Lundi 1 février 2021
Algérie : vaccin « hallal », covid-19 « haram » ?
Le Covid-19 a fait irruption sans crier gare. Il se propage à la vitesse de la lumière. L’humanité entière tremble, les Etats vacillent, les peuples se révoltent, l’économie s’effondre, le nombre de morts se multiplient, le danger est à proximité, les gens se distancent, se confinent, se protègent mais pour combien de temps, la famine pointe à l’horizon.
Mourir de faim ou de maladie ? On ne choisit pas sa mort. La science est impuissante, la religion n’est d’aucun secours, la politique se dénude, le désespoir s’installe. La crise sanitaire va accélérer le processus de transformation et des réformes, un effort massif de mise à jour des infrastructures de santé, de relance de la production agricole notamment en biens alimentaires, l’investissement dans l’éducation, la formation et la recherche scientifique sont désormais des priorités absolues et aucun gouvernement ne peut reporter indéfiniment ces réformes. Le Covid-19 va bouleverser le monde de fond en comble où le chacun pour soi et dieu pour tous va s’installer durablement et inexorablement.
La famine sera le critère de sélection des peuples à la survie. La question qui doit être au centre des débats : Pourquoi les réformes échouent-elles les unes après les autres à changer certaines organisations ? Parce que derrière ce que l’on analyse système moderne de développement étatique se cache la réalité d’un système conservateur clanique rentier mortifère.
Que faire alors pour passer de rapports distribution clientélistes à des fins de légitimation de pouvoir dans le cadre d’une économie rentière à une légitimation des rapports de production capitalistes dans le cadre d’une économie de guerre ? Comment réduire les inégalités et mieux répartir les revenus ? Comment faire pour que chacun récupère ce qui lui est dû ?
L’Algérie a vécu plus de la rente et de la gabegie que de l’effort et de l’économie. Elle a masqué l’indigence des populations et a conforté le pouvoir dans la gestion de l’économie et de la société. Elle est devenue par la force des choses un enjeu de pouvoir. Une rente que le covid-19 a pulvérisée au nord comme au sud, à l’est comme à l’ouest.
Les frontières se ferment, les populations se confinent, les magasins baissent les rideaux, l’économie s’arrête, la nourriture manque, le coronavirus se propage, l’ange de la mort frappe à la porte, l’âme s’agite. Devant la mort, nous sommes tous égaux. Moralité : la mort est une lanterne qui nous éclaire sur le chemin de la vie. La prospérité produit des faibles, l’adversité révèle les grands. « Presque tous les hommes peuvent faire face à l’adversité, mais si vous voulez tester la capacité de quelqu’un, donnez-lui le pouvoir » suggère Abraham Lincoln.
Le masque est désormais obligatoire dans les transports, les magasins, sur les lieux de travail, il change notre regard sur l’autre, il manque d’empathie, de compassion, d’intérêt, de clarté. Une maladie sans visage, un visage sans maladie.
Nous avançons masqués. Des visages sans identité. Des visages sans lumière. Des gens circulent sans se toucher, se croisent sans se reconnaître, se distancent sans s’éloigner, se murent sans s’ignorer, souffrent sans se plaindre. Une vie sans sel, sans émotion, sans affection, sans amour, sans espoir. L’argent, la politique, la foi cèdent le passage à la vie et ferme la porte à la mort. Le Covid-19 défie l’ordre et crée le désordre. Il est partout et personne ne le voit.
Il est en chacun de nous et personne ne le sait. Il surgit au moment où on s’attend le moins. « Le chacun pour soi et Dieu pour tous » se propage dans tous les foyers et le « vivre ensemble » s’en éloigne à tel enseigne que les familles se divisent, les foyers se brisent, les couples se séparent et les enfants livrés à la rue. L’estime de soi et le respect de l’autre sont devenus des denrées rares même au sein des familles les plus traditionnelles polluées par une pseudo modernité où l’individu s’affirme par sa fortune et non par sa personnalité, par ses apparences et non par son contenu, « L’être » se cache derrière le « paraître » et le « je » derrière le « nous ». « Du tous pourris au tous pour rien », l’algérien se cherche.
La distanciation sociale est de rigueur, le lien social se dissout, le rapport avec l’autre change. La méfiance est de mise. La psychose s’installe. Nous sommes tous défaillants dira un ministre sans jamais se démettre, « le sujet devient objet ». « L’objet » est érigé en critère d’évaluation de « l’être » par la société. Nous vivons en pleine confusion des valeurs. La lutte de libération nationale et la guerre civile ont laissé des traces indélébiles dans les esprits et dans les cœurs. Le spectre de la guerre civile est toujours présent. De nombreux patriotes ont été trahis par leurs frères et vendus à la France. De là est née le sentiment de suspicion. Chacun se méfie de l’autre. L’algérien perçoit son prochain comme un rival. La peur consume la société.
Cette peur maladive du prochain pousse les responsables à tous les échelons de la chaîne de commandement à s’entourer de gens acquis à la cause commune généralement des membres de la famille, du village, de la tribu, de la région d’où cette pratique de cooptation née au maquis est reconduite dans la vie courante avec ses conséquences sur la mauvaise qualité du service, le relâchement de la discipline, la propagation de la médiocrité sur le sol algérien et la fuite des compétences vers l’étranger. « Le sujet devient objet ». « J’ai donc je suis ». Tout a un prix y compris les consciences. Les valeurs morales se perdent, la famille se déchire, l’amour de soi entraine la haine de l’autre et donc la perte de soi en entraînant celle de l’autre.
Nous avons été forgés par le regard de l’autre qui nous renvoie l’image de nous-mêmes. c’est-à-dire des êtres insignifiants.. On ne réfléchit plus avec sa tête mais avec son ventre. Nous sommes subjugués par tout ce qui nous vient d’outre-mer et nous rejetons le peu qui nous vient de notre terroir. Le travail n’a plus de valeur en soi. Seule la « débrouillardise » au sens délictuel qui compte.
Le superflu est devenu un produit de première nécessité. L’importation des véhicules en entier ou en pièces détachées dominent les débats publics au moment où le covid-19 fait des ravages parmi la population où le nombre de morts de compte par centaine. Le regard des autres sur nous est plus important que le regard de soi sur soi.
Les rapports sociaux sont pervertis. L’intérêt individuel prime sur l’intérêt collectif. Les liens avec autrui sont devenus du « jetable ». A l’image du « gobelet », une fois consommé le contenu, nous le jetons à la poubelle ou plutôt n’importe où pourvu qu’on s’en débarrasse (une fois le service rendu, on vous oublie, vous n’existez plus). Le maximum de confort et de luxe, le maximum de consommation ne signifie pas nécessairement l’expérience de la vie. Le but est de se fixer un standard vital.
Quand on aura atteint une telle norme, le succès de la vie ne sera pas jugé d’après les tas de détritus qu’on aura laissés après notre mort mais des biens immatériels et non consommables dont on aura appris à jouir et par l’épanouissement personnel de chacun. A ce moment-là, la distinction entre les individus résidera dans la personnalité à qui elles appartiennent et non pas dans la grandeur de la maison où l’on vit, le prix des vêtements qu’on achète ou la voiture de luxe qu’on conduit. De beaux corps, des esprits sains, une vie pleine, une pensée élevée, des perceptions justes telles sont les buts qu’il convient de se fixer pour vivre dans la foi et la bonne humeur.
Il est vrai que dans les pays occidentaux, la croissance des biens matériels sera d’autant plus rapide que les hommes seront plus conformes au type idéal du sujet économique, sujet animé par la volonté de produire toujours plus, de gagner de plus en plus, et de rationaliser de mieux en mieux. Une économie croîtra d’autant plus qu’elle sera plus rationnelle et animée d’un dynamisme fort.
L’Etat est-il ce « veau d’or » qui par sa puissance et son omniprésence résout tous les problèmes matériels d’une société en perdition ? La dépendance croissante de la population à l’égard de l’Etat accroîtra ses exigences et diminuera sa part de responsabilité. Les gouvernants apparaissent dès lors comme les gérants d’inégalités sociales et des distributeurs de privilèges, entretenant avec la population des rapports de méfiance et de suspicion car dans la frénésie de la consommation les ambitions et les calculs de chacun l’emportent sur les obligations traditionnelles de solidarité. La soif de l’enrichissement, l’attrait et le poids des modèles importés, le goût du confort et de la facilité, l’environnement international ont contribué à faire de l’Etat en Algérie, une parodie ou un pâle reflet de l’Etat moderne.
La coexistence de la misère et de l’abondance devient chaque jour plus intolérante et l’on assiste à des pressions de plus en plus fortes à des revendications visant à une redistribution plus égalitaire des revenus. La promesse d’un développement égalitaire pour tous n’a pas été tenue parce que les ressources du pays ont été dilapidées dans des projets grandioses sans impact sur la création d’emplois productifs durables et sur le développement de l’économie en dehors du secteur des hydrocarbures.
Nous avons été forgés par le regard de l’autre qui nous renvoie l’image de nous-mêmes c’est-à-dire des êtres insignifiants.. On ne réfléchit pas avec sa tête mais avec son ventre. On ne marche plus, on rase les murs. A tel point, que l’algérien a peur de son ombre. Une ombre qui couvre tous les couches de la société et se répand par la rumeur à travers tout le territoire national. Elle fait trembler la population toute entière par la rumeur, la manipulation, le mensonge. Nous nous trouvons en quelque sorte dans un passé qui vit au présent repoussant l’avenir. Les régimes politiques qu’ils soient d’orient ou d’occident, démocratiques ou autoritaires, modernes ou archaïques, pour se protéger et se pérenniser ont besoin d’inventer un ennemi commun, le nazisme, le colonialisme, l’impérialisme, le communisme, le terrorisme, le Covid-19.
Les multinationales se disputent ce marché en vue de maximiser leurs profits et d’accroître leurs parts de marché. Face à une concurrence impitoyable entre multinationales faussement légitimée par l’impératif de la sécurité sanitaire nationale, on peut se demander pourquoi les Etats à travers la planète insistent à soutenir le monde des affaires privées tout en sachant que d’un point de vue purement capitaliste, les êtres humains se divisent en deux groupes ceux qui peuvent payer et ceux qui ne le peuvent pas. Les occidentaux appellent les premiers les consommateurs.
Les seconds n’ont qu’à se remettre à Dieu, il est le meilleur des protecteurs. Ne dit-on pas que l’islam est le dernier refuge des déshérités ! Dans ce cas pourquoi persistent-ils, à faire croire à leur population respective que les multinationales privées sont une source d’espoir et de salut pour la santé de la population mondiale ? La réponse est peut-être chez les morts « Ils créeront le virus eux-mêmes et ils vendront les antidotes par la suite faisant semblant de prendre leur temps pour trouver la solution lorsqu’ils l’ont déjà » aurait déclaré Kadhafi de son vivant..