C’est un portrait sombre et sans complaisance que dépeint le rapport de l’Organisation des Nations unies (ONU) publié le 24 septembre dernier sur l’atteinte des objectifs de développements durables (ODD).
En 2012 à la rencontre Rio+20, un agenda avait été proposé pour atteindre certains objectifs de développement durable en 2030 pour tous habitants de la planète. L’ONU a adopté ces objectifs en 2015 et a décidé par la suite que des mises à jour de l’état d’avancement seraient faites tous les quatre ans. La dernière vient d’être publiée le 24 septembre dernier, soit quelques jours après le Sommet des Objectifs de développement durable tenu à New York les 18 et 19 septembre. Il montre que les dirigeants de très nombreux pays ne sont pas à la hauteur de la tâche qui leur avait été dévolue.
Les bons points et ceux qui s’améliorent
Sur les 17 grands objectifs et 36 sous-objectifs devant être atteints pour 2030, seulement 5 sous-objectifs sont considérés comme étant près d’atteindre leur cible. Il s’agit d’une assistance de qualité pour les naissances, le plein emploi, une industrialisation soutenable et inclusive, l’accès à un réseau Internet mobile et l’augmentation de son utilisation.
Chose surprenante, seulement trois sous-objectifs sont considérés comme ayant progressé de 2020 à 2023, soit l’augmentation des dépenses pour la recherche et le développement, l’accès a un logement sécuritaire et abordable et conclure des ententes d’assistance au développement.
Les échecs et les reculs
Il y a cependant huit de ces sous-objectifs qui sont considérés comme étant très loin de la cible. Ce sont, l’atteinte de la sécurité alimentaire, l’augmentation de la couverture vaccinale, une croissance économique soutenable, cesser les subventions pour les énergies fossiles, réduire les émissions de gaz a effet de serre, s’assurer d’un niveau de pêche soutenable, prévenir l’extinction des espèces et réduire le nombre de détenus qui n’ont pas eu de sentence en prison. Tous ces sous-objectifs sont considérés comme ayant un niveau de progrès qui s’est détérioré.
Encore pire, sur ces 36 sous-objectifs, neuf s’éloignent de leur but. C’est le cas de l’éradication de l’extrême pauvreté, une assistance de qualité pour les accouchements, qui bien que près du but régresse, prévenir la mortalité des enfants avant cinq ans, augmenter la couverture vaccinale, s’assurer que chaque élève a terminé au moins son niveau primaire de scolarisation, l’accès universel a l’électricité, une croissance économique soutenue, le retrait des subventions aux énergies fossiles et la réduction du taux d’homicides.
Des changements inévitables selon l’ONU
L’ONU considère que, vu l’état actuel de dégradation de la planète, les changements vont devenir inévitables. En 2021, plus de la moitié de la population mondiale, soit au moins 4,5 milliards de personnes, n’est pas entièrement couverte par les services de santé essentiels. Les données actuelles montrent aussi que l’extrême pauvreté ne sera pas éliminée en 2030 et que 575 millions d’individus la subiront.
L’Accord de Paris engageait les pays à limiter l’augmentation de la température mondiale moyenne à 1,5 °C. Nous allons plutôt vers une augmentation de la température mondiale de 2,6 à 2,8 °C d’ici la fin du siècle. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la différence entre 1,5 °C et 2 °C, devrait ajouter un mètre à l’élévation du niveau de la mer ce qui devrait faire passer de 6 à 16 millions le nombre de riverains touchés par cette augmentation d’ici la fin du 21e siècle. Il devrait aussi y avoir 99 % des récifs coralliens qui mourront au lieu de 70 %. Le nombre d’étés sans banquise dans l’océan Arctique pourrait aussi passer d’une fois par siècle à une fois par décennie.
Des changements dispendieux !
Le chapitre 6 du rapport présente donc une série d’actions pour guider les changements à faire. L’ONU veut que chaque pays se crée un plan d’action national pour contrer ses tendances négatives concernant l’atteinte des ODD. Elle demande aussi de créer une planification spécifique pour chaque industrie qui sera incluse dans le plan national. Les possibilités de financement pour l’atteinte de ces objectifs devraient aussi augmenter. Des investissements devraient être faits dans la création de données et des outils scientifiques. Finalement, l’ONU demande aussi la création de partenariat et de trouver des manières d’augmenter l’imputabilité des gouvernements ainsi que des parties prenantes.
Tout cela risque de coûter très cher. La Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (Cnuced) a pour sa part estimé que la réalisation des ODD coûtera de 5,400 à 6,400 milliards de dollars par an entre 2023 et 2030. Or, actuellement environ 3,3 milliards de personnes vivent dans des pays qui consacrent plus d’argent au paiement des intérêts de leur dette qu’aux services publics essentiels.
António Guterres a souligné la nécessité d’un financement à grande échelle de ces investissements affirmant que les pays en développement ne peuvent pas payer seuls la facture. Il considère qu’il faut transformer le soutien financier en investissements concrets dans ces pays, visant à atteindre au moins 500 milliards de dollars par an pour le développement durable.
Étant donné que tous ces objectifs ne sont pas contraignants et n’entraînent aucune pénalité s’ils ne sont pas atteints, il faut sérieusement se demander quelles seront les motivations des pays les plus riches d’en faire plus pour les plus pauvres. Comme le montre l’état actuel d’atteinte des ODD, celles-ci ne sont pas suffisantes pour combler actuellement l’écart.
De nouveaux outils pourraient donc être créés pour appuyer ceux déjà en place afin d’arriver à convaincre les dirigeants de tous les pays de la planète de travailler à leur survie commune
Michel Gourd