19 avril 2024
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Aïn El Hammam (Tizi-Ouzou) : une ville en décrépitude 

Aïn El Hammam

« A Michelet a3zizen a Michelet ! », disait une célèbre chanson célébrant une  ville où la vie s’écoulait  doucereusement comme l’eau fraîche des fontaines et le goût sucré des fruits mûrs  des pêchers  et grenadiers qui peuplaient, jadis, les prairies et les champs qui prolongent   la multitude  de villages qui entourent  l’ex-Michelet et qui se jettent çà et là, si près de  la montagne et presqu’en elle. 

De ce Michelet-là,  qui a inspiré le  regretté  chanteur Taleb Rabah et a fait rêver beaucoup avec lui, ne reste,  aujourd’hui, que le goût amer de la nostalgie d’une époque, qui, malheureusement,  est révolue,  et le son lancinant d’une mélodie devenue une triste litanie. Un chant funèbre pour une ville qui se délite à vau-l’eau et se meurt lentement.

Pour beaucoup qui ont vu leur ville grandir puis se flétrir sous les assauts de l’âge et d’une urbanisation sauvage et mal pensée, la vision du chaos que renvoie,  peu à peu, l’agglomération est vécue comme  un véritable  crève-cœur. Une agression  qui a provoqué, chez beaucoup des « Ath Michelet »ou Micheletois, une sorte de blessure narcissique.

 

Démolition de bâtiments à Aïn El Hammam : une situation explosive

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Tahar Sidi Said est de ceux-là. Septuagénaire qui a passé toute sa vie à Ain El Hammam où  il tient un magasin de meubles se trouvant dans un immeuble familial voué à la démolition par une décision administrative car situé dans la zone déclarée non constructible en raison d’un glissement  de terrain, vit le malheur/ la catastrophe qui touche sa ville comme une double peine.

D’abord au plan personnel, du fait de la menace qui pèse sur l’immeuble  familial, un bien « construit, dira-t-il, au prix de privations et de sacrifices et d’efforts soutenus par  mon père, mon  frère et nos  enfants. »  Si Tahar, nommé ainsi par respect à son âge, souffre pour sa ville comme d’aucuns peuvent éprouver une souffrance corporelle.

Une souffrance  qui transparaît dans le regard et dans la voix de cet homme qui nous désigne  d’une voix qui trahit la désolation et d’un geste lent un amas de gravats et des glissières de sécurité en béton armé communément appelé GS  qui coupent cet axe de  la rue colonel Amirouche du reste de la voie qui donne sur le lieu-dit  Askif n’tmana, vers la sortie ouest de la ville.

Nouveau venu dans le paysage urbain, ce dispositif délimite ce qui va être, sauf décision contraire, le futur chantier de la démolition. L’endroit est désigné comme une zone de danger désormais interdite à la circulation automobile. Une centaine de logements et des locaux  commerciaux ont été évacués de leurs occupants.

« Regardez ce qui est advenu de la fameuse rue colonel Amirouche qui était la fierté de notre ville. On se croirait dans une ville soumise à la guérilla urbaine », proteste le vieil homme qui se plaint des coupures fréquentes  d’électricité et des affaissements par endroits de la route bordée de part et d’autres de bâtiments voués à la démolition.

Dans cette partie de la ville, il n’y a pas si longtemps, animée et où l’activité commerciale battait son plein, la circulation automobile et piétonne est drastiquement réduite. De fait, la clientèle se fait rare au grand désarroi des rares commerçants qui persistent à ouvrir leurs magasins. Une incongruité  au milieu de locaux désaffectés et abandonnés par leurs propriétaires.

Les tournées  impromptues de la police constituent l’une des multiples raisons de la colère des riverains qui vivent ces rondes des services de sécurité comme une forme de provocation. Un pied de nez face à  leur désarroi de la part des autorités à qui ils reprochent  de les avoir abandonnés à leur sort.

« Les autorités ont abandonné cette zone; les services d’hygiène de la commune viennent rarement faire le travail de nettoyage, toutes les eaux de ruissellement qui viennent des hauteurs de la ville, comme ce fut le cas lors des  pluies du mois septembre dernier,  se déversent ici. Quant à  l’éclairage public, c’est seulement après de multiples protestation  des riverains  qu’il a été rétabli », dénonce Rachid, un cardiologue qui continue à occuper le local où il a installé son cabinet depuis une vingtaine d’années.

« Cette situation d’abandon favorise l’insécurité et la délinquance. Il y a quelques jours des inconnus sont rentrés par effraction dans un logement dont le propriétaire fait partie des personnes  évacuées.  Même  mon cabinet a été « visité » par ces délinquants », déplore le cardiologue dont la voix  s’ajoute  à celles de  beaucoup de citoyens de  Ain El Hammam pour  exiger que les responsabilités soient situées suite à la survenue du désastre urbain que connait leur ville.

« La faute incombe aux dirigeants  successifs de la ville qui ont avalisé la construction de bâtiments en R+5 ». « Chose plus grave, le réseau d’assainissement et d’évacuation  des eaux pluviales est défaillant. Conséquence: les avaloirs sont bouchés et les eaux de ruissellement stagnent et se déversent en surface et provoquent le tassement du sol », regrette le praticien

Un symbole du délitement  urbain 

Jadis  son cœur historique et sa vitrine, le boulevard colonel Amirouche qui coupe la ville en deux évoque l’impressionnante descente aux enfers et le déclin d’une cité qui respirait prospérité  et joie de vivre.

Symbole de vitalité économique portée par les petits commerces et l’activité de quelques artisans et professionnels, cette artère n’est plus ce lieu célèbre pour son dynamisme et son animation.  On est loin de l’ambiance de fête foraine qui emplissait cet espace, à l’occasion du traditionnel marché hebdomadaire organisé  les samedis et mardis de chaque semaine.

Un rendez-vous qui rythmait la vie urbaine constituant un moment propice pour la rencontre de plusieurs centaines  de villageois. Une occasion pour les commerçants, les  badauds et les visiteurs occasionnels de se croiser, de se côtoyer et, quelquefois, de se heurter dans une joyeuse promiscuité.

Longue de plusieurs centaines de mètres, cette artère est le centre névralgique des services offerts à l’ensemble de la population de la région. Elle abrite une large variété de commerces: boutiques de vêtements et  de chaussures, salons de coiffures restaurants  s’y côtoient. Cabinets de médecine spécialisée, d’architecture, des bureaux administratifs et institutions  bancaires complètent  le paysage d’une ville en butte au délitement accentué de son tissu urbain.

Exemple achevé de cette déstructuration ambiante,  le marché hebdomadaire qui connaissait, il y a quelques années, un achalandage important et attirait beaucoup de  clients. Cet espace commercial  héritage du  temps ou ce qu’on appelait Souk n’tleta était le réceptacle pour l’économie locale, n’est plus ce qu’il était. Il arrive même, que la police fasse des descentes pour dégager quelques  jeunes vendeurs de fruits et légumes, des chômeurs pour la plupart, qui persistent à occuper la zone s’étendant du rond-point qui fait office de place centrale de la ville, jusqu’à ce qui restait de l’ex -marché couvert entièrement démoli sur décision de la wilaya.

Devant le marasme ambiant et à l’état de décrépitude avancé que connait Ain El Hammam, ses habitants sont comme frappés  de sidération; peu de gens,  ici, se lèvent et se mobilisent pour aider leur  ville à se (ré)inventer un futur.

S.N.I.

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