19 avril 2024
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Cafouillage sur les estimations des réserves en Algérie (II)

Hydrocarbures

Cafouillage sur les estimations des réserves en Algérie (II)

Laissons ce qu’il y a dans le trou et occupons-nous en premier lieu ce qu’il y a entre nos mains, c’est-à-dire le conventionnel.

2- Les évaluations des réserves du pétrole et du gaz en Algérie        

Si l’on se réfère aux chiffres officiels dont les derniers sont communiqués par le ministre de l’Energie lors du conseil des ministres du 6 octobre 2015(03), nous avons,si l’on reconvertit les  TEP (tonne équivalent pétrole) en barils, 10,17 milliards de baril et 2745 milliards de m3 de gaz toute forme confondue. Ce sont-là des estimations que de nombreux experts considèrent comme raisonnables eu égard aux découvertes qu’il y a eu depuis début des années 2000. Au rythme moyen de production, ceci laisse à peine 20 ans pour le pétrole 29 ans pour le gaz. Une autre source et pas des moindres, reste la prestigieuse revue de British Petroleum « The BP Statiscal Review  of World Energy » (04) sur laquelle semblent se baser de nombreux experts algériens, lorsqu’on compare les chiffres des uns et des autres. Pour cette source qui semble crédible, les réserves en pétrole de l’Algérie au moment de la promulgation de la loi 86-14 qui a instauré le régime de partage de  production, étaient de 8,8 milliards de barils.

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Près de 430 découvertes dans le cadre de cette loi lui ont fait gagner 1,396 milliards de baril et la consommation de toute la période pour se stabiliser à 12,2 milliards de barils qui n’a pas bougé depuis 2005 pour lui donner un répit de 21,1 ans. Pour le gaz et sur la même période, on est passé de 3200 milliards de m3 à 4500 milliards de m3 en 1999  pour rester à ce niveau à ce jour.

Pour le ratio réserve /production nationale, la revue le situe à 57,8 ans. Les détracteurs de cette approche statistique lui reprochent justement cette invariabilité des chiffres sur plusieurs années voire des décennies. Un excellent rapport à été fait par Attar Abdelmadjid, l’ancien PDG de Sonatrach (05) et surtout homme de terrain pour avoir géré en tant géologue plusieurs années l’exploration de la société nationale. Ces chiffres ne s’éloignaient pas de ceux officiels en ce qui concerne le conventionnel. Cependant, le rapport a pu spéculer sur les réserves en place qu’il évalue à 1,4 milliard de baril de liquide prouvé et techniquement récupérables et pour le gaz de 420 à 840 milliards de m 3 soit le double. D’autres experts justifient les 4500 milliards de m3 par une répartition par gisement (06): Hassi R’mel aurait 2000 milliards, les autres gisements 1000 milliards de m3 et les 1500 milliards de m3 restant, ce n’est que du gaz associé.

3- La valse est surtout accentuée dans les réserves de l’Algérie en gaz de schiste

Tout a commencé par le rapport du département américain (EIA) (07) qui a évalué les réserves en gaz de schiste algérien à 812 TCF dont 230 techniquement récupérables reconvertit en m3, cela donnerait respectivement 22980 milliards et 6505 milliards (08). Deux ans plus tard, le même département devait réévaluer ses estimations à la baisse (09) pour les arrêter à 706,9 TCF cette fois ci en gaz de schiste humide dit « wet shale gas » et 5,7 de l’huile de schiste dite « tight oil » et nous classe comme troisième réserve du monde après la Chine et l’Argentine. Depuis,les spéculations sur le sujet vont bon train. Le premier protocole d’accord entre Sonatrach et l’italienne ENI évoque carrément le terme d’exploitation du gaz de schiste en Algérie sans pour autant expliquer sous quelle forme juridique. Avant même de finir le premier puits Ahnet-1, depuis Kuala Lumpur en Malaisie, Zerguine, alors PDG de Sonatrach donnait des chiffres fracassants sur des études qui selon lui sont déjà terminées alors que l’opinion publique croyait qu’on venait juste de débuter un forage de reconnaissance. Il annonce dans le même contexte qu’une superficie de 180 000 km2 a révélé un «potentiel énorme» de gaz de schiste dépassant plus de 600 millions m3 par kilomètre carré, ce qui signifie que plus de 108 000 milliards de m3 de réserves en place. Si l’on récupérait uniquement 15%, cela fait 16200 milliards de m3 soit près de six fois les réserves conventionnelles en gaz. Une fois les puits d’Ahnet terminés en 2015 et lors du passage des ministres de l’Energie, celui des Ressources en eau et la ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement dans la région d’In Salah, le discours développé est resté confiné autour des réserves et de la production qu’on tire du gisement d’Ahnet. Selon le ministre de l’Energie, sur un périmètre de 100 000 km2, chaque km2 contiendrait quelque 2 milliards de m3 de gaz. Soit 200 000 milliards de m3 de gaz non-conventionnel, observe-t-il. «Si nous exploitons simplement 1%, pourquoi pas le taux généralement admis de 10%, nous pouvons valoriser 20 000 milliards de m3 de gaz » soit deux siècles de vie au rythme de consommation moyenne d’ici là. Tout récent, Abdelmadjid Attar(10), dans son rapport daté du 06/10/2016 évalue les ressources non conventionnelles liquides de 192 à 240 milliards de barils dont 14 à 21  milliards de barils récupérables soit en moyenne une fois et demi à deux fois les réserves conventionnelles.

En ce qui concerne le gaz, elles seraient de 25 à 140 000 milliards de m3 dont 22 000 milliards de m3 pourraient être récupérés. Le 1er octobre dernier et emboitant le pas à son premier ministre en visite à Arzew, le premier responsable du secteur de l’énergie a déclaré sans donner de précisions sur la forme contractuelle que des évaluations réalisées par Sonatrach, avec des compagnies pétrolières internationales, sur cinq bassins sahariens, l’Algérie dispose de 4.940 trillions de pieds cubes (TCF) de réserves de gaz de schiste, dont 740 TCF sont récupérables sur la base d’un taux de récupération (TR) de 15% pour les zones d’Ahnet, Timimoune, Mouydir, Illizi et Berkine. Enfin le 17 octobre dernier, un ancien directeur de stratégie au niveau du ministère de l’énergie(11), s’appuyant certainement sur un rapport qu’il n’a pas mentionné situe les réserves en gaz de schiste à « 700 000 milliards de mètres cubes (Téra m3), et non 700 000 milliards de pieds cubes (soit 30 fois moins) comme annoncé en 2013 par l’Agence US. Ces ressources techniques correspondraient à un potentiel économiquement exploitable de 70 000 milliards de mètres cubes, soit 35 fois plus que le gisement de Hassi R’mel, et beaucoup plus que les ressources en gaz de schiste américaines, canadiennes, chinoises ou d’Argentine » Si cela se confirme, nous aurons dépassé de loin les réserves mondiales en gaz de schiste annoncées par le département américain de l’énergie. De tels chiffres non seulement donnent de l’eau à la bouche aux gouvernants mais aussi déroutent le citoyen qui voit ce débat s’éloigner de son caractère sociétal.

R. R.

Renvois

(3)-Portail du premier ministère, fenêtre 03, texte intégral du communiqué  

(4)- The BP Statiscal Review of World Energy 2017, Feuille de l’historique

(5)- rapport d’Abdelmadjid Attar du 06/10/2016 pour le compte du FCE  

(6)-lire le point de vue d’El Watan du 17/10/2017

(7) http://www.eia.gov/analysis/studies/worldshalegas/

(8)-1 pied cube= 0, 0283 mètre cube

(9)- Technically Recoverable Shale Oil and Shale Gas Resources report last updated: September 24, 2015    (10)-Ibid page 13

(11) – Ibid (06)

 

Auteur
Rabah Reghis, Consultant et économiste pétrolier

 




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