« Dans la vie véritable, qui ne ressemble pas souvent aux récits qu’on en fait, les causes, les conséquences, les caractères, les motivations et jusqu’aux faits mêmes, tout ou presque nage dans un brouillard cotonneux, un flou indécis. » Philippe Rémy-Wilkin
Il y a plus d’un siècle, le peuple belge était loin de prévoir que la capitale de son pays allait devenir le centre politique du Vieux Continent. Surtout en ces terribles journées de la fin de la Première Guerre mondiale. Précisément pendant ce mois tumultueux de novembre 1918 pendant lequel les troupes allemandes avaient su que plus rien ne pouvait les retenir à l’extérieur de l’Allemagne.
L’auteur utilise dans ce livre une double narration, celle de « l’envoyé spécial » d’Albert, roi des Belges, le dénommé Valentin Dullac qui a été mandaté pour parlementer avec tous ceux qui comptent dans cette capitale qui vit ses dernières semaines sous les bottes de l’occupant, et celle d’un personnage qui n’a pas de nom et qui utilise des lettres en italique.
C’est Dullac qui apparait dès le début du livre, caracolant sur son vélo, dans un endroit situé aux portes de Bruxelles et qui possède pour les francophones un nom à dormir debout : le Pajottenland (le pays des paillottes). C’est dans un village de cette région située dans le Brabant flamand que nous faisons connaissance avec lui. Ce village s’appelle Pede-Sainte-Gertrude. C’est là qu’il vient trouver une jeune femme en désaccord flagrant avec ses parents qui avaient choisi une autre façon de se comporter face à l’occupation.
Tout au long des pages qui défilent sous nos yeux, nous comprenons que le personnage principal essaye de retrouver ses parents mais surtout, en tant qu’officiel, s’évertue à empêcher toute persécution, comme c’est souvent le cas, contre ceux qui ont été accusés d’avoir collaboré avec les oppresseurs.
Le lendemain de cette journée, nous retrouvons Dullac au cœur même de Bruxelles pour trouver la trace d’un certain Franqui, personnage important s’il en est, auquel le roi Albert veut s’adresser pour lui confier des mandats importants dans l’édification d’une Belgique qui va bientôt renaître de ses cendres. Dullac rencontre d’autres personnages dont les noms sont restés gravés dans l’histoire du pays, même pour l’étranger que je suis : Vincent Volckaert, peintre et journaliste, Adolphe Max, celui qui va devenir le flamboyant bourgmestre de Bruxelles, Émile Vandervelde qui fut un des plus importants opposants à la toute-puissance de Léopold II…
Dullac n’a pas la tâche facile. Comme dans toute fin de guerre, Bruxelles est soumise aux vols et aux exactions. Mais surtout à l’apparition d’une terrible pandémie, la grippe espagnole. En dehors de ces difficultés, Dullac, personnage courageux et clairvoyant, se permet même de rencontrer les officiels allemands desquels il apprend qu’au sein même de l’armée d’occupation, une ligne de démarcation sépare les fidèles de l’empereur et ses adversaires qui rêvent d’une Révolution.
Philippe Rémy-Wilkin nous fait toucher du doigt, tout au long de ces neufs jours de novembre 1918 qui constituent la trame de son récit, l’histoire de sa ville natale. Récit amplifié par une écriture magistrale et la dimension historique autour d’une ville d’exception avec l’adjonction de personnages qui l’ont vraiment peuplé. La grande générosité de Philippe Remy-Wilkin, c’est de raconter l’histoire de cet intervalle, qui a légué un héritage essentiel, avec virtuosité et ingéniosité. Il nous permet de plonger dans cette capitale belge dans la tourmente de novembre 1918.
Kamel Bencheikh, écrivain
On a envie non seulement de lire le livre mais également de visiter Bruxelles, ses rues, ses monuments, en faisant résonner les noms de ces personnages dans sa tête. Une manière de s’approprier la ville de l’intérieur de son histoire.
Merci ! Du coup, je vous offre un scoop. Le héros, dans le tome 2 (écrit et prêt à paraître en 2024) nous dévoilera un grand amour du Proche-Orient et de ses anciennes civilisations.