AccueilPolitiqueComment le régime politique algérien a fabriqué la députée Naïma Salhi

Comment le régime politique algérien a fabriqué la députée Naïma Salhi

Imposture, incompétence et clientélisme

Comment le régime politique algérien a fabriqué la députée Naïma Salhi

Le régime de Bouteflika n’exige pas la compétence de ses clients mais le soutien total et aveugle.

L’intervention de la députée Naïma Salhi contre la langue berbère, via une vidéo, a mis à nu l’indigence du système politique algérien, dont la fraude électorale est la principale marque de fabrique.  Ce système avait su, jusqu’à la fin des années 1990, coopter au sein des courants laïques ou islamistes des élites politiques en état de posséder un niveau intellectuel et politique plus ou moins appréciable et parfois même très élevé.

Si le régime de l’époque avait opté pour une démocratie de façade, il était néanmoins très soucieux du paraître. C’est pourquoi il y trouvait un grand intérêt pour intégrer dans l’échiquier politique des hommes et des femmes dont la crédibilité politique, voire la «popularité» était admise par le plus grand nombre.

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Mais à partir de 1999, sous le double effet de l’arrivée au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika et de la remontée en flèche des prix des hydrocarbures, le régime d’Alger a élargi son mode de recrutement en ciblant des personnalités présentant un niveau de culture politique nettement déficient.

Le choix des personnes cooptées cette-fois-ci ne prend pas en compte le critère de représentativité sociale des candidats potentiels. Mal élu, Abdelaziz Bouteflika, entendait par cette politique de nivellement par le bas, discréditer l’ancien personnel politique. Il y parviendra malheureusement, cela dit en passant, avec succès.

La classe politique traditionnelle a eu toujours tendance à négliger ces manigances de bas étage. Naïma Salhi, apparaîtra pour la première fois sur l’échiquier politique en 2012 sous la casquette de présidente d’un parti islamiste dénommé Parti de l’équité et de la proclamation (PEP). L’année précédente cependant fut marquée par le débat sur le « quota des femmes». Au moment où Naïma Salhi sortait de l’ombre, une nouvelle loi organique datant du 12 janvier 2012 (en application de la constitution amendée en 2008) est adoptée. Elle fixe de nouvelles modalités visant à augmenter les chances d’accès des femmes au Parlement.

L’Algérie à l’instar de beaucoup de pays africains montre à l’Europe sa volonté de moderniser ses institutions politiques accusées de nourrir la discrimination entre les sexes. C’est ainsi qu’à la faveur des législatives de 2012 l’Assemblée populaire nationale s’ouvrit aux femmes à hauteur de 31,6 % de ses sièges, amorçant ainsi une rupture avec les taux précédents qui ne dépassaient guère les 7,7 % . Louisa Hanoune, figure féminine emblématique de la politique en Algérie dut trouver en la personne de Naïma Salhi, un étrange double.

Issue d’un courant laïcisant et partisane invétérée de l’égalité en droits entre l’homme et la femme, elle se retrouve du jour au lendemain, face à face avec une « sœur » qui proclame publiquement sa préférence pour la polygamie et la soumission à l’époux.  Mais le système politique algérien n’en a cure des incohérences.  A la faveur des législatives de 2017, et système des quotas oblige, l’Assemblée populaire nationale ouvre ses portes à Naïma Salhi qui va donc être consacrée comme une femme politique mais qui ne conçoit de politique que comme une activité orientée contre l’émancipation des femmes. En fait, Naïma Salhi veut persuader les Algériennes qu’elles peuvent devenir des femmes politiques, occuper de très hauts postes de responsabilité ; mais tout en faisant l’économie d’une acculturation, c’est-à-dire sans sacrifier à l’analphabétisme politique des aïeules.

Cette posture qui semble être très personnelle trahit en réalité le désir profond du système politique algérien à ne pas évoluer et à maintenir les femmes sous-tutelle. L’acculturation de cet élément de la société à des valeurs autres que patriarcales lui semble tellement dangereuse qu’il n’ose pas l’encourager.

La campagne menée par Naïma Salhi contre la langue berbère, confirme ce que nous disions à propos de la culture politique de la nouvelle génération de recrues du système politique algérien. Ce qu’il faut souligner c’est le hiatus qui existe entre la charge de députée censée être l’émanation symbolique de la nation algérienne, et le comportement politique qui en est attendu. Les paroles que Naïma Salhi va proférer via une vidéo postée sur les réseaux sociaux sont éloquents.

Les images montrent « la femme politique » sous l’œil approbateur de son époux qui fixe la caméra. En résumé, voilà ce que dit la présidente du PEP : le berbère n’a pas le statut de langue, il n’est pas une langue des sciences et par conséquent il n’a pas sa place dans la société. […]  Ma fille a appris à parler le kabyle, j’ai fermé les yeux au début, mais maintenant qu’on veut nous imposer le berbère, je lui ai dit si je t’entends prononcer un seul mot de kabyle, je te tue ». On notera l’absence totale de sens politique dans la mesure où ce type de discours ne sert ni la cause du parti politique que la députée prétend diriger, ni même le courant islamiste dont elle se réclame.

Ces propos semblent mêmes passibles de condamnations pénales au vu de leur caractère violent. On a l’impression que la députée souhaitait s’adresser aux autorités pour exprimer son hostilité à l’officialisation de la langue berbère, mais ce faisant, elle s’est également adressée aux franges de la population qui peuvent être favorables à cette décision du gouvernement. C’est ainsi que par un étrange des paradoxes, Naïma Salhi s’est retrouvée dans la peau d’une sécessionniste au sein d’une entité nationale mais sans avoir la culture politique y afférente.

L. G.

Auteur
Larbi Graïne, journaliste    

 




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