cette dernière à rivaliser avec l’école privée.
Le recrutement dans l’éducation doit être basé à 50 % sur l’expérience et donc sur l’intégration des cadres (contractuels et vacataires) sur le terrain, les autres, 50 % peuvent concourir et ne peuvent prendre en charge des élèves sans expériences.
Pour ce qui est de la nomination du personnel de responsabilité, il faut revenir sur les bases de désignations suivant certains critères bien établis.
L’état a le devoir de sauver l’éducation, arrêtons les erreurs passées, faisons appel aux compétences en retraite ou non pour sauver l’éducation.
Aujourd’hui, la nomination d’un ministre doit obéir à plusieurs critères scientifiques. On ne peut être ministre sans aucune publication, ni aucun projet. Nous avons suivi la mondialisation, nous avons basé des taux de réussite à plus de 50 % quels que soient les moyens, nous avons poussé tous nos enfants et leurs parents sur la tricherie et la corruption. L’éducation crie au secours, répondons à son appel.
Bachir Hakem, professeur de mathématiques retraité