Mardi 9 janvier 2018
Boukrouh appelle les magistrats et les policiers à choisir entre le peuple et le pouvoir
Après Yasmina Khadra, c’est Noureddine Boukrouh qui apporte son soutien au porte-parole de la Coordination nationale des comités de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements poursuivi par le directeur du port de Bejaia. Dans un communiqué qui nous est parvenu, Noureddine Boukrouh qui a déjà fait appel à l’Armée pour intervenir, a rappelé les pratiques du clan aux affaires pour se maintenir au pouvoir et avertit sur les dangers que fait courir la situation actuelle au pouvoir. Nous publions in extenso le communiqué.
« En ce début de nouvelle année, le pouvoir affairé par l’approche de la mise en marche de la machine du cinquième mandat, les nerfs à vif et le doigt sur la gâchette, a confirmé son option pour le tout répressif pour rester à la tête du pays jusqu’au bout, jusqu’à la fin, quelles que soient les conséquences des politiques incompétentes qu’il a menées. A court d’idées et d’argent, il se rabat sur la fausse monnaie, le cachot et le gourdin.
1) Une nouvelle fois donc il a instrumentalisé la justice pour obtenir la condamnation de Mr Mourad Bouzidi, porte-parole de la «Coordination nationale des comités de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements», condamnation qui a choqué sans étonner car au pays du monde à l’envers on est habitué à voir les honnêtes gens condamnés pour rien ou pour des broutilles, tandis que les voleurs des deniers publics en millions et milliards de dollars bénéficient des grâces de la justice et des honneurs de la « République » (sic).
Les deux décennies écoulées nous ont abreuvés de ce genre d’exemples devenus monnaie courante. On compte par dizaines le nombre de hauts responsables cités dans des affaires de corruption, preuves à l’appui, dont aucun n’a été condamné à une seule minute de prison ou à un dinar d’amende. Telle est la volonté des Bouteflika et autres Ouyahia, car il faut bien nommer les responsables de cette situation.
C’est pour moi – qui ai spontanément vu dans le mouvement animé par cette Coordination une initiative éminemment citoyenne et en ai témoigné dans un écrit public – un honneur de proclamer publiquement ma totale solidarité avec son combat et ma sincère sympathie à M. Mourad Bouzidi pour l’exemple de courage et d’abnégation qu’il donne à l’heure où le pays est dans l’attente, voire à la recherche de tels gestes, de telles injustices, de telles étincelles, pour forger la conscience citoyenne qui le libérera de la colonisation crapuleuse à laquelle il est soumis.
M. Mourad Bouzidi est victime d’une injustice qui fait honte à la justice algérienne systématiquement muette ces dernières années devant les grands crimes, et étonnamment sévère avec les rapporteurs de vérités qui dérangent les puissants du moment. On ne sait pas qui sera le Bouazizi algérien, où et quand l’effet papillon qu’il a incarné apparaîtra, mais les conditions qui y ont mené en Tunisie il y a sept ans sont en train d’être réunies en Algérie.
2) La décision d’interdire les marches et manifestations dans la capitale prise en 2001 se justifiait par les impératifs de la lutte contre le terrorisme. Elle est devenue le fondement juridique de l’interdiction des libertés publiques accordées par la Constitution.
L’opinion publique est encore sous le choc de la sauvagerie qui a caractérisé la répression des médecins dont certaines images sanglantes rappelaient la répression de la manifestation des Algériens à Paris en octobre 1961. Ces images dresseront longtemps le corps médical et les citoyens en général contre un corps de sécurité qui, il y a quelques années, a manifesté et marché jusqu’aux portes de la présidence de la République sans qu’une seule goutte de son sang n’ait été versée et qui a vu ses revendications satisfaites au-delà de ses espérances.
Qui est derrière les ordres du tout répressif au moindre frémissement de l’esprit public ? Pourquoi frapper aussi méchamment ? Pourquoi ces gourdins conçus pour blesser gravement et peut-être tuer ? Qu’enseigne-t-on aux policiers pour qu’ils se comportent avec une telle violence envers leurs concitoyens ? Qui est en train d’attiser le feu ?
L’Algérie va au-devant de périls de plus en plus dangereux et le pouvoir creuse sciemment un fossé entre la conscience citoyenne populaire et les forces de sécurité en croyant ainsi se protéger. Les membres de ces forces ainsi que les magistrats ne doivent pas accepter d’être utilisés contre les droits des citoyens, leurs libertés constitutionnelles dont celle de manifester, et leur intégrité morale et physique. Entre un pouvoir dont les abus sont flagrants et leur peuple, ils doivent choisir leur peuple.
Les dirigeants incapables qui nous ont été imposés sont obnubilés par leurs calculs et leurs intérêts personnels et ne perçoivent pas ces périls, comptant comme d’habitude sur les jours pour faire oublier leurs innombrables méfaits et continuer comme avant. Un avant qui dure depuis des décennies, qu’on veut pérenniser avec un cinquième mandat ou une succession arrangée, et qui explique la brutalité meurtrière mise dans la répression de toute protestation ou opposition à des politiques inconséquentes sanctionnées par l’échec dans tous les domaines. »