28 mars 2024
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Affaire Khashoggi : l’Arabie saoudite passe au chantage

DECRYPTAGE

Affaire Khashoggi : l’Arabie saoudite passe au chantage

Les prix du  baril de pétrole est remonté jeudi jusqu’à  62,02 dollars principalement à cause des données liées aux stocks du terminal américain de Cushing, très scruté par les investisseurs, et surtout des déclarations intentionnelles sous forme de message fort dans la presse saoudienne sur une éventuelle suspension des exportations d’Arabie saoudite vers les Etats-Unis.

Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de « light sweet crude » (WTI) pour janvier a pris 1,43 dollar à 52,58 dollars. L’un des catalyseurs de la hausse vient de « la publication de chiffres en baisse sur les stocks du terminal de Cushing lors des jours précédents », a commenté Bart Melek de TD Securities, des données publiées jeudi par la société Genscape.

Ce terminal pétrolier est particulièrement surveillé par les investisseurs dans la mesure où il sert de référence à la cotation du pétrole à New York.

Ce yoyo a été de courte durée puisque samedi et dimanche 16 décembre, le prix du baril du Brent pour livraison en février est redescendu à 60,15 dollars perdant ainsi près 1,15 dollar par rapport à la veille. Rappelons que le sénat américain a infligé jeudi un double revers à Donald Trump en demandant l’arrêt du soutien des Etats-Unis à la coalition internationale au Yémen et en pointant du doigt la responsabilité de Mohammed ben Salmane dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. Elles ont été approuvées grâce aux votes de sénateurs démocrates et républicains.

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Bien que dans la pratique procédurale, ces deux résolutions distinctes n’iront pas plus loin que le Sénat pour l’instant, elles ne devraient pas être débattues à la Chambre des représentants, au moins jusqu’au changement de majorité en janvier, et ne semblent pas prêtes de recevoir la signature du président américain qui entretient de bonnes relations avec l’allié stratégique saoudien.

Mais elles ont une forte portée symbolique et témoignent de l’immense colère des sénateurs face à Riyad, provoquée par ce conflit sanglant et par le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

49 démocrates sur les 100 sénateurs américains ont voté en faveur de la résolution sur le Yémen ainsi que sept sénateurs républicains. Trois républicains se sont abstenus. «Nous ne nous laisserons plus dicter notre engagement militaire par un régime despote et assassin en Arabie saoudite», a réagi le sénateur indépendant Bernie Sanders, l’un des promoteurs de ce texte.

Cette résolution appelle le président américain à «retirer les forces armées américaines des hostilités au Yémen ou affectant le Yémen, sauf les forces américaines engagées dans des opérations visant Al-Qaïda ou des forces associées».

Ce vote «envoie un message puissant de la part des Etats-Unis à la coalition» saoudienne, a estimé Daniel Schneiderman, du centre de réflexion International Crisis Group (ICG). L’ONU a annoncé jeudi une trêve dans des régions menacées par la famine au Yémen, où quatre ans de guerre ont fait environ 10 000 morts et menacent jusqu’à 20 millions de personnes de famine. 

«La paix est possible», a réagi Mike Pompeo, chef de la diplomatie américaine, tout en restant muet sur les votes des sénateurs, visiblement gêné d’en parler pour ne pas froisser son chef. Mais la réponse est venue le lendemain du Moyen Orient où des officiels du royaume wahhabite ont laissé fuiter des informations selon lesquelles l’Arabie Saoudite pourrait baisser drastiquement des exportations vers les Etats Unis. Andy Lipow , patron de Lipow Oil Association  a estimé « qu’il s’agit d’une menace saoudienne à l’attention du sénat américain qui souhaite punir l’Arabie Saoudite pour son rôle présumé dans l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. »

Cette situation pourrait fissurer l’actuelle bonne entente entre le président américain Donald Trump, fortement ébranlé pare l’inculpation de son avocat et le prince héritier Mohammed ben Salmane, ayant notamment facilité la décision de l’Arabie saoudite de faire baisser sa production d’or noir et d’encourager ses partenaires de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et la Russie à en faire de même lors d’une réunion vendredi dernier. Le cartel a annoncé à cette occasion son intention d’abaisser sa production de 1,2 million de barils par jour sur les six prochains mois. Cette réponse fortement médiatisée par la presse américaine du vendredi, n’a pas été du goût des sénateurs qui semble ouvrir la boîte de pandore.

En effet, la  résolution exige d’autre part la libération de Raif Badawi, un blogueur emprisonné pour « insulte » à l’islam, de sa sœur Samar Badawi, ainsi que des militantes « prisonnières politiques » arrêtées en 2018. Les sénateurs prennent soin de souligner que la relation avec Ryad est « importante pour la sécurité des États-Unis et ses intérêts économiques ». Mais ils dénoncent les actes « erratiques » du royaume, en citant notamment l’engagement de l’Arabie saoudite dans la guerre au Yémen, l’affaire du Premier ministre libanais Saad Hariri et « la suppression de la dissidence » dans le pays. Ce comportement affecte, selon le texte, « la relation entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, élément essentiel dans la stabilité de la région » notamment face à l’Iran.

D’autres sources dans les coulisses du sénat, évoquent le retour  de la loi permettant aux victimes du 11 septembre de demander justice à l’Arabie saoudite et qui a été bloquée en 2016 par un veto de Barack Obama.

En tout cas l’ombre de l’affaire Jamal Khashoggi n’a pas fini de livrer toutes ses conséquences.

Auteur
Rabah Reghis

 




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