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Journal d’un écrivain activiste

«Dissidences, chroniques du Hirak » de Mohamed Kacimi

Journal d’un écrivain activiste

« En vingt ans, Bouteflika aura régné comme un monarque au pouvoir absolu sur l’Algérie. Il a instauré la corruption généralisée comme « business model » à tous les étages. À la tête d’un clan de gangsters, selon l’expression de son chef d’État-major, il a inversé la formule de Guizot pour en faire un «Enrichissons-nous ! »

Après les romans, les pièces de théâtre, les lectures de Kateb Yacine et d’Arthur Rimbaud, voilà que se présente à nous le Kacimi nouveau, doté d’un sens aigu de l’observation. Il nous livre aujourd’hui les chroniques d’un Hirak qu’il a suivi de vendredi en vendredi à Alger ou de dimanche en dimanche sur la place de la République à Paris. C’est le journal d’un grand témoin de notre temps et de notre pays en même temps que celui d’un contestataire qui nous est livré par les éditions Frantz Fanon.

Parce qu’il donne à voir et à comprendre une société en pleine poussée révolutionnaire, parce que les revendications légitimes de tout un peuple doivent être accompagnées malgré des contradictions diverses et multiples, parce que la nation est basée sur la multiplicité des dialectes et des ethnies, parce que l’opposition au système basé sur la prédation est justifiée, il faut lire Dissidences de Mohamed Kacimi et ses chroniques incendiaires. 

Ces chroniques en forme de pamphlets utilisent le plus souvent la caricature et la dérision. Boumediene, l’islamisme, l’école, les hydrocarbures et les 40 voleurs du FLN, Ahmed Taleb Ibrahimi fossoyeur de l’école algérienne, Bouteflika et le pardon accordé aux égorgeurs du peuple, voilà un ouvrage qui, à travers vingt-cinq chroniques, touche à tous les domaines de la vie algérienne depuis la simili-indépendance.

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Le pays a, dès juillet 1962, été privatisé au profit du clan de Boumediene, « l’homme qui avait tué la première république dans l’œuf (et qui) n’avait jamais tiré une seule balle durant la guerre d’Algérie, selon Ferhat Abbas, mais il avait la détente facile vis-à-vis des siens. » Quant à Bouteflika, « il laissera derrière lui un pays pareil à un Tchernobyl, vaste de 2,5 millions de km carrés, peuplé de 40 millions d’habitants au bord de la crise de nerfs dont une partie de la jeunesse préfère « être bouffée par les poissons en mer que d’être rongée par les vers de terre en restant au pays ». 

Pour Mohamed Kacimi, il convient de monter un tribunal spécial pour juger l’ancien président dès que la démocratie prendra enfin le pouvoir puisque «ce ne sont ni la maladie ni l’âge qui l’ont empêché de briguer un cinquième mandat qui allait finir par enterrer à jamais l’Algérie.» 

En attendant qu’une nouvelle république naisse sur les cendres de l’ancienne, il est intéressant de noter que les effets du Hirak sont déjà là, quoi que l’on puisse en penser. La preuve est que des propos aussi dissidents que ceux de cet ouvrage aient pu être publiés en Algérie même et distribués dans tout le pays. Ces chroniques sont magistrales et il convient de mettre ce livre dans toutes les bibliothèques publiques algériennes.

Mohamed Kacimi ne théorise pas les problèmes du Hirak, il conçoit les marches hebdomadaires des manifestants comme l’approche la plus légitime d’un peuple pacifique qui dit sa colère. Mohamed Kacimi est un écrivain séditieux, un citoyen insubordonné et un tribun subversif. Ces traits de caractère en font un digne héritier de Kateb Yacine dont il a lu les textes récemment à La Criée de Marseille. 

Kamel Bencheikh

Dissidences, chroniques du Hirak,
Éditions Frantz-Fanon, septembre 2019.

Auteur
Kamel Bencheikh

 




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