Omar Sy a-t-il tort ? Michel Houellebecq a-t-il raison ? Les polémiques dépassent, en effet, toute logique dans cette France hallucinée par ses propres démons.
Après sa sortie médiatique dans Le Parisien pour la promotion des « Tirailleurs »- un film sur l’engagement d’un tirailleur sénégalais en 1917 dans la Grande Guerre-, l’acteur français est sous les feux des projecteurs.
La raison ne tient plus au contenu du long-métrage ni à la critique des spécialistes, mais seulement aux propos de l’acteur d’origine sénégalaise concernant la guerre d’Ukraine. « L’Ukraine, dit ce dernier, n’a pas été une révélation dingue pour moi. Comme j’ai de la famille ailleurs, en Afrique, je sais qu’il y a toujours eu des enfants en guerre, des familles brisées. Je suis surpris, poursuit-il, que les gens soient atteints [par la guerre d’Ukraine]. Ça veut dire que quand c’est en Afrique, vous êtes moins atteints ».
Juste une phrase, une toute petite phrase a suffi pour mettre le feu aux poudres et enclencher une avalanche d’attaques verbales à l’encontre de l’acteur-comédien, traité par une grande partie de la droite d’ingrat voulant culpabiliser les Français.
De la revue Marianne aux ténors de l’extrême-droite en passant par des éditorialistes de renom, des gens du monde de spectacle, et des personnalités politiques, le ton est à la réprimande. A l’émission du TF1 du 3 janvier au soir, l’acteur a tenté de s’expliquer : « Le problème n’est pas vraiment ce que je dis. C’est ce que je suis ». Tout un drame « identitaire » exprimé sur le mode lamento par le quadragénaire noir, poussé dans ses derniers retranchements pour avoir osé déclarer son opinion dans le pays des droits de l’homme.
A contrario, dans l’autre versant du prisme, Michel Houellebecq, auteur connu pour ses dérives langagières et ses polémiques récurrentes ayant pour thème central les musulmans de France, récidive cette fois-ci de façon on ne peut plus brutale. Ce qui a poussé le recteur de la Grande Mosquée de Paris à porter plainte, suspendue par la suite, contre lui dans un silence médiatique presque assourdissant.
A l’origine, l’auteur de La Soumission a proféré, comme d’habitude, des propos litigieux contre les Musulmans dans la revue Front populaire. Dans un entretien qui s’étale sur 45 pages, avec le philosophe Michel Onfray, le prix Goncourt a prévu un nouveau Bataclan – du nom de la salle de théâtre parisienne où a eu lieu l’attentat meurtrier du 13 novembre 2015 -, mais à l’envers, c’est-à-dire des tueries entre les musulmans eux-mêmes et qui préfigurent une guerre civile en France dans un futur proche.
En outre, le polémiste a dit que « le souhait de la population française de souche, (…) ce n’est pas du tout que les musulmans s’assimilent, mais simplement qu’ils cessent de les voler et les agresser, en somme qu’ils respectent la loi, et qu’ils les respectent. Ou bien, autre bonne solution, qu’ils repartent. » Un jugement de valeur sur le mode de l’injonction qui, fait dans l’essentialisme le plus absurde, frise sinon dépasse le racisme le plus affreux.
La messe est dite et pas âme qui vive ! Où sont tous ceux qui reprochent à Omar Sy ses propos, jugés disproportionnés, concernant le manque de solidarité de la France avec l’Afrique, ravagée par des guerres sans fin ? Plus aucune trace pardi!
Et puis pourquoi attaque-t-on Sy et par Houllebecq ? Enfin faut-il jouer à chaque fois sur le sentiment de la « victimisation » pour attirer l’attention en hexagone sur les vrais problèmes du monde d’aujourd’hui ? Grande interrogation qui reste ouverte, au moment où les crispations identitaires tous azimuts teintent en gris la scène politico-médiatique française.
Kamal Guerroua