27 novembre 2024
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AccueilIdéeA propos de la lutte : quand les pessimistes se vautrent

A propos de la lutte : quand les pessimistes se vautrent

La lutte politique est, dans notre cas, impérative et ce, pour régler la question nationale.

«Tout questionner est un chercher. Tout chercher reçoit son orientation préalable de ce qui est cherché.» Martin Heidegger, Être et temps, (version PDF), p.27.

Pourquoi ce chantage ?

« L’État n’a pas nécessairement besoin de donner des ordres, et d’exercer une coercition physique ou une contrainte disciplinaire, pour produire un monde social ordonné : cela fait longtemps aussi qu’il est en mesure de produire des structures cognitives incorporées qui soient accordées aux structures objectives et de s’assurer ainsi la soumission doxique à l’ordre établi. » (1)

Les interprètes de l’Action commune ne sont invités qu’à soustraire l’idole au vil. Les militants se sont rendu compte qu’en l’absence d’une doctrine claire transcrite sur un carnet, il faut se rabattre sur la morale commune née d’un conservatisme culturaliste en contradiction décomplexée avec les notions de base de la démocratie. Une société n’est pas un donné. Elle se construit par le biais de marqueurs idéologiques et par des actes où les altérités sont assumées sans complaisance bourgeoise.

Nous remarquons que la question sociale ne reçoit pas le même regard chez les courants politiques algériens, particulièrement la gauche. Être de gauche, c’est ruiner les schémas artificiels tracés par ceux dont la mission est de doubler les militants dans leur quête du sens impératif à la construction d’un Être collectif nié dans ses structurants fondamentaux.

1° Concevoir est-il conceptualiser ?

« Les scientifiques n’apprennent jamais des concepts, des lois et des théories dans l’abstrait mais toujours par rapport au paradigme qui les met en évidence. Lors d’une crise scientifique, le paradigme sur lequel s’appuie la pratique scientifique est mis en cause par la formulation de nombreuses théories spéculatives et imprécises qui peuvent mener à des découvertes. » (2)

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D’abord, le cheminement du concept n’a pas de logique de construction connue ou maitrisée. Un concept naît d’une grandeur civilisationnelle et meurt dans des luttes politiques « dévitalisées », dès lors qu’elles sont embourgeoisées. Le concept permet que les combinaisons multidimensionnelles (aucune architecture représentative n’est possible) se constituent et qu’elles fassent naître des mots sans prétentions intellectuelles.

Par une talking-cure assez poussée, un des pères fondateurs de la nation algérienne a théorisé le système algérien. Il a compris que la rupture de 1962 a profité aux bourgeoisies (civile et militaire). « J’ai déniché le noyau fasciste. » dit-il en gros, pour nous faire comprendre que la menace du conservatisme, elle aussi, est bien là.

Le Freud algérien a accepté d’abandonner son statut d’intellectuel confortable pour devenir le disciple de la conscience collective. Scripteur et non  secrétaire, ce leader aurait réglé la problématique Algérie, malgré les lourds traumatismes que le peuple algérien a accumulés. Mais, pourquoi n’a-t-il pas accepté d’accentuer son discours sur la question sociale pendant que ses adversaires (droitistes) dressent les foules contre le projet socialiste. Le précurseur du socialisme démocratique est resté nationaliste, mais pas sociophobe, contrairement aux culturalistes qui détestent le peuple.

2° Une thèse hégémoniste

« Le capitalisme n’est pas éternel. » (3) Ensuite, pourquoi favoriser les postures transhistoriques comme si la libération nationale était l’œuvre exclusive des prolétaires ? Les promoteurs classiques de la gauche partisane ont-ils compris que la bureaucratisation des organisations ne peut déboucher que sur la lecture morale des faits ; opposant les bons aux méchants. Il y a comme un souverainisme dans l’emploi des énoncés discursifs formant la doctrine du parti. Le conditionnement culturel et moral ne peut que renforcer le clivage idéologique artificiel que cultive la gauche partisane décidée à écarter la question nationale de ses idéaux. La question nationale n’est pas historique, d’après certains militants, qui, semble-t-il, pour des raisons affectives, privilégient la lutte sociale contre le déterminisme politique.

La gauche anti-culturaliste devrait régler son contentieux idéologique et mettre la question nationale comme priorité politique. Elle préfère considérer la rupture socialiste comme idéal. Les luttes idéologiques que mène la gauche transhistorique ne conçoivent pas l’Etat comme impératif socio-historique : les luttes de classe sont considérées comme les déterminismes qui maintiennent l’Être sous l’autorité d’une contingence étrange par son hégémonie « imperturbable ».

Il faudrait que la question nationale soit soumise à débat de telle sorte que c’est l’identité politique de l’Etat qui devrait être clairement définie et fixée.

L’Etat n’est-il pas une entité capable de se reconstruire nonobstant sa nature (autoritaire, totalitaire, despotique ou démocratique) ? L’Etat algérien, militaro-conservateur (les factions de la droite militariste et celles de la droite ethniciste), populiste, n’a pas réussi à échapper aux forces bourgeoises qui se sont introduites dans les sédiments les plus invisibles des appareils répressifs de l’Etat.

3° Un faux barrage à la démocratie

« Il y a […] une conception culturaliste (voire ethniciste) de la nation qui réfère cette dernière en priorité au « patrimoine culturel », à l’histoire, à la tradition, aux racines, à la langue, à la religion, voire au sang. Le nazisme a évidemment poussé jusqu’à sa plus extrême abomination cette conception. » (4)

En dernier lieu, la question sociale est étrangement perçue à partir d’un narcissisme conservateur des plus répréhensibles. Les ethno-culturalistes et les religieux, dominant l’espace politique ambiant, se donnent la possibilité de dégager le politique de la scène publique. Regardons la scène culturelle : tous les artistes se proclament « apolitiques ».

Or, l’exercice politique est l’affaire de tous ceux qui vivent dans la Cité et qui partagent cet espace avec leurs co-sujets. Et cet exercice ne discrimine pas : les conflits qui se déclenchent ne reconnaissent aucun statut particulier aux individus. Ne pas exercer le politique, c’est le retour à l’âge de la barbarie : toutes les perversités ressurgissent. Les meneurs de l’acte politique ne jouissent d’aucun crédit : c’est l’en-soi qui profite de ce que l’Être mineur soustrait aux temporalités figées.

Les écrivains ne sont pas structurés dans des partis : cette pratique est une malédiction qui touche presque toute la scène publique culturelle. Nous ne savons d’où vient ce réflexe. Et pourtant les plus réservés des auteurs algériens, Dib et Haddad, ont adhéré au parti communiste algérien pendant l’occupation française. Les trans-temps ont réussi à laisser les sédiments les plus invisibles des existences humaines se percevoir : ils sont pris pour les constituants les plus fondamentaux de l’ordre humain. Cela ne concerne pas la scène de scandale.

Le verbe revoit sa portée se libérer de ce que l’humain doit à la langue. S’opposer à la langue par le langage veut aussi dire la réhabilitation de l’art : l’esthétique ne comprend aucune marque idéologique. Cela donne lieu à des cérémonies bancales boudées par tous les militants, qui croient que la lutte est intrinsèque à l’existence.

Être, c’est lutter politiquement. Or, la problématique politique est reléguée à un rang des plus inférieurs, car les culturalo-bourgeois décident de se positionner en détenteurs légitimes de l’expression politique. Les culturalistes sont décidés à laisser les faux clivages issus de lectures réalisées par des agents idéologiques affiliés à des cercles qui ont pour procédé majeur le vice et pour dogme la division.

La caractéristique majeure de la droite algérienne c’est la culturalité narcissique.

Conclusion : Les affects détestables

« Dans tous les cas, l’ethnicité est assimilée à un indice de prémodernité, sinon de régression sociale. » (5)

Nous pouvons conclure que la question sociale est perçue par les uns comme moyen, par les autres comme fin. Actuellement, ce sont les politicistes qui devraient primer dans le combat quotidien. Les socialistes devraient, par ailleurs, utiliser le politique au sens existentiel pour régler ce qui relève des difficultés sociales. Il y a une position politique ; mais il y a des postures sociales.

La lutte politique est, dans notre cas, impérative et ce, pour régler la question nationale. Il devient aux militants socialistes un dilemme : 1° Suivre le schéma politiciste classique, en ce sens de lutter pour l’instauration d’une démocratie ; 2° Lutter socialement sans faire intervenir les revendications politiques. La démocratie ne sait à quel « pronom » se vouer : le « quoi » ou le « comment ». Répartir les richesses équitablement.

Le politique réintroduit l’humain dans le processus de l’Histoire malgré le refus de celle-ci. Du moins, de cet angle bourgeois que la vulgate du politique, indéterminé,  nous autorise.

Madi Abane

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