Que peut-on attendre de la COP30, alors que la propagande qui vise à protéger les intérêts liés aux énergies carbonées déforme actuellement la réalité avec l’aide de l’IA ?
La 30e Conférence des parties sur les changements climatiques (COP30) se tient jusqu’au 21 novembre à Belem, au Brésil. Alors que l’année 2025 sera l’une des trois plus chaudes jamais enregistrées, la campagne contre la science climatique bat son plein. Les faits sont pourtant clairs et incontestés parmi les autorités scientifiques. Les années allant de 2015 à 2025 ont été les plus chaudes depuis 176 ans et selon les données provisoires de l’ONU, la température mondiale a dépassé entre janvier et août de 1,42 degré Celsius la moyenne de l’époque préindustrielle.
Cette élévation de température, en créant de la pollution aérienne, des canicules et diverses quantités d’autres choses nuisibles à la santé, aurait des conséquences, qui ont été relevées le 28 octobre par la revue médicale The Lancet. Elle serait responsable de plus d’un demi-million de morts en moyenne par an. « Le changement climatique menace la santé à un niveau sans précédent », affirme le Lancet Countdown, qui est rédigé annuellement à partir de l’état général des connaissances scientifiques par une centaine de chercheurs internationaux coordonnés par l’University College London, en lien avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Nier ou biaiser les faits
Comme chaque année, la désinformation sur le climat augmenterait pendant les semaines qui précèdent la conférence des Nations unies sur les changements climatiques. Le rapport, Deny, Deceive, Delay : Demystified produit par Coalition Against Disinformation, un organisme qui regroupe plus de 80 organismes militants et un organisme brésilien, l’Observatoire pour l’intégrité en information. « Les dépenses de Big Carbon et les algorithmes de Big Tech nous empêchent de nous voir et de nous entendre les uns les autres, en ligne », affirment-ils.
Cette campagne aurait été particulièrement forte au Brésil qui a vu une hausse de plus de 14 000 de ces fausses informations entre juillet et septembre, soit 267 %, selon le rapport publié le 6 novembre. Elles seraient amplifiées par l’intelligence artificielle (IA) et encourageraient même l’hostilité envers la science et les chercheurs.
Chris Wright secrétaire à l’énergie, fondateur de l’une des plus grandes compagnies spécialisées dans la fracturation hydraulique, affirmait le 24 septembre : « Les Nations unies, ainsi que de nombreux pays dans le monde, se sont complètement égarées à propos du changement climatique, en exagérant jusqu’à en faire la plus grande menace pour la planète. »
Protéger la vie
Climatologue à l’École polytechnique fédérale de Zurich en Suisse et vice-présidente du groupe de travail 1 du GIEC, Sonia Seneviratne affirme « On arrive dans une zone dangereuse et inconnue, tant on s’éloigne de plus en plus des conditions que l’on connaissait au XXe siècle ». Selon elle, franchir 1,5 degré Celsius, pourrait entraîner des risques plus importants de franchir des points de bascule. Des éléments du système climatique pourraient alors entrer dans de nouveaux états irréversibles.
« Nous devons agir dès maintenant, rapidement et à grande échelle, afin de limiter autant que possible le dépassement de 1,5 degré Celsius », commente le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui considère que chaque dépassement annuel de 1,5 degré Celsius pourrait causer des dommages irréversibles et des répercussions désastreuses sur les économies de nombreux pays.
Ce dépassement serait presque inévitable selon la secrétaire générale de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), Celeste Saulo, « Cette série sans précédent de températures élevées, combinées à l’augmentation record des niveaux de gaz à effet de serre de l’année dernière, montre clairement qu’il sera pratiquement impossible de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius ces prochaines années », espérant que l’on revient aux objectifs plus ambitieux de l’accord de Paris.
La COP21 aurait d’ailleurs déjà donné des résultats selon plusieurs experts. Avant 2015, les prévisions des modèles climatiques donnaient un réchauffement de 4 degrés d’ici la fin du siècle. Dix ans après l’Accord de Paris, la planète se dirigerait plutôt vers un réchauffement de 2,3 à 2,5 degrés Celsius. Cela ne pourra cependant se produire que si les États respectent leurs engagements actuels. Depuis la signature de cet Accord, la croissance des émissions de GES aurait même ralenti et aurait augmenté d’environ 1 % depuis 2015, alors que c’était plutôt 18 % entre 2005 et 2014.
Rassembler tous les pays de la planète dans un accord sur un enjeu aussi complexe pourrait même être considéré une victoire pour le multilatéralisme. Le fait que les États soient obligés de mesurer leur performance les uns par rapport aux autres pourrait avoir créé une pression morale qui les aurait motivés à agir. Plus de 140 pays se seraient donc dotés en dix ans, d’un programme climatique pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et 2070.
« Les COP ne servent pas à rien. Ça permet aussi de mettre dans le débat certains sujets », affirme le directeur général du groupe de réflexion Écologie responsable, Ferréol Delma, qui considère que ça permet aussi à tous les acteurs de prendre part au sujet.
Marine Braud, experte des enjeux environnementaux commente à ce sujet que depuis la COP16, elles sont toutes celles de la dernière chance. « Chaque demi-degré de réchauffement qu’on n’aura pas, c’est des morts évités, c’est des débats qui sont évités, donc dans tous les cas, il ne faut jamais abandonner le combat. »
Michel Gourd

