26 avril 2024
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Bipolarisation, piège de la révolution/tanekra

OPINION

Bipolarisation, piège de la révolution/tanekra

Et ce qui devait arriver arriva ! Depuis un certain temps, notamment après le retour à la rue de milliers de manifestants réclamant le départ du régime algérien et la reprise de la contestation politique en Algérie, reprise qui coïncide avec une accalmie sur le front pandémique, le débat politique vire virtuellement au duel. 

Duel, plutôt bipoloraisation, entre deux camps qui se sont déjà affrontés par populations interposées, il y a 30 ans. Duel qui a coûté 200 000 morts, des milliers de disparus et surtout qui a permis à la junte militaire, véritable détentrice du pouvoir, de rester au pouvoir.

Et comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, il est tout à fait facile de deviner les tenants et les aboutissants de cette mise en scène orchestrée certainement par les mêmes cercles occultes habitués à la manipulation.

Reprenons les éléments un à un. D’abord, il y a eu un premier viol de la révolution/tanekra de 2019 par l’intronisation d’un pantin par la force de la baïonnette. Le général Gaïd Salah, ex-bras droit de Bouteflika, et dans une course effrénée à maintenir le statu-quo politique, organise le 12/12/19 un simulacre de scrutin pour mettre au pouvoir …un ex-Premier ministre de Bouteflika, un proche des cercles mafieux algériens, malgré le chaos politique régnant dans le pays. 

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Ensuite, cadeau du ciel, il y a eu le Covid-19 qui imposa une pause dans la contestation. Devant le danger sanitaire, les protestataires préfèrent, dans une sage décision, suspendre la mobilisation de rue. Une aubaine pour le nouveau locataire du palais d’El Mouradia pour mater la révolution et arrêter des figures du mouvement. 

Après trois mois de confinement et des dizaines de morts non recensés, les citoyens se rebellent non pour des raisons politiques mais pour éviter de mourir de faim.

Des appels timides ont eu lieu sur les réseaux sociaux pour reprendre clairement la contestation politique. Certains ont accusé ces initiatives, à juste titre d’ailleurs, d’irresponsables mais quand la faim est aux portes, le virus ne fait plus peur.

Il est aisé de voir la main de régime, qui pour cacher le scandale sanitaire et le chaos dans les hôpitaux, préfère s’en prendre à la population, responsable, selon lui, de la dégradation de la situation sanitaire. Or dans tous les pays du monde qui ont décrété un confinement, des mesures sociales ont accompagné la démarche, ce qui n’a pas été le cas dans le quatrième pays exportateur de pétrole.

Et c’est dans ce climat délétère, au moment où la colère citoyenne monte d’un cran, que des voix s’élèvent pour décréter la fin de la révolution/tanekra non pas pour des raisons sanitaires mais en agitant le chiffon rouge de l’islamisme. Kamel Daoud en premier.

Ces mêmes voix qui n’ont cessé de surfer sur la contestation populaire pour un éventuel retour sur la scène politique « découvrent » que des islamistes seraient derrière la contestation qui a ébranlé la dictature d’Alger, ce qui est une aberration.

Quel meilleur cadeau pour cette même dictature qui préfère sacrifier et jeter en pâture ses propres piliers pour, encore une fois, se maintenir au pouvoir et donc continuer à gouverner, à dilapider plutôt. Demain, la répression sera féroce parce que la révolution serait « islamiste ».

Et ce n’est pas un hasard si la Kabylie, comme lors de de la décennie noire, c’est la date anniversaire de l’assassinat du Rebelle Matoub Lounès et du Printemps noir, qui est choisie pour cette énième et grotesque manipulation. Tout le monde sait l’aversion de la région pour l’islamisme et son immunité socio-historique contre l’idéologie intégriste et les premiers à le savoir sont les islamistes eux-mêmes. D’ailleurs, ils ne cessent de faire des clins d’oeil à ce bastion de la démocratie et de la laïcité. Et ce n’est pas des expressions telles que « leqbayel Al Ahrar » (les Kabyles libres) qui vont changer la donne. L’islamisme ne passera pas.

L’équation n’est pas si simple pourtant. Les islamistes savent que sans la Kabylie, leur dessein de « oumma islamia » est voué à l’échec et les faux démocrates savent aussi que les discours fallacieux et manipulateurs n’ont plus d’écho en Kabylie.

Si les héritiers du FIS, qui ont appelé les Kabyles à « ranger leur drapeau » avant que Gaïd Salah ne l’interdise ne pèsent plus sur l’échiquier politique notamment en Kabylie, après tant d’atrocités, les soutiens (conscients ou pas) de la junte militaire en font un monstre par une subtile diversion en affirmant que le danger rôde. Autrement dit, l’alternative est de revenir au statu-quo d’avant 16 février 2019, celui des « sauveurs de la République » par les chars.

On revient à l’analyse de Benjamin Stora pour qui il y a trois pôles politiques en Algérie, l’Armée et le courant nationaliste, les islamistes et les démocrates. Et dans l’esprit de l’historien du mouvement national algérien, ce troisième pôle n’est autre que la Kabylie (représenté par le FFS dans son analyse) étant donné sa faiblesse en dehors de celle-ci.

Parler d’idéologies et proposer des projets de société est certes indispensable pour une démocratie saine mais sans la chute du régime algérien il n’y aura ni idéologie ni projet de société. Il y aura une dictature rentière et dilapidation de ce qui reste des richesses nationales.

Pour la Kabylie qui attise les convoitises des uns et des autres, elle a cessé de croire au père Noël quand la gendarmerie et la police algériennes tiraient à balles réelles sur ses jeunes. La Kabylie ne peut et ne doit être un éternel terrain de jeu dont les règles lui échappent. Dorénavant, c’est un joueur pleinement et rien ne se fera sans elle ou contre elle. La Kabylie n’a pas attendu 2019 pour contester le régime et les blessures du Printemps noir ne sont pas encore pansées.

Comme le réclament la majorité de la population kabyle et son élite politique, auxquelles des voix et non des moindres se sont jointes (comme Lahouari Addi), le salut résidera, une fois l’oligarchie militaire chassée, dans la consécration des régions comme entités politiques avec des pleins pouvoirs. Un nouveau contrat républicain qui prend en considération les spécificités culturelle et sociologique s’imposera.

Ce n’est qu’à ce moment que des projets de société, qui ne seront plus hégémoniques, pourront être démocratiquement concrétisés. Ce n’est que de la sorte que les citoyens de Bougie choisiront un projet qui ne sera certainement pas celui de Djelfa.

Auteur
Ahviv Mekdam

 




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