Derrière la suppression du français sur les billets d’Air Algérie se cache moins un souci d’efficacité qu’une volonté symbolique de rompre avec l’héritage colonial. Une stratégie qui contraste avec les choix du Maroc et de la Tunisie.


En Algérie, la langue n’est jamais neutre. Elle est politique, identitaire, historique. La récente décision d’Air Algérie de supprimer définitivement le français de ses billets d’avion, pour ne conserver que l’arabe et l’anglais, en est une nouvelle illustration.

C’est Abdelkader Selmi, responsable du département des affaires générales d’Air Algérie, qui l’a confirmé à la chaîne Echourouk TV : « La nouveauté est que la compagnie a décidé d’imprimer ses futurs billets en arabe et en anglais seulement. »

Ce choix, selon lui, s’inscrit dans la continuité de ce que « pratiquent d’autres compagnies aériennes arabes et internationales ». Il justifie l’usage exclusif de ces deux langues par le caractère « universel » de l’anglais et les « partenariats avec des pays arabes » qui privilégient déjà l’arabe dans leurs communications aériennes.

Cette annonce vient formaliser une orientation déjà amorcée en 2024, lorsque la compagnie nationale avait décidé de généraliser l’usage de l’arabe dans ses correspondances avec les administrations, ambassades, institutions officielles et dans les courriers internes de direction. Le retrait du français s’inscrit donc dans une stratégie plus large de recentrage linguistique.

Mais l’argumentaire avancé par la direction d’Air Algérie élude un élément fondamental : le poids stratégique du marché français. La France représente l’un des plus gros bassins de clientèle de la compagnie, avec des liaisons régulières et une communauté algérienne importante. Supprimer le français dans ce contexte relève donc moins d’une logique commerciale que d’un geste symbolique fort.

Ce choix s’inscrit dans une tendance plus large : celle d’une rupture affichée avec l’ancienne puissance coloniale. Depuis des années, la question linguistique en Algérie est instrumentalisée pour affirmer une forme de souveraineté culturelle.

Mais cette politique reste ambivalente : si le respect de la Constitution est invoqué pour justifier la mise en avant de l’arabe, pourquoi le tamazight – pourtant langue nationale et officielle – n’est-il toujours pas visible sur les supports d’Air Algérie ? Ce « patriotisme linguistique » à géométrie variable révèle une conception exclusive de l’identité nationale, au détriment de la diversité réelle du pays.

Comparaison avec le Maroc et la Tunisie

Cette volonté algérienne de marginaliser le français tranche avec les politiques linguistiques menées dans d’autres pays du Maghreb.

Contrairement au Maroc et à la Tunisie qui ont adopté un rapport pragmatique avec la langue française, l’Algérie se distingue par une approche plus conflictuelle, voire anxiogène, vis-à-vis de la langue de l’ancien colonisateur.

Ce positionnement révèle une relation toujours tendue à l’histoire coloniale, où toute persistance du français est parfois perçue comme une forme de soumission culturelle. Pourtant, les faits montrent que ni la société algérienne ni ses institutions ne peuvent totalement se passer du français, tant il est ancré dans les usages quotidiens, les relations internationales et les systèmes éducatif et économique.

La décision d’Air Algérie ne constitue donc pas un simple ajustement technique ou symbolique : elle s’inscrit dans une série de gestes visant à redéfinir les contours de l’identité algérienne contemporaine, en écartant progressivement la langue française du paysage institutionnel. Cette mesure décidée d’une manière idéologique d’en haut ne fera qu’aggraver la déstructuration linguistique du pays, entamée par l’arabisation. Le courant islamo-nationaliste qui a fait le choix de l’anglisisation des institutions et de l’enseignement ne veulent pas du bien au pays.

Mais cette entreprise se heurte à une réalité bien plus nuancée : la langue ne se décrète pas, elle se vit. Et en Algérie, malgré les tentatives répétées d’arabisation ou de « défrancisation », le français continue de structurer une large part des interactions sociales, éducatives et économiques.

Samia Naït Iqbal

13 Commentaires

  1. Excusez ma réflexion avec ma cervelle de moineau s’il vous plait et je souligne insister sur le ‘s’il vous plait’- Pourquoi pas alors en Tamazight aussi puisqu’elle langue officielle non seulement sur les billets mais aussi sur documents officiels tel que le passeport et les CNI, sur les frontons des bâtiments officiels …
    Pour l’Anglais … .
    Excusez encore une fois …

  2. Ah’lil d Alh’if
    Walit, walit at’as n idzayriyen dgha imazighen ttrun imi ulac tafransist af iffagen n Uvah’ri Adzayri … i Tmazight?
    Nnighed ach’al d tikkel, mayla adabu i-neqq Tamazight, d imazighen itt med’len.

    Lamentable
    Regardez, regardez, beaucoup d’Algériens- nes, et surtout les imazighen se plaignent qu’il y a pas d’inscription en français sur les Air Algérie ….. Et Tamazight?
    J’ai souvent dit que si le pouvoir tue la langue Tamazight, c’est les imazighen qui s’en chargent pour l’enterrer, tout en défendant ses concurrents.

    • L’arabisation a été imposée par De Gaulle, avait déclaré, rien moins que Mehri, secrétaire général du parti bath FIN durant les années 80!
      Quant à l’Amazigh, les kabyles savent que le régime ne ferait jamais que le peuple ait un accès au pouvoir, d’où le blocage systémique quant aux valeurs Amazigh , qui pourraient s’insinuer dans les institutions, véhiculée par l’élan politique ou le contenu sémantique laïc.
      Pas d’Amazigh sans la vision du monde Amazigh. Ce qui fatalement déboulonnerait l’islam comme source juridique. Le régime n’aura plus un levier politique linguistique pour asseoir sa pax. Morale, le Français à été et une langue scientifique qui peut exprimer les valeurs humanistes et politiques sans en perdre de notre vision, même si le colonialisme n’a jamais cherché de comprendre nos valeurs, c’est là sa bêtise coûteuse.., Abane l’a fait. Par contre l’arabisation/ islamique a besoin de nier notre vision

  3. il faut que les kabyles et les amazighs Boycottent cette compagnie de Racistes et de Fashos araw l’qhab .Ou es la place de  » Tamazighth langue nationale et Officielle «  »

  4. Il vérifier si ce n’est truffé d’erreurs grammaticales et d’orthographe.
    C’est déjà le cas pour les simples enseignes de l’aéroport d’Alger. Vous pouvez le vérifier.

  5. Quel gâchis!!!Remplacer le français par l’anglais du jour au lendemain est une idée saugrenue dont on ne mesure pas les conséquences désastreuses !!!

  6. « La France représente l’un des plus gros bassins de clientèle de la compagnie, avec des liaisons régulières et une communauté algérienne importante»; mais qui a dit que pour le pouvoir algérien la langue sert pour que les gens puissent communiquer ?
    Si c’était le cas, on aurait deux langues nationales au lieu du cadavre linguistique appelé fussha.
    Ma d taglizit, ad-nini mgal w-ayen qaren iromyen ´Algeriae, barba philosophum facit’ (Di Zdayer, tamart tettga afilosofus); negh akken qaren fransis : l’habit fait le moine.

  7. Eh oui ! C’est plus facile d’introduire l’anglais que Tamazight pourtant « langue officielle ». Pourtant on m’a toujours dit d’arrêter de parler « linglizia » quand je parlais kabyle à certains algériens. La tartufferie a trop duré. Vive la Kabylie indépendante, la seule qui redonnera sa place à la langue Tamazight-Kabyle.

    • Le régime actuellement entre les mains des islamo-arabiste mènent un combat acharné contre les kabyles en interdisant non seulement le tamazigh c’est-à-dire le kabyle et aussi sa deuxième langue qui est le français la plus usitée en Kabylie notre fameux butin de guerre qui n’est pas le cas des ces spécimens qui n’ont jamais participé à cette guerre.
      Ils veulent privé le kabyle de tout outil de communication pour mieux l’isoler et le dominer.
      Mais ils oublient que les kabyles s’adaptent à tout et le combat sera poursuivi avec la langue anglaise.

  8. Cette histoire me fait penser aux relations entre la Belgique et son ancienne colonie : le Rwanda ! La junte suit le même processus !
    1 – le Rwanda a exclu le français au profit de l’anglais !

    2 – Aujourd’hui, les relations sont totalement rompus entre la Belgique et le Rwanda !
    A mon avis, c’est l’avenir des relations franco algériennes !
    Concernant, le choix de l’ anglais et de l’arabe dans les avions d’air couscous ! C’est ridicule, ce sont des langues étrangères dont une a colonise l’Algérie au 8 ème siècle ! Si le temps absous, ils auraient dû choisir l’italien qui correspond aux colons romains !
    Le tamazight est la seule langue algérienne !

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