24 novembre 2024
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Finances publiques, autoritarisme et libertés : une relation intrinsèque

La relation entre les finances publiques et l’autoritarisme est complexe et intrinsèque. Lorsque les caisses de l’Etat sont à ras bord, le pouvoir tend à devenir omniprésent, offensif et autoritaire, exerçant un contrôlant strict sur la société et limitant drastiquement les libertés.

La richesse produite est utilisée comme un socle de légitimité, donnant ainsi au pouvoir le droit d’élargir ses prérogatives et renforcer son contrôle de la société. A l’inverse, en période de rareté des ressources financières, l’Etat se retire, se désengage et le pouvoir réel s’efface.

Le recul des tenants du pouvoir réel, qui laisse la façade civile seule face aux mécontentements de la population, est une ruse qui leur permet d’esquiver leur responsabilité dans la crise et de se positionner en recours ultime en cas de débordement.

Cette stratégie de retrait de l’Etat repose sur une politique de laissez-faire et laissés-pour-compte, en espérant que le secteur privé et les forces internes de la société combleront les lacunes et pallieront sa faillite et la défaillance de l’Etat.

Les attitudes et les comportements de nos dirigeants politiques semblent donc comme calqués sur le niveau de remplissage des caisses de l’Etat, un facteur déterminant pour la survie du régime.  

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Un Etat distributeur de richesse est crucial pour le maintien des régimes illégitimes et autocratiques. Cette redistribution, réalisée via le truchement de l’investissement public, de l’octroi de crédits et les emplois fictifs, permet de fidéliser la clientèle qui sert de base sociale, mais n’a aucun impact positif sur le niveau de vie la majorité de la population.

L’autre aspect de cette redistribution, réalisée par l’octroi de privilèges indus obtenus par abus de pouvoir et entente tacite et complice entre corps d’Etat, entraîne une discrimination dans l’application de la loi et augure le chaos du plus fort.

Telle une armée enchevêtrée dans le tissu social, la caste de privilégiés ainsi constituée est activée, avec le concours de l’assujettissement des pouvoirs et de l’élasticité des lois répressives, pour encadrer sévèrement la société et la maintenir sous tutelle.   

Il existe donc une dialectique entre le niveau des caisses de l’État et l’étendue des libertés. Plus les caisses sont pleines, plus le pouvoir restreint les libertés, affichant une arrogance qui reflète la santé financière de l’État.

La corrélation entre la disponibilité des ressources financières, l’humeur des dirigeants et l’état des libertés est si évidente que les initiés peuvent percer l’opacité entourant la trésorerie publique rien qu’en observant ces émotions et comportements. La dérive totalitaire est par ailleurs perceptible à travers la répartition du budget de l’Etat, dès lors que l’on aura identifié ceux qui s’octroient la part du lion.

Aujourd’hui, l’arrogance affichée par nos dirigeants indique des caisses vraisemblablement pleines. Cette prospérité, paradoxalement dommageable pour les libertés et stérile pour le bien être, se manifeste par un changement radical de politique : du gel total des importations à une ouverture tous azimuts et sans transition du commerce extérieur, et l’abandon du projet de ciblage des aides au profit du soutien général des prix, renouant avec le fastueux train de vie de l’Etat.

Les dirigeants présentent cette santé financière comme le résultat d’une bonne gouvernance et de leur engagement patriotique pour tenter de justifier la confiscation de la souveraineté populaire et masquer la crise de légitimité profonde du pays. En réalité, cette embellie est providentielle. Elle résulte de la hausse des prix des hydrocarbures due au contexte mondial, notamment à la guerre en Ukraine, au gel des importations et à l’arrêt des investissements publics.

Cependant, elle demeure fragile, pouvant être balayée par un aléa climatique ou une décision de l’OPEP d’augmenter les quotas de production. Elle donne ainsi une image distordue de la réalité économique du pays et décourage, par conséquent, les efforts visant à sortir de la dépendance pétrolière.

Malgré cela, l’accumulation monétaire semble si dense qu’elle suscite des jalousies et menace de faire sauter les couvercles des caisses de l’Etat. Cela appelle l’exécutif à ouvrir les vannes pour apaiser un contexte social très dégradé et stimuler, par les retombées et les fuites dans le système, l’éveil d’une clientèle traditionnelle précieuse, surtout en période électorale.

La tendance actuelle est donc à la dépense inconsidérée. Nos décideurs passent sans transition du statut de trésorier précautionneux à celui de dépensier pathologique, entraînant une transition du gel quasi-total de l’investissement à l’inscription au budget de l’Etat de toute suggestion de projet. Cette mutation, où l’on renoue avec des habitudes caractéristiques du régime, a été précipitée par l’approche des échéances électorales.

La transition précipitée empêche à l’évidence une orientation utile des fonds, faute de temps pour cerner les besoins réels en développement économique et humain et identifier les projets structurants appropriés.

A court d’imagination, le pouvoir décide d’allouer les fonds colossaux aux élus locaux, prétextant avec une touche de populisme vouloir prioriser le développement local et mener la lutte contre les zones d’ombre.

C’est une aubaine pour nos édiles, qui, à l’approche des échéances électorales, trouvent l’occasion de maquiller leur bilan de fin de mandature peu flatteur par des réalisations tape-à-l’œil. La plupart des projets sont en effet validé sur une base électoraliste, dans l’improvisation et l’ivresse d’un pouvoir sans limite.

Nos maires excellent dans l’art des dépenses compulsives, inconsidérées et irresponsables, même si certains commis de l’État et agents de l’administration, échaudés par les affaires de corruption et de dilapidation de l’ancien régime, tentent de tempérer leur ardeur.

Ils se concentrent sur des projets récurrents tel que le changement de l’éclairage public ou la réfection des trottoirs, qui se dupliquent sans cesse dans le temps et à travers le pays, autant de fois qu’il y a de communes. La prétendue éradication des zones d’ombres devient ainsi un parfait prétexte pour justifier cette gabegie.

Il est évident que l’incohérence des politiques ainsi engagées et l’absence de légitimité évidente ne permettent pas d’impulser un développement socio-économique réel, malgré un investissement public accru. Cependant, cela n’est pas la préoccupation. Le souci du développement socio-économique sert simplement de couverture pour continuer à pomper le pétrole des entrailles du pays, tout en passant outre la souveraineté du peuple.

Hamid Ouazar, ancien député de l’opposition

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