L’Association Agir contre le Colonialisme aujourd’hui (l’ACCA) appelle l’Etat français à la reconnaissance de sa responsabilités dans le recours à la torture durant la guerre d’Algérie.
La Déclaration d’Alger pour un partenariat renouvelé entre l’Algérie et la France propose « une lecture objective d’un pan de leur histoire commune ». L’Histoire ne peut s’écrire à quatre mains, lors d’une guerre, chaque État, chaque belligérant se trouve seul face aux décisions prises, à leur application et à leurs conséquences, chaque peuple a son vécu propre de l’événement, vécu surdéterminé par son rapport avec son passé et sa condition présente.
Il n’y a pas de guerre sans abominations, sans crimes de guerre, mais l’État doit assumer ses responsabilités. Un mot traverse la guerre d’Algérie : torture. Jean-Paul Sartre écrit, dans Une Victoire, celle d’Henri Alleg sur ses tortionnaires, relatée dans La Question : « On n’humanisera pas la guerre d’Algérie. La torture… est au cœur du conflit et c’est elle, peut-être, qui en exprime la vérité la plus profonde. »
C’est cette « vérité la plus profonde » qui doit être soumise à l’examen attentif de l’Histoire. Comment en France, dix ans après la libération du nazisme, l’État, les instances gouvernementales, militaires et judiciaires n’ont-elles pas réagi quand des officiers français ont théorisé le recours à la torture sous le concept de « guerre révolutionnaire » ?
Comment ces théories ont-elles pu recevoir l’aval de l’État et être propagées et enseignées dans les écoles militaires ? Comment l’État a-t-il pu autoriser et couvrir la torture, définie comme crime de guerre dans les Conventions de Genève ? Comment l’État a-t-il pu promouvoir et décorer des tortionnaires et d’un autre côté, juger, condamner, mettre à pied, des Français, citoyens, journalistes, intellectuels, rappelés, officiers supérieurs et hauts fonctionnaires pour avoir dénoncé la torture ?
Soixante ans après, il est impératif de répondre à la question posée en 1962 par Pierre Vidal-Naquet dans La Raison d’État : «Comment fixer le rôle, dans l’État futur, de la magistrature ou de l’armée ou de la police si nous ne savons pas d’abord comment l’État, en tant que tel, s’est comporté devant les problèmes posés par la répression de l’insurrection algérienne, comment il a été informé par ceux dont c’était la mission de l’informer, comment il a réagi en présence de ces informations, comment il a informé à son tour les citoyens ? » Reconnaître les fautes du passé et les responsabilités de l’État n’est pas un acte de repentance, mais un acte de pédagogie citoyenne.
Nous signataires, demandons de savoir comment « la vérité la plus profonde » de la guerre d’Algérie, la torture, a été instaurée, pratiquée et couverte comme un système ?
Parmi les premiers signataires de l’Appel :
Hafid Adnani, journaliste
Nils Andersson, ancien éditeur, président de l’ACCA
Lachemi Belhocine, avocat
Bachir Ben Barka, professeur
Lyazid Benhami, écrivain et responsable associatif
Michel Berthelemy, président de la 4 ACG
Viviane Candas, cinéaste
Fatiha Charifi, Comité Audin
Rafaël Cosado, secrétariat de l’ACCA
Geneviève Coudrais, militante anticolonialiste
Michele Decaster, présidente de l’AFASPA
François Gèze, ancien éditeur
Jacqueline Gozland, cinéaste
Bruno Guichard, fondateur de la Maison des Passages
Julien Hage, historien
Stanislas Hutin, des rappelés témoignent
Claude Juin, écrivain
Aïssa Kadri, professeur honoraire des universités,
Nacer Kettane, président fondateur de BEUR FM et membre honoraire du CESE
Olivier Le Cour Grand Maison, historien
Gilles Manceron, historien
Gus Massiah, membre du Conseil international des mouvements sociaux
Myassa Messaoudi. Écrivaine et militante féministe
Annie-Claude Mozzani, secrétariat de l‘ACCA
Jean-Philippe Ould Aoudia, avocat
Jean-Pierre Renaudat, dirigeant de l’ARAC
André Salem, professeur émérite, secrétariat de l’ACCA
Lydia Vinck, secrétariat de l’ACCA
Tassadit Yacine, anthropologue et directrice de la revue Awal
Christophe Lafaye, historien et archiviste
Arezki Ighemat, professeur d’économie et linguiste,
Nacera Hadouche, avocat
Farhès Khima, architecte et enseignant du patrimoine historique
Louable initiative que j’applaudis vivement. Une petite Question néanmoins: A quelle date comptez-vous réagir contre les tortures en cours (2022) de la junte algérienne sur les centaines de détenus politiques et d’opinion ? En 2082 ?
Merci d’avance pour votre réponse.