Vendredi 14 juin 2019
Abdelkader Bensalah ou le syndrome de l’article 102 !
C’est désormais une certitude : malgré le rejet populaire, Abdelkader Bensalah, compte rester à la tête de l’Etat jusqu’à l’élection du président de la République !
La «situation » m’oblige, a-t-il déclaré dans son dernier discours, à continuer à assumer cette charge. En fait, le report de l’élection présidentielle du 4 juillet était l’une des principales revendications des manifestants, qui refusaient un scrutin organisé par des piliers de l’ancien régime d’Abdelaziz Bouteflika.
En attendant un prochain scrutin, le pays se retrouve dans une situation inédite que Slimane Zeghidour qualifie d’«apesanteur constitutionnelle» !
Cela veut dire que ce qui tiendra lieu de gouvernement ne sera habilité ni à parapher des traités internationaux, ni à accréditer des ambassadeurs, ni avoir une quelconque activité diplomatique avec toutes les prérogatives et les capacités d’un Etat ordinaire, fut-il par intérim.
Par conséquent, c’est un état de paralysie institutionnelle et constitutionnelle dans un pays qui occupe une grande partie du bassin méditerranéen et qui se trouve en face de l’Union européenne, poursuit le politologue.
A cela, il faut relever que Abdelkader Bensalah, le chef de l’Etat n’est pas apparu au mieux de sa forme lors de sa dernière intervention télévisée. On le disait malade depuis quelque temps déjà. Son état de santé semble s’être manifestement dégradé depuis quelques jours, au vu des images de sa dernière apparition publique qui tranchent avec la relative «forme» physique qu’il affichait les premières semaines de son installation au palais d’El Mouradia.
Cet événement, a fait remarquer un éditorialiste, a mis au jour un autre vide constitutionnel que la nouvelle Loi fondamentale devra combler : L’exigence du bilan de santé du chef de l’Etat par intérim dans le dossier de candidature à ce poste !
L’actuel chef de l’Etat sur la tête duquel plane « le syndrome » de l’article 102, risque-t-il de subir le même sort, si d’aventure son état de santé venait à l’empêcher d’exercer ses fonctions ?
Et le peuple dans tout ça, sera-t-il d’accord pour que les choses restent en l’état ?
Peut-on pour autant parler de malédiction sachant que les pays du tiers monde en général ont été gouvernés, longtemps, par des présidents soit en mauvaise santé, soit contestés par leur population.
Et ce qui est rapporté ci-dessous, n’est qu’un résumé très succinct des présidents, de quelques uns parmi eux, qui ont connu des fortunes diverses lorsqu’ils étaient à la tête de leur pays respectif :
D’abord, il y a ceux, dont le mandat a été entaché de scandales et terni par des poursuites et des condamnations judiciaires:
– Félix Faure, président de la République Française est mort, victime d’une crise d’apoplexie dans les bras de sa maitresse qu’il recevait dans un salon à l’Elysée.
– Philippe Pétain avait été jugé en tant qu’ex chef d’Etat français et condamné à mort pour haute trahison, une peine commuée à un emprisonnement à perpétuité.
– Carlos Menem, au pouvoir en Argentine de 199-1999, a été condamné pour trafic d’armes à destination de l’Equateur et de la Croatie ; sénateur, il reste cependant protégé jusqu’à la fin de son mandat en 2017.
– Moshé Katsav, président Israélien a été condamné pour viol, harcèlement sexuel, obstruction à la justice et menace contre témoins.
– Ezer Weizman, son successeur, a été contraint lui aussi de démissionner en 2000, trois ans avant l’expiration de son second mandat, à la suite d’un scandale de corruption.
– Richard Nixon, président des U.S.A, sera victime d’une procédure « d’impeachment » qui le forcera à démissionner en août 1974, suite à l’affaire du « Watergate ».
– Charles Taylor, président de la Servie Leone a été condamné à 50 ans de prison, le TPI l’estimant responsable de la guerre civile qui a fait près de 150 000 morts.
– Bill Clinton, président des U.S.A dont le mandat a été terni par le scandale du « Monicagate » relatif à l’affaire Lewinsky (1999).
– Hosni Moubarak, 84 ans, emporté par le printemps arabe, a été condamné par la justice de son pays pour le meurtre de manifestants.
– Mohamed Morsy, président des frères musulmans, renvoyé par l’armée égyptienne et mis en prison depuis.
– Zine El Abidine Ben Ali, président déchu, «dégagé» par la rue tunisienne ; il a fuit son pays en emportant les bijoux de la République ; il vit, depuis, dans un harem en Arabie Saoudite.
– Christian Wulff, président Allemand, démissionné de son poste le 17 décembre 2012 car soupçonné de « prévarication ».
Tous ces dictateurs et autres présidents déchus, démissionnés, ou condamnés ont décrédibilisé la fonction de président de la République et ont contribué à creuser davantage le fossé avec les peuples qui n’ont plus maintenant qu’un seul mot à la bouche : «tous pourris ». Ensuite, il y a ceux qui n’ont pas su mettre un terme à leur carrière de dictateurs et qui y ont laissé leur vie :
– Mussolini, l’Italien, mort suspendu comme une bête à l’équarrissage.
– Najibullah, le président afghan, a été pendu et son cadavre souillé.
– Ali Bhutto, quatrième président de la République Islamique du Pakistan, victime d’un coup d’Etat, condamné à mort « pour conspiration de meurtre » ; il est pendu le 4 avril 1979.
– Ceausescu, président de la Roumanie, condamné par un tribunal populaire puis fusillé en compagnie de son épouse. Dictateur, il a abusé de son mandat.
– Saddam Hussein, l’irakien arrêté dans une cave, jugé un an plus tard par un tribunal spécial Irakien qui l’a déclaré coupable de génocide, crime contre l’humanité et crime de guerre. Il est exécuté par pendaison, le 30 décembre 2006, lors de la célébration de l’aïd-el-kébir, jour sacré pour les musulmans.
– Kadhafi, président de la Libye, ensanglanté, bouffi, dénudé, brutalisé par des mains vengeresses, achevé et enterré, anonymement à jamais, dans un coin perdu dans le désert libyen.
La chute des dictateurs est souvent pénible et la mémoire populaire ne retient d’eux, en définitive, que les images de leur agonie ou de leur exécution. Exit tout ce qui a été accompli comme avancée ou progrès par certains d’entre eux, qui étaient peut-être, à l’entame de leur mandat, animés d’une volonté de servir le peuple et le pays.
On peut conclure aussi, que la violence qui est appliquée à tous ces dictateurs, n’est que le choc en retour, de leur incroyable brutalité quand ils dominaient leur pays et asservissaient leur peuple. Enfin, il y a ceux qui, malades, n’ont pas pu terminer leur mandat :
– George Pompidou, président de la République Française est décédé en avril 1974 pendant son premier mandat, de ce qu’on appelle pudiquement, une longue maladie.
– Félix Houphouët-Boigny, le premier président de la Côte-D’ivoire est décédé le 7 décembre 1993. Il était à la tête du pays depuis de nombreuses années déjà.
– Le roi Hassan II du Maroc, décédé le 23 juillet 1999, en plein règne.
– Le général Gnassingbé Eyadema du Togo, mort le 5 février 2005, alors qu’il était au pouvoir.
– Lansana Conté de la Guinée. il ne terminera pas son mandat et décède le 22 décembre 2008.
– Levy Mwanawassa qui présidait aux destinées de la Zambie, décède le 19 août 2008, à 59 ans. Il était au pouvoir depuis 2002.
– Omar Bongo Ondimba du Gabon meurt le 8 juin 2009 alors qu’il présidait encore aux destinées de son pays.
– Umaru Musa Yar Adua du Nigeria, meurt le 5 mai 2010 en plein mandat de président de la République. Il avait 59 ans lui aussi.
– Malam Bacai Samhà de Guinée-Bissau décède d’une maladie en 2009 en plein mandat.
– Yasser Arafat et Houari Boumediene eux aussi morts prématurément, en pleine force de l’âge. Le mystère de la mort du premier nommé demeure encore à ce jour : empoisonné ou pas ?
– Hugo Chavez, président vénézuélien, fraîchement élu pour un nouveau mandat, mort sans avoir prêté serment après avoir affronté, en vain, la maladie.
– Houari Boumediene président algérien, décédé en exercice et dont on a caché la mort aux algériens.
– Abdelaziz Bouteflika, président algérien, postulant pour un 5éme mandat qui à dû renoncer, le hirak ayant réduit à néant son ambition !
De ce qui précède et en guise de commentaire, il conviendrait de préciser que la mort faisant partie de la vie, n’est pas, bien évidemment, exclusive aux présidents, dès lors que tout être sur cette terre y succombera un jour ou l’autre. En revanche, on rechigne à parler de la santé ou de la maladie de ceux qui président aux destinées des nations.
A fortiori quand cette maladie est grave handicapante ou qui peut aboutir, en cas de décès, à un imbroglio constitutionnel ou une crise de succession, ou plus grave encore que le pouvoir soit exercé par des « forces extraconstitutionnelles », comme en Algérie !
Aujourd’hui, il apparaît impérieux, au regard de l’expérience de la gestion opaque du dossier médical de Bouteflika, de prévoir également les mécanismes constitutionnels appropriés dans les réformes constitutionnelles à venir afin de prémunir le pays contre la réédition du scénario de l’ex-Président, maintenu à son poste pendant un mandat plein malgré sa maladie et son incapacité manifeste à diriger le pays.
A ce jour, la maladie est rarement prise en compte comme un facteur déterminant pour confier des responsabilités à tout homme politique, a fortiori candidat à l’élection présidentielle. C’est le débat de l’heure !
Beaucoup plus de personnes souhaitent, non seulement que les mandats des chefs d’Etat soient désormais limités à deux mais aussi que les candidats à la magistrature suprême prouvent, certificat a l’appui, qu’ils sont en parfaite santé
Hélas, le pouvoir d’ici-bas fascine, autant les aspirants que ceux qui y ont goûté et qui n’ont de cesse de vouloir s’y maintenir, revenir ou mourir sur le « trône ». Pour l’heure, avec l’extrapolation illégale de l’intérim présidentiel, la classe politique, les partis de l’opposition surtout, les organisations de la société civile et les personnalités nationales auront incontestablement une raison de ne pas « dialoguer » avec Abdelkader Bensalah qui a décidé de manière régalienne de poursuivre l’exercice du pouvoir en violation de la Constitution.
A moins qu’il ne soit lui-même « invité » à démissionner en vertu de l’article 102, ce qui ouvrirait «tout grand» la voie à la solution politique pour résoudre la crise en Algérie.