30 décembre 2024
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Corruption : Pour une collaboration entre Belkacem Zeghmati et Djilali Hadjadj 

TRIBUNE

Corruption : Pour une collaboration entre Belkacem Zeghmati et Djilali Hadjadj 

Djilali Hadjadj, président de l’Association de lutte contre la corruption (AACC).

La lutte contre la corruption, le grand banditisme et la criminalité organisée, tous fléaux qui ont prospéré de façon sidérante tout au long de ces vingt dernières années, sera un combat rude et long.

Il ne faut pas croire qu’il sera aisé pour nos magistrats et nos politiques de convaincre les États dont les établissements bancaires ou institutions financières abritent quelque 70 milliards de dollars (trois milliards en moyenne/an détournés, sauf à parfaire), et ce,  entre 1999 et 2019, de jouer le jeu de la coopération, même si nous sommes liés avec certains d’entre eux par des instruments internationaux qui ont une force comminatoire certaine. 

Une justice qui se libère progressivement

Les Algériens constatent, au fur et à mesure que progressent les enquêtes et l’instruction(dont il fa ut rappeler que celle-ci s’effectue à charge et à décharge), comme le démontrent la libération de certains suspects et l’inculpation sans mandat de dépôt de plusieurs ministres, que 90 % des ministres, walis et responsables d’institutions et d’entreprises publiques qui ont officié à l’époque de Bouteflika, n’ont accepté des postes de responsabilité dans les sommets de l’Etat qu’après s’être assurés qu’ils pourront remplir leurs poches, en toute impunité, et transférer le produit du crime à l’étranger où celui-ci serait sanctuarisé.

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Jamais depuis l’indépendance, une opération d’escroquerie et de mise en coupe réglée de l’économie nationale d’une telle envergure, ne s’était produite. Chez la quasi-totalité de ces responsables cooptés sur la base du népotisme le plus ringard, il n’y avait ni sens de l’Etat, ni empathie à l’égard de leurs compatriotes ni désir d’améliorer la situation économique, sociale et culturelle d’une Algérie pourtant dotée de nombreuses potentialités et d’atouts.

La circonstance que certains ministres, détenteurs parfois de secrets d’Etat, eussent possédés une nationalité étrangère, faisait sérieusement douter de l’indépendance, même formelle du pays, avant que le législateur eût décidé d’y mettre bon ordre. C’est le général Ahmed Gaïd Salah qui sera l’inspirateur de ce texte salvateur, ce que beaucoup d’Algériens ignorent, hélas. Voici à quelle engeance, Bouteflika et surtout son frère, à partir de 2013, ont confié la gestion des affaires du pays. 

Ceci posé, il sera difficile de récupérer les sommes colossales soustraites au Trésor de l’Etat, mais il faudra faire confiance à la compétence, au savoir-faire, au courage et à l’obstination du nouveau ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati. Pour avoir interrogé magistrats et avocats qui furent naguère mes étudiants, il n’y a plus de pression sur la justice depuis l’arrivée de Belkacem Zeghmati à la tête du Ministère de la Justice. Le nouveau garde des Sceaux dispose de toute la confiance du Chef d’État-major. Toutes les enquêtes seront menées jusqu’à leur terme et elles n’épargneront aucun délinquant, alors qu’entre 1999 et 2000, les agents et officiers de police judiciaire avaient mis sous le boisseau nombre de dossiers d’une gravité sans précédent, à l’instigation des membres  de la « Bande ». 

Le rôle de l’AACC du Dr Hadjadj est primordial 

Aujourd’hui, un des plus précieux auxiliaires de Belkacem Zeghmati est certainement le Dr Djillali Hadjadj, président de l’Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC) qui vient de mettre au jour les pratiques délictueuses de l’actuel ministre du Travail, de l’emploi et de la sécurité sociale, Hassan Tidjani Haddam lequel bénéficie, cela va sans dire, de la présomption d’innocence. Sur le plan du droit, il n’est si soupçonné ni visé par une information judiciaire. Mais, a priori les faits qui lui sont reprochés sont graves et s’ils étaient avérés, tous les éléments disponibles donnent à croire que l’actuel ministre devra en répondre devant les juridictions compétentes.

A l’instar de Belkacem Zeghmati, le Dr Hadjadj est connu pour son courage, ses compétences professionnelles, ses états de service et sa probité morale. Il a eu à subir des foudres de la fratrie du président Bouteflika pour prix de son attachement à la transparence. Son expérience, les nombreuses affaires mafieuses qu’il a su éventer, les réseaux dont il dispose en Algérie et à l’étranger, font de lui un collaborateur précieux de Belkacem Zeghmati, dans le respect évidemment des misions dévolues à chacun d’eux : le premier est ministre de la Justice, le second, un des plus brillants représentants du mouvement associatif : ils n’ont ni les mêmes responsabilités ni les mêmes contraintes ni les mêmes obligations.

L’expertise menée de main de maître par l’AACC sur les caisses de Sécurité sociale et de retraite en 2018, la dénonciation de  l’apathie criminelle de la Cour des comptes devant les dérives des comptes de la nation dont son Président ne semble pas du tout avoir pris la mesure, alors qu’il dirige cette institution, vieille de 40 ans, depuis mars 1995, montre que l’AACC peut largement contribuer à la moralisation de la vie des affaires et apporter aux autorités de l’Etat les éclairages substantiels quant au contrôle de l’utilisation des fonds publics. 

La mobilisation de tous les hommes de loi est indispensable

Tous les magistrats, tous les auxiliaires de justice doivent se mobiliser, dès à présent pour que notre pays puisse se classer dans le TOP 10 des pays qui luttent vigoureusement contre la corruption, d’ici la fin de l’année 2019. Il s’agit d’un impératif catégorique, au sens kantien du terme, car de ce classement dépendent l’amélioration du climat des affaires, le retour de la confiance des institutions financières internationales, l’implantation d’entreprises étrangères sur notre sol. S’agissant du Docteur Hadjadj, c’est grâce à lui, depuis maintenant plus de 10 ans, que les lecteurs du Soir d’Algérie, entre autres, peuvent prendre connaissance des conditions scandaleuses dans lesquelles sont conclus des marchés publics de toute première importance, au regard  des montants impliqués. 

Il fallait décerner ce satisfecit au ministre de la Justice et au Président de l’AACC ; l’Algérie compte peu d’hommes et de femmes de leur envergure mais pour que ces deux hommes et d’autres aussi que l’on ne peut pas tous citer, soient efficaces, tous les moyens devront être mis à leur disposition, et de la sorte, également, le lien de confiance entre l’Etat et le citoyen sera progressivement rétabli.

La moralisation de la vie des affaires est décelable dans tous les secteurs

L’Algérie est engagée dans un processus irréversible de lutte contre la corruption et le crime en bande organisée, comme en témoignent le luxe de précautions auquel s’entourent désormais les commissions d’évaluation des offres et les commissions de recours instituées par la réglementation du 16 septembre 2015 sur les marchés publics et les délégations de service public aux niveau des différentes services contractants.

Le changement est également perceptible dans les relations entre ordonnateurs et comptables publics dont la séparation a toujours été la règle, mais plus en théorie que dans la réalité. Ceci se paye certes d’un surcroît de bureaucratie et de longueur dans le traitement des dossiers, mais ce sont des centaines de millions de DA, si ce n’est des milliards, qui restent dans les caisses de l’Etat. Les banquiers sont devenus également très prudents et les décisions d’octroi des crédits se font de plus en plus dans un cadre collégial, ce qui a été rarement le cas entre 1999 et 2019.

L’honnêteté intellectuelle commande de mettre au crédit du chef d’état-major et des membres du Haut commandement militaire ce processus vertueux. Il est à prévoir que désormais plus rien ne sera comme avant, en matière de corruption, et que nos managers, nos ministres, nos walis, nos PDG sauront désormais à quoi s’en tenir : de lourdes peines de prison et la confiscation de tous leurs biens. Sur point, le Haut Commandement militaire et le chef d’état-major ont réussi une prouesse historique inimaginable. 

Ali Mebroukine

NOTES

  1. L’association de lutte contre la corruption pointe le passé de H. Tidjani Haddam, in Le Matin d’Algérie du 22 août 2019.

  2. Déclaration du chef d’État-major à Oran devant les cadres militaires de la 2ème Région militaire le 27 août. 

 

Auteur
Ali Mebroukine, Professeur en droit pénal des affaires

 




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