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Conseil de sinistres, le Covid-21 et le vaccin

REGARD

Conseil de sinistres, le Covid-21 et le vaccin

Le conseil des sinistres s’ouvre sous la présidence du premier d’entre eux. Le président de l’Anafrasie est à l’étranger depuis un certain temps.

Le Covid-19 l’avait rendu méfiant et distant : il pratiquait le télétravail. Le Covid-21 lui a fait quitter le pays. Les conseils des sinistres sont supervisés par son cadre qui trône dans la salle des réunions. Les mauvaises langues disent qu’il est doté d’une caméra qui lui permet de suivre les discussions de ses sinistres.

Le grand mufti, terrassé par le Covid-21 quelques jours auparavant, commence la réunion par la lecture de la fatiha pour que le conseil soit licite. Immédiatement après, le premier sinistre interroge le sinistre des affaires étrangères sur le projet du nouveau palais présidentiel. Le président actuel s’impatiente. Et ceux qui viendront après lui suivent de près ce projet. Le sinistre interpellé répond, avec diplomatie.

– Agir à l’étranger demande du tact. Il faut que les dirigeants de ce pays s’entendent entre eux avant de s’entendre avec nous. Et puis, ce n’est pas facile de trouver un espace, bâti ou non, à proximité de l’hôpital du Val-de-Grâce. C’est ce qu’on avait convenu.

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Le premier sinistre intervient.

– Oui. Nous sommes une gérontocratie et nos dirigeants arrivent au poste de président lorsqu’ils sont déjà très malades. Avec ce projet, en cas de besoin, nos présidents seront pris en charge dans l’hôpital voisin rapidement et en toute discrétion. Le télétravail convient à tout le monde. Evidemment qu’il y aura de mauvaises langues pour critiquer : pourquoi, on ne construirait pas un grand hôpital à côté du palais présidentiel actuel ? Il faudra répondre que plus aucun espace n’est disponible. Le gouvernement précédent a tout cédé à ses soutiens. Et qu’en est-il du projet de le PPAD (Palais pour Président Agé Dépendant), monsieur le secrétaire d’Etat chargé du confort du président ?

-Il sera bientôt prêt, avec une voie express jusqu’au pied de l’avion présidentiel. L’idée de construire ce palais à la limite de l’aéroport est géniale. Cela facilitera le travail de tous ceux qui interviennent dans les déplacements fréquents du président.

Il se tourne vers le sinistre de la maladie et lui demande de faire le point sur l’épidémie.

-Pour commencer, nous avons gardé le nom de cette maladie au masculin, en accord avec le grand muphti ici présent. Il a fait vérifier le sexe de ce virus par l’imam spécialiste de la génétique dans son conseil et il a été constaté, devant témoins, que c’est un mâle. Et puis, comme c’est un virus importé, sa numérotation sera indexée sur le cours de l’euro au marché noir (il n’y a que dans ce marché qu’il y a vraiment des devises). Pour ce qui est des vaccins, conformément aux recommandations du président, on en a commandé un russe, Sputnik, et un autre chinois en attendant l’arrivée du vaccin de Cuba. Le président a interdit le recours au vaccin de Pfizer-Moderna.

Le sinistre de l’artisanat qui n’était pas dans le secret, comme les autres petits sinistres, lui demande d’éclairer sa lanterne si cela était possible.

-Le président a dit qu’on n’avait pas besoin d’un vaccin pour fabriquer des monstres : notre culture le fait très bien. Et puis, on n’a pas d’EHPAD où les tester. Nos vieux sont sacrés et le peuple voudra notre peau si on essaie de les bousiller ; c’est moins risqué de massacrer des jeunes que de toucher aux vieux ! Il faut dire qu’avec les vaccins commandés, il nous faut l’aide des imams pour convaincre la population qui soupçonne le vaccin russe d’être fait avec de la Vodka et celui des Chinois de la contrefaçon comme beaucoup de leurs produits. On saura bientôt de quoi sera accusé le vaccin cubain.

Le premier sinistre intervient avec une question adressée aux sinistres de la maladie et de l’enseignement supérieur ainsi qu’au grand mufti.

-Qu’en est-il du projet de formation des imamédecins ?

Le grand mufti répond pour ses collègues.

-Avec l’aide de Dieu, on livrera bientôt nos premiers spécimens. On les testera pour faire les réajustements nécessaires avant de lancer la production en série. On va inonder le pays en imamédecins. On va faire la même chose avec les pharmaciens qu’on appellera les phimamaciens, un nom de médicament. Ainsi, on n’aura plus à s’occuper du caractère licite ou non des médicaments et des soins. Et on n’aura pas besoin des imams pour ce genre de propagande.

Le premier sinistre intervient encore pour rappeler au mufti son métier.

-Il ne faut pas oublier que les imams sont payés pour faire de la propagande ; c’est l’essence même de leur métier.

Le sinistre de l’intérieur est sollicité pour faire le point sur la sécurité avec cette épidémie.

-On avait bon espoir de terroriser le peuple avec ce virus chinois mais cela ne marche pas. Il faut dire que le grand mufti fait bien son travail. On ne peut pas faire peur avec le spectre de la mort à une population qu’on a convaincue que la vie est une salle d’attente pour un au-delà prometteur d’un bonheur éternel. Dans l’ensemble, la police n’est pas débordée.

Avant de donner la parole au grand mufti pour bénir le conseil, le premier sinistre fait part au sinistre de la censure du mécontentement du président quant à son travail : sa censure est presque toujours contournée. Tous les sinistres ont compris le message : le sinistre sera bientôt… censuré !

Auteur
Nacer Aït Ouali

 




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