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vendredi 6 juin 2025
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Chasse aux sorcières à El Eulma : quand l’ignorance brandit le Coran comme un filet à papillons

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Bienvenue à El Eulma, charmante bourgade de l’est algérien, connue pour son commerce florissant, son marché « Charaâ Dubaï », et désormais pour sa toute nouvelle spécialité : la traque à la sorcière importée.

L’affaire ? Une étrangère en niqab, un Coran en main, un carnet dans l’autre. Elle traduit quelques versets pour elle-même, sans crier gare, sans tambour ni bougie noire. Malheureusement pour elle, dans ce pays où l’écriture étrangère a des airs d’incantation, c’était déjà trop.

Passe alors un auto-proclamé défenseur de la foi, radar mystico-policier vissé entre les deux oreilles. Il jette un œil sur le carnet. Il ne reconnaît ni l’arabe standard, ni le langage étranger, encore moins l’orthographe de Bled Makhlouf. Il voit des signes, des trucs chelous. Il ne comprend pas, donc il accuse. Sorcière, évidemment ! Parce qu’ici, dans cette Algérie 2025, tout ce qu’on ne comprend pas, on brûle. Et vite.

L’histoire aurait pu rester une bête méprise. Un de ces quiproquos qui font rire au café du coin. Mais non. Elle s’est transformée en micro-drame viral. On l’a traînée, verbalement, moralement, puis presque physiquement. Les gens ont crié, les téléphones ont filmé, et Internet a rendu son verdict : sorcière de catégorie A, Coran trafiqué, carnet maléfique.

Ce n’est plus de la paranoïa, c’est une ligne éditoriale. Un ministère fantôme de la suspicion permanente, avec ses agents zélés, armés de superstition, de fatigue sociale, et de chaînes YouTube aussi fiables qu’un horoscope sous acide.

Et l’État dans tout ça ? Spectateur. Mieux : figurant bénévole. Il laisse faire. Il applaudit parfois. Il embauche des hommes en uniforme pour aller traquer les sorcières – femmes exclusivement, évidemment, les hommes eux sont trop saints pour ça – et retourner des tombes dans les cimetières comme s’ils jouaient à Pokémon Go version Nécropole. On exhibe des poupées piquées, des cheveux ficelés, des fioles scellées… pendant que les vraies maladies, elles, se baladent en paix. Cas psychiatrique ? Alzheimer ? Cancer ? Diabète ? Ah non, ce sont sûrement les djinns. On vous dit que c’est spirituel.

On en est là. L’État fuit la rationalité comme le diable fuit l’eau bénite. Il laisse la médecine moderne se faire gifler par des « Roqias sponsorisées », où l’eau minérale se vend comme élixir sacré. On guérit tout par le Coran… sauf l’ignorance. Celle-là, elle est vaccinée, boostée, sanctuarisée.

Ce n’est plus la foi qui parle, ce sont les islamistes ; pas les musulmans, attention, mais les héritiers low-cost de l’inquisition. Version TikTok. Des barbus en 4G, algorithme affûté, qui diffusent la peur et récoltent les vues. Chaque malheur est un sortilège, chaque femme libre une menace, chaque carnet non homologué par un cheikh devient un grimoire de sorcellerie.

La société ? Elle suit. Elle obéit. Elle like. Fatiguée, enragée, désorientée, elle accepte n’importe quel coupable. Pourvu qu’il soit faible, différent, silencieux.

Pendant ce temps-là, les vrais sorciers courent toujours. Ils ne portent pas de turban, mais des cravates. Ils ne vendent pas des fioles, mais des contrats publics. Ils ne lisent pas dans le marc de café, mais dans les budgets à siphonner. Eux, aucun djinn ne les dérange. Aucun enquêteur ne les voit. Pas même une petite caméra de surveillance pour la forme.

Et pendant que les caméras filment les sorcières imaginaires, l’APN, elle, dépoussière le bon vieux Code de la famille. Voté récemment avec la souplesse d’un cercueil en chêne, il nous rappelle gentiment que la femme reste mineure à vie. Elle ne peut s’opposer au remariage de son mari. Et pour divorcer ? Ah non, pas elle. L’homme, oui, en une phrase, une salive. Elle ? Elle n’a qu’à se taire.

Mais rassurez-vous, l’État veille. Il veille à ce que la femme reste à sa place, allongée dans le Code. Il veille à ce que la superstition remplace la science, que les islamistes gangrènent les institutions, qu’on ferme les frontières à la pensée et qu’on ouvre les prisons à ceux qui pensent trop. Diviser pour mieux régner. Entretenir l’obscurantisme pour mieux gérer la lumière. Et on y arrive. Les prémices d’une révolte grondent doucement : restrictions de libertés, interdictions de sortir du territoire, enfermements arbitraires. Et pour couronner le tout, on balance en guise de diversion l’éternelle grenade dégoupillée : l’identité. Celle du peuple, qu’on secoue à coups de lance historique, à chaque fois qu’on veut noyer un poisson pourri.

Bienvenue en Algérie, où l’on chasse les sorcières imaginaires pendant que les véritables injustices dansent en toute impunité – et en costume trois-pièces.

Zaim Gharnati

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8 Commentaires

  1. Ils devraient plutôt revoir les accréditations accordées aux chaînes télé radio dédiées a la sorcellerie… et nettoyer l’école ceux qui polluent la tête des enfants, récuser l’arabe morte, les programme d’histoire et l’éducation religieuse. La dame d’El Eulma fait ce qu’elle veut de son temps du moment qu’elle n’oblige personne à venir la consulter et ne pollue pas l’école et les canaux audiovisuels. Elle n’est pas fonctionnaire et ne prêche pas dans l’espace public. Une campagne de sensibilisation à la place de la chasse aux sorcière suffit. Mais qui va décréter cette campagne et qui va la mener ? Les chaînes sorcières ? L’école du Hamas ?

  2. Voila pourquoi la dictature va prosperer des siecles dans ces régions et voila pourquoi aussi la Kabylie voudrait son indépendance
    pour se soustraire de l’ignorance, la superstition et l’idolatrie.

  3. Bonjours

    je souhaite traiter d’un sujet qui me tient à cœur depuis fort longtemps , mais qui hélas n’est pas la préoccupation d’une grande majorité d’algériens… apparemment. J’averti que le texte est trop , trop long comme à mes habitudes et peut paraître rébarbatif, répétitif, pas d’actualité, superflu voire inutile ! Tant pis , je suis têtue, c’est mon défaut mais que voulez vous que je fasse, les « tweet » ce n’est pas mon fort .

    D’abord, laissez moi dire que j’ai remarqué que les algériens qui se disent progressistes, démocrates, républicains, humanistes , ceux qui parlent de laïcité, de séparation du politique et du religieux, de liberté de conscience, d‘opinion , de pensée , d’Etat de droit etc.. n’osent jamais remettre en question l’article 2 de la Constitution. Ils préfèrent le mettre sous le boisseau ou le tapis. « Couvrez ce sein, que je ne saurais voir » dixit Tartuffe (Molière)

    A mon humble avis, il est temps de s’occuper de ce « sacré » article 2, de le remettre en question car mine de rien, c’est lui qui dégouline, qui ruisselle d’abord sur tout le reste des articles de la Constitution et aussi sur les lois, sur les institutions, sur l’école, sur l’université, sur la politique, sur la société d’une manière générale.

    Il est d’ailleurs très étonnant que les femmes progressistes et démocrates algériennes qui rejettent et condamnent le Code de la famille, pourtant inspiré de la Charia, ne remettent jamais en question ce « sacré » article. Enigmatique attitude ? Quels embrouillements et quels cafouillis dans la tête de nos chères femmes !!! !!! Bref !

    En principe, pour mettre un terme à l’utilisation de l’islam à des fins politiques, à sa manipulation à des fins de prise de pouvoir, il est temps de remettre en question cet article , aspect à intégrer dans les revendications politiques des démocrates, des progressistes, des humanistes, des femmes et hommes épris de liberté, de justice, d’égalité citoyenne etc…etc…

    Pour éviter les susceptibilités et les mauvaises interprétations des uns et des autres quand à la suppression de cet article, surtout de la part de ceux qui vont faire croire que c’est une entourloupe pour combattre l’islam en tant que religion, foi et spiritualité, il y a lieu de supprimer non seulement l’article 2, mais aussi les article 3 et 4 de la Constitution pour les intégrer, sous forme de synthèse, dans le préambule de la Constitution qui , comme chacun le sait, fait partie intégrante de ce texte fondamental.

    Que se soit l’islam, la languie arabe ou la langue amazigh , tous ses éléments constitutifs de notre identité ne doivent pas être transcrits sous forme d’articles hiérarchisés mais doivent simplement être intégrer dans le préambule. Cette solution évitera toute velléité de suprématie, de hiérarchisation, d’ordonnancement de l’une ou l’autre des composantes de notre identité que sont l’amazighité, l’arabité et l’islamité. Cette solution les mettra toutes sur un même plan d’égalité, y compris donc l’islamité combien même le Coran serait les paroles de Allah, avec tout le respect qu’on doit aux croyants et aux pratiquants.

    Si cette proposition raisonnable , où tout le monde est en principe gagnant, est prise en considération , le préconise de saisir cette opportunité pour penser à intégrer aussi dans ce préambule un résumé qui évoquera notre Mémoire (avec un grand M), de notre Histoire (avec un grand H) ancestrale, millénaire et aussi plus contemporaine qui , et c’est l’évidence même, ne commence pas seulement à partir de l’expansion arabo musulmane ou à la colonisation française. Nos historiens (avec un grand H) et nos juristes (avec un grand J) constitutionnalistes sauront faire ce type de rédaction, j’en suis convaincue.

    Aussi, j’implore les Algériens, celles et ceux qui ont des relations, des connaissances dans le domaine politique, au sein des partis politiques dits démocrates progressistes, intellectuels, les humanistes, écrivains, journalistes, historiens, anthropologues, enseignants, entrepreneurs ou je ne sais qui, les citoyens algériens épris de liberté et de justice de toujours proposer cette idée au débat contradictoire chaque fois que c’est possible et que le sujet s’y prête. Tout çà sans le but de prendre en considération cette proposition lors d’une éventuelle procédure de rectification de la Constitution ou d’une Constituante.

    La transition démocratique comme souhaitée durant le Hirak ne se fera pas dans le bon sens si on ignore cet aspect. Tous les citoyens raisonnables, patriotes y gageraient , sauf le pouvoir algérien bien sûr.

    Je pense que son adoption va contribuer dans une grande mesure à conforter l’unité nationale, à fortifier l’Etat , à consolider la Nation algérienne qui, pour moi, n’est pas encore accomplie car elle est plutôt en devenir. C’est mon avis.

    Vive l’Algérie Algérienne libre.

    • Proposition intéressante même si, au fond, je ne vois pas ce que fait l’islam (qui est une croyance personnelle parmi d’autres) et l’arabe (qui est un chapitre de l’histoire) dans ce que nous sommes. A ce sujet, nous sommes ethniquement plus latins que arabes par exemple. Y a qu’ à faire des test dna. Les pays de cultures latines se disent de culture latine, pas romains ou italiques. Ils sont ibères, gaulois, daces et italiens
      Pour ce qu’est de l’attitude des démocrates laïques envers l’article 2, c’est évident: intellectuellement ces gens sont coincés à l’époque coloniale. Ils en sont encore à l’antagonisme chrétiens vs musulmans (d’ailleurs de création coloniale) qui structuraient l’univers aussi bien des européens que des nords africains.
      Et va leur dire que que les réalités et les idées de l’époque ne sont pas sacrées mais juste celles d’une époque comme une autre. Il est vrai que l’affect joue un rôle important pour tout ce qui touche à cette époque et ça se comprend. Mais un historien ou un politicien devrait savoir garder la distance.

  4. Très belle contribution, frappée au coin du bon sens.
    Le je me suis trompé de peuple, prends tout son sens.
    Ce n’est plus capri c’est fini, mais l’algiri c’est fini, c’est cuit ,c’est mort même.

  5. Que dire? mis a part que le Mal est profond je ne reconnais plus mes compatriotes et j’ai envie de vous poser une question est-ce que la pratique religieuse encourage l’ignorance et la bêtise humaine ????? Algeriens de tous bords réveillez vous !ouvrez donc les yeux et pensez plus à votre bien être plus qu’à votre appareil digestif!!!! il y a beaucoup de mal de fait dans tous les domaines et vous persistez dans votre attitude !que faire?telle est la question!

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