En l’espace de quelques années, la majorité des habitants affichent vertement et ouvertement leur islamisme. L’islam y est plus présent, plus visible, et le salafisme s’est installé doucement et sûrement.

Face au sujet, il y a ceux qui se braquent, ceux qui s’affirment sans vergogne et d’autres qui ironisent. En ces temps de crise et d’incertitude, la dérive confessionnelle, importée et/ou fabriquée, voire manipulée par le régime, le discours religieux prend le dessus à telle enseigne que l’afghanisation de l’Algérie est bel et bien présente et menaçante.

Ce qui se passe en ce moment en Algérie est loin d’être un effet de mode ou une crise passagère. L’échec des idéologies politiques, la misère culturelle crainte, la crise d’identité, la dégradation de la cellule familiale et de certaines valeurs font que des filles préfèrent le voile, les garçons se font pousser la barbe et portent des « qamis » ce qui leur procure un refuge, une chimère. La question de la laïcité s’est éclipsée sur la scène publique algérienne. Les croyants perçoivent la séparation de l’islam et de l’État comme une agression contre leurs convictions, comme une trahison des origines.

Et pourtant, la Tunisie vient de franchir le cap en rejetant le référentiel religieux. En effet, l’assemblée constituante tunisienne a retiré la proposition d’article 141 de la constitution stipulant que la religion d’État en Tunisie était l’Islam. Ainsi, l’assemblée constituante composée d’une majorité de députés « nahdaoui » a accepté le « compromis » avec les partis radicaux de gauche en abrogeant la proposition d’article qui faisait de l’islam la religion d’État de la Tunisie.

Pendant ce temps-là, les télévisions algériennes, notamment celles visées ci-dessus, déversent des tonnes de commentaires religieux faits par des hommes barbus ou des femmes voilées et à force de répéter que «notre identité est dans l’islam », plus personne n’ose affirmer autre chose.

Des milliers, voire des millions d’Algériens, sont obnubilés par le discours religieux qu’ils consomment sans modération, une façon d’être en paix avec eux-mêmes, et de mettre en échec toutes les angoisses du monde, ce qui est plus efficace à leurs yeux que n’importe quel antidépresseur. La population baigne en outre dans une atmosphère de religiosité qui dépasse l’entendement.

Ces dernières années, il n’échappe à personne que le mouvement de “réislamisation” a marqué la société algérienne, soit dans les cœurs et les âmes, du moins dans les apparences. On constate un peu partout une extension (volontairement ou sous pression sociale) du port de la barbe parmi les jeunes et mêmes les personnes d’un certain âge, ainsi que du voile ou du niqab par des jeunes filles, femmes au foyer, femmes d’un niveau universitaire, étudiantes…le fait marquant est les chaînes de télévision où on remarque une de plus en plus de femmes voilées.

La multiplication des magasins uniquement dédiés à l’habit religieux, des librairies où on ne retrouve que des livres religieux…Tout est religieux, rien que religieux.

La hargne du non-accès à la modernité s’islamise sous une forme réactive parce qu’une intelligentsia novatrice manque cruellement dans la société pour canaliser les aspirations dans un sens constructif et réaliste. Face à une telle absence, et compte tenu de l’échec des tentatives de développement économiques, les nouvelles couches urbaines, formées en majorité de déshérités ou des classes moyennes inférieures, épousent une étude agressive de rejet du monde, plutôt que de vouloir s’y aménager une place.

Ils culturalisent, voire sacralisent leur colère dans un islamisme réactif qui risque, à la longue, de nuire à leur propre société, au lieu de réaménager, sous une forme réaliste et constructive, les rapports avec le monde extérieur.

L’islamisme effréné conjugué avec un net recul des libertés démocratiques sont à l’origine de l’exode des intellectuels, ingénieurs, techniciens, médecins, et plus généralement de la matière grise.

Si certaines langues continuent à minimiser la dangerosité et la perniciosité des islamistes, des faits patents viennent corroborer le contraire. La résurgence islamique canalise tous ses efforts pour la reconquête de la société civile.

Le rétablissement d’un ensemble composite d’associations volontaires à l’image « d’Iqraa » ainsi que d’autres formations estudiantines qui s’arrogent des fonctions éducatives et rituelles, et parfois également des fonctions syndicales (pour étudiants, commerçants, artisans…) ou aussi dans des comités de villages et comités de quartiers.

Toutes ses agitations ne sont pas pour rien, car derrière cette pseudo-implication dans la vie de la cité se cachent des stratégies inavouées. Une manière d’asseoir une idéologie dominatrice qui s’arcboute sur la religion.

Après avoir conquis les mosquées, la société algérienne est prise dans l’étau des islamistes. Sinon comment expliquer la montée fulgurante des fatwas, propagation du voile et du « qamis », multiplicité des mosquées aux quatre coins du pays…la religion s’invite partout et nulle part. les chaînes de télévision ne sont pas des moindres dans cette islamisation effrénée. Des chouyoukhs font leur prêchi-prêcha à longueur de journée, notamment dans les médias comme Echourouk, Ennahar, El Bilad…

In fine, la réislamisation ostentatoire monte crescendo. Faute de changer en profondeur les fondements de la société et de l’économie, les islamistes glissent insensiblement vers la ghettoïsation idéologique de la société.

Certes, certains diront que l’islamisation est secondaire et ne constitue guère un danger, mais l’histoire retiendra que derrière ce silence radio, les islamistes préparent le terrain pour un éventuel retour « fracassant ». En l’absence d’un aggiornamento idéologique, la société algérienne risque gros. Il est plus aisé de s’en sortir d’une prison physique que de s’évader d’une prison idéologique.