Encensée par les pays producteurs de pétrole, mais décriée par les environnementalistes, la COP28 pourrait avoir comme utilité d’être un témoin pour les générations futures de ce qu’ont fait leurs ancêtres pour tenter de combattre la plus grande crise climatique planétaire qu’ils avaient à gérer.
Avec quelque 110 000 participants accrédités, dont près de 2500 lobbyistes des énergies fossiles, la COP28 a été la plus importante jamais organisée.
Une réussite pour certains
Cette COP28 est considérée comme un succès par de nombreux pays en raison de l’opérationnalisation du fonds sur les pertes et préjudices. Les pays participants s’y sont aussi engagés à tripler les capacités d’énergies renouvelables dans le monde d’ici à 2030. De plus, le 28e paragraphe du texte final appelle à sortir des énergies fossiles d’une manière équitable, juste et ordonnée pour atteindre la neutralité carbone en 2050. L’accord présenté à la fin de la conférence a été considéré comme « historique » par plusieurs pays et organismes, dont de nombreux producteurs de pétrole.
L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) y voit d’ailleurs des résultats consensuels et positifs. TotalEnergies estime pour sa part que le compromis conforte sa stratégie. Un acteur important des hydrocarbures, l’italien ENI, trouve le texte final comme ayant « beaucoup de pragmatisme » et exprime la nécessité d’équilibrer l’accès à l’énergie, le développement compétitif, les objectifs d’émission et la sécurité énergétique.
Pour le président et fondateur de la Fondation Solar Impulse, Bertrand Piccard, la COP28 a eu le plus grand succès possible dans le « monde réel. »
Un échec pour d’autres
De très nombreux groupes de la société civile considèrent que la nomination du Sultan al-Jaber est un exemple de mainmise des entreprises sur le sommet. « On n’est pas du tout dans une transition », affirme le coordonnateur en France du Global Carbon Project, le physicien Philippe Ciais. Ce sont les énergies fossiles qui gagnent disent aussi plusieurs climatologues.
Pour ceux qui le dénoncent, cet accord ne contient aucune clause contraignante pour une sortie des énergies fossiles et n’est qu’un appel à la sensibilisation sans engagement, reconnaissant implicitement le gaz comme un des carburants de transition pour assurer une sécurité énergétique.
Le climatologue spécialiste de l’analyse du rôle du changement climatique sur certains phénomènes météorologiques extrêmes, Friederike Otto, considère que les intérêts financiers à court terme de quelques-uns l’ont à nouveau emporté sur la santé, la vie et les moyens de subsistance de la plupart des habitants de cette planète. « Avec tous ces verbes vagues, ces promesses vides dans le texte final, des millions de personnes de plus se retrouveront en première ligne du changement climatique. »
Pour le professeur Kevin Anderson, qui enseigne le changement climatique à l’Université de Manchester, le compromis de la COP28 « sonne le glas » de l’objectif +1,5 °C, de l’accord de Paris à la COP21. Greta Thunberg, considère pour sa part cette entente comme un coup de poignard dans le dos des plus vulnérables comme les habitants d’îles qui commencent déjà à être submergées par la hausse du niveau de la mer.
Et pour le futur ?
Madeleine Diouf Sarr, présidente du groupe des pays les moins avancés, considère que le texte final de la COP28 ne fixe pas d’agenda précis, si ce n’est de parvenir à zéro émission nette en 2050. La directrice du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), Inger Andersen affirme donc que le monde n’est pas sur la bonne voie, puisque la planète s’est déjà réchauffée de 1,2 degré depuis l’ère industrielle, qu’il y a déjà des inondations catastrophiques, de la chaleur extrême, de grandes sécheresses, des incendies et que si rien ne change, la Terre se dirige vers un réchauffement allant de 2,5 à 2,9 °C d’ici 2100.
Les actions de l’industrie pétrolière semblent lui donner raison. Selon l’OPEP, le pétrole et le gaz représentent 55 % du marché énergétique et devraient conserver une part majoritaire pendant les décennies à venir. L’organisme ne prévoit pas réduire sa production et considère que la demande mondiale de pétrole devrait même connaître une croissance de 2,2 millions de barils par jour en 2024. Il n’est donc pas du tout certain que la COP28 ait réussi à réduire substantiellement les émissions de CO2 sur le long terme. Mais comme elle a occupé les premières pages de plusieurs grands journaux et médias de la planète pendant une dizaine de jours, elle a cependant eu l’avantage de fixer dans l’Histoire les paroles et promesses des personnes qui y ont participé. Elle a donc le potentiel de permettre aux historiens des générations futures de départager parmi leurs ancêtres ceux qui ont aidé ou nuit à régler ce qui a toutes les chances d’être le plus important problème planétaire qu’eux et leurs enfants devront continuer à affronter.
Michel Gourd