18 mai 2024
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Aziza Brahim, l’hirondelle sahraouie, accueillie au Hangar d’Ivry

Quand le Maroc s’acharne à lui couper les ailes

Aziza Brahim, l’hirondelle sahraouie, accueillie au Hangar d’Ivry

C’est un concert aux couleurs d’un désert paisible, aux sonorités calées sur une gamme de révolte souvent sereine, mais parfois colérique, retentissant de mélodies de combat contre une occupation illégitime d’une terre dont on a chassé les hommes et les femmes qui y sont nés, pour enfanter à Tindouf ou ailleurs, que la mairie d’Ivry a eu le courage de programmer dans son Hangar cossu de gaieté, d’humanisme et d’amitié, ce samedi 30 novembre.

Un concert pas comme les autres, puisque les réservations se faisaient à titre nominatif sur internet.  

D’emblée, les responsables qui ont pris la parole sur scène annoncent la couleur d’un soutien assumé pour le peuple sahraoui et Aziza Brahim. Cette vedette du désert qui fait résonner sa voix suave et chaleureuse aux quatre coins du monde, et dont le concert prévu à l’Institut du monde arabe, en mars 2019, avait été annulé sur intervention, tenez-vous bien ! de l’ambassadeur du Maroc à…Paris !

Comment réagir au ridicule de tel méfait sinon s’égosiller en objections aux contours de « c’est quoi ce délire ? » Un diplomate du Maroc qui fait annuler un concert sur la terre de Voltaire !? C’est comme si Hitler avait réussi à faire interdire, par Winston Churchill himself, la projection, à Londres, du film « Le Dictateur », de Charlie Chaplin ! Mais où veulent-ils donc mener le monde ces politiciens de pacotilles ? Certainement pas à cet univers paisible rempli d’amour et d’amitié entre les peuples que transpirent la musique et les paroles de l’Hirondelle Sahraouie (*) !  

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Quand bien même, la question du Sahara Occidental est un problème politique que les pays du nord de l’Afrique se doivent de résoudre pour mettre fin aux souffrances et l’exil de ses enfants, comment ne pas associer telle intervention à la volonté d’effacer jusqu’aux racines culturelles de ce peuple qui porte en lui une génétique de paix conforme à celle d’une Afrique de la nuit des temps ? Celle-là même qui a enfanté l’humanité, n’en déplaise à ceux qui érigent des frontières pour sauvegarder leur statut de « civilisés » à ne pas surtout pas déranger !

Au moment où notre pays vit des moments d’incertitude quant à son futur proche ou lointain, d’aucuns objecteront certainement le fait d’inviter le peuple Sahraoui dans nos débats. 

En guise de contre-objections élémentaires, deux petites questions : -le combat pour la liberté est-il exclusif d’un peuple ou d’une ethnie ? -n’est-ce pas bizarre que le Maroc martyrise le peuple Sahraoui depuis 45 ans et que l’Algérie vole à son secours tout en suppliciant ses propres tribus depuis 57 printemps ? 

Tout cela donne l’impression que c’est à une sorte de contrat du diable que Boumediene et Hassan II ont souscrit, en leurs temps, pour assujettir les peuples berbères. Un contrat simple à résumer « tu malmène ton peuple, je fais semblant de le défendre ! je soumets le mien, tu fais semblant de lui apporter secours et réconfort, ainsi au « koursi » et au pouvoir nous serons scotchés pour l’éternité ! » N’est-ce pas AGS, pharaon version 2019 ?

Kabyles, Chaouis et M’zabis d’Algérie, Chleuh, Rifains ou Sahraouis par le Maroc soumis, les peuples nord africains seront libre ensemble ou ne le seront jamais !

Même si dans la forme, on a l’impression que les choses sont différentes, c’est au nom des mêmes préceptes de domination des peuples, de pillage des trésors et des terres que les pouvoirs du Maroc et d’Algérie durent, perdurent, se soutiennent et s’assurent en toute impunité, sous l’œil intéressé de moult tontons Macron qui se succèdent à l’Elysée, et qui assistent, en toute alacrité, à une fission programmée de l’identité rebelle nord-africaine par ceux qui s’acharnent à en précipiter la disparition, au profit de celle de soumission qu’il serait agaçant de désigner encore une fois !

Avoir assisté au concert d’Aziza Brahim nous a, pendant toute une soirée, fait remonter le temps, pour gouter à une petite madeleine de Proust de notre enfance, celle qui ne rime qu’avec innocence. Ses jeunes fans étaient, en toute simplicité, assis par terre, reproduisant ainsi les positions naturelles d’un désert rempli d’authenticité, de sagesse et d’humanité. Ces jeunes étaient si inoffensifs et réservés qu’ils n’avaient pas osé exhiber le drapeau sahraoui… jusqu’au moment où nous avions fait flotter le nôtre, le drapeau Amazigh, au-devant de la scène ! Encouragés, ils ont, avec engouement, fait flotter le leur aussi ! Ils en étaient fiers et heureux ! C’est fou ce qu’un simple drapeau peut enflammer et transformer des instants de joie en pure magie d’une identité libérée ! 

Pour la petite histoire, à propos de drapeau. En sortant du Hangar d’Ivry vers 22h, nous nous sommes amusés à rentrer à pieds jusqu’au 13e arrondissement. Quelques bons kms de marche le long des rues paisibles de Paris en guise de challenge physique à nos vieilles carcasses, quand le long du trajet nous fumes happés par une musique kabyle entrainante qui sortait d’un petit troquet de quartier. Ce genre d’invitation à la fête ne se refusant pas, nous nous y engouffrons gaiement pour nous diriger vers la piste pour quelques démonstrations de chtih’r’dih du terroir.

Au moment où la fatigue prend le dessus pour nous pousser à déclarer forfait, une spectatrice repère le drapeau Amazigh dans la poche de mon manteau et le réclame. Une fois entre ses mains, son petit groupe occupe la piste à son tour, l’étendard déployé au-dessus de leurs têtes comme le trophée d’une identité en osmose avec une atmosphère et une musique qui donnait l’impression que toute la Kabylie était réunie pour une communion communautaire bon enfant… dans un petit troquet parisien. 

Et, à propos de communion, chaque titre du dernier Album de Aziza Brahim est une ode à la vie, au rêve et au combat pour la liberté (*).

D’emblée elle nous dicte quatre postulats universels auxquels tout peuple épris de paix souscrit.

Seuls deux mots existent :

L’un est Guerre, l’autre est Paix.

Qui cherche la guerre

Ne l’a jamais connue.

La finalité d’un dialogue

C’est de le conclure.

Ne jamais jouer

Avec la paix.

Une hirondelle Hiraki en terre Sahraouie, en somme. D’autant que « tu auras ta liberté mon cher peuple… » énonce-t-elle, tout en rêvant de cultiver le désert pour ne faire pousser en ces terres arides qu’amour et amitié. 

Un grand Bravo à la mairie et au Hangar d’Ivry d’avoir pris telle initiative et responsabilité pour dénoncer les dérives des sbires de sa majesté à l’endroit du peuple Sahraoui, en invitant cette Hirondelle du désert qui se charge d’annoncer à elle seule le printemps de la liberté, depuis de nombreuses années ! 

Bravo d’avoir su fortifier les ailes qu’on a voulu lui arracher ! 

Puisse chaque mairie de France suivre ce bel exemple de main tendue à un peuple martyrisé, et que d’aucuns s’acharnent à faire enterrer vivant sur ses propres lopins, en guise de châtiment infligé aux hommes et aux femmes qui ne réclament pourtant rien d’autre que de vivre en toute liberté, quitte à n’avoir que le ciel, le sable et l’Horizon comme uniques compagnons…

K.M.

(*) https://www.lematindz.net/news/20123-aziza-brahim-grace-passion-et-tragedie-dune-hirondelle-sahraouie.html

(**) L’album « Sahari » est un pur joyau d’harmonie ! Musicalement abouti, il s’écoute sans modération, jusqu’au bout de la nuit et de la délivrance…

Auteur
Kacem Madani

 




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