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Cours de sociolinguistique par Naïma Salhi    

Polémique

Cours de sociolinguistique par Naïma Salhi    

L’Algérien n’a pas besoin d’un festival de rire ou d’une émission de guignols pour avoir sa dose d’humour. Les comédies se diffusent chaque jour, gratuitement, sans masques, sans maquillage, et sans décor. Résultat : les Algériens rient beaucoup dans un pays malheureux. Les grands experts de cet art sont surtout les hommes et les femmes qui font de  la politique.

Le one-man-show le plus regardé récemment est celui de Naima Salhi. Une députée fascinée d’islamisme,  invitée préférée des chaînes obscurantistes, chef du Parti de l’Equité et de la Proclamation (P.E.P). Dans une  brève vidéo, elle donne un cours de sociolinguistique. Elle affirme que l’amazigh est une langue morte qui n’a pas de graphies et  de significations. Elle conclut sa conférence en menaçant sa fille de mort si elle dit un mot berbère.

Quelques jours après, elle  diffuse la deuxième séquence de son cours de sociolinguistique pour mieux s’expliquer. Et donc mieux faire rire.  Cette fois, elle hausse fortement le niveau et mêle différentes disciplines.

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Elle commence par  l’autobiographie en racontant l’histoire de son grand-père. Son récit est plus captivant que les autobiographies d’Azouz Begag. Ensuite, elle joue l’anthropologue en liant sa généalogie au Prophète et en définissant l’identité et ses mystères. Elle n’a pas exhibé son certificat de descendance fourni par l’Arabie Saoudite qu’elle a oublié de demander.

Elle affirme aussi que la France  rêve encore de retourner en Algérie à travers laquelle elle occupera  à nouveau l’Afrique. « La France sera sans merci envers nous » crie la sociolinguiste.  Elle conclut en disant qu’elle est contre la langue amazighe francisée, que cette langue a été fabriquée dans les laboratoires sionistes pour effacer la langue arabe, langue du Coran et d’islam. Elle réfléchit encore en colonisée, cultivant une relation maladive avec la France. A vrai dire, elle vit  dans les années 1830 où la France mettait en œuvre son projet d’a-culturation pour effacer l’algérianité.

Le one-man-show de Naima a secoué l’Algérie. Les Algériens atteints de wahhabisme ont honoré la sociolinguiste de cette équation : Naima Salhi vaut mille hommes. Autrement dit, il en faut seulement 3000 pour peupler le Qatar ou Dubaï.

Enivrée par le soutien des ignorants et des wahhabites, la « sociolinguiste » Naima Salhi ne s’aperçoit pas de ses énormes erreurs. De Saussure définit la langue comme un système de signes ce qui est le cas de l’amazigh. Chomsky montre que la langue est un moyen de communication, et on peut communiquer avec l’amazigh. Docteur Naima vient donc de remettre en cause deux théories.

Elle fait l’éloge de la langue arabe alors qu’elle s’exprime en dialecte,  insérant même des emprunts à la langue française. Si l’amazigh ne permet pas de communiquer à l’étranger,  alors à quoi sert l’arabe à Istanbul où l’on parle turc? Son foulard et son hijab sont tissés en Chine ou en Turquie : deux pays qui ne parlent pas arabe.

Elle réduit l’Algérie en un seul article : l’Islam est religion d’Etat. Son seul argument. La Constitution reconnaît l’amazigh comme langue officielle, défend les libertés individuelles, et l’Etat lui-même utilise le français dans les documents officiels.  Elle confond islam et langue arabe : on peut parler arabe et être athée comme on peut être musulman et parler français.

Elle résume l’identité algérienne en quelques mots : arabo-musulmane. L’identité est un système cohérent de diverses appartenances. « Docteur » Naima préfère singularité à diversité, qui est la matrice créatrice de l’islamisme. La diversité est division, donc un appel à une nouvelle colonisation.

A travers ses one-man-show, Naima cherche à jouer la star médiatique et attirer l’attention en aiguisant sa haine envers l’amazigh.  C’est un bon fonds de commerce. La preuve, elle et son mari ont fait récemment la une d’un journal qui lui aussi croit vendre plus d’exemplaires  avec deux têtes férues d’islamisme. Elle fait, comme d’autres comédiens de la politique, de la distraction volontaire : raconter des délires pour étouffer les sujets qui fâchent. Ainsi, un parti de l’Equité se tait  face à la grève des médecins et des profs, la crise du lait, la fuite des cerveaux, la corruption, la bureaucratie, et tant d’autres maladies qui consument le pays. Cependant, elle fait rire beaucoup d’Algériens et les aident ainsi à extirper leur malheur par l’humour. Gratuitement.

Naima, arrête de te mêler de ce qui est scientifique parce que tu nuis à la science. Il te faut des années pour comprendre  les mystères de la langue et de l’identité. Et des années pour acquérir l’art de dire. Si tu parles d’une langue amazighe francisée, va revoir la famille des langues pour t’apercevoir de ton délire. Tu accuses la France de christianiser la Kabylie et l’Algérie. C’est l’inverse : c’est toi qui rêves d’un  pays afghanisé. Un conseil : si tu veux davantage de points pour ton parti, parle du cinquième mandat ou fais des fatwas. Au lieu de passer ton temps sur les réseaux sociaux, à compter tes défenseurs et tes ennemis, va lire parce qu’on ne naît pas intellectuel, on le devient. Sois toi-même.

T. B.

P.S : tu m’as tué de rire par tes vidéos récentes.

Auteur
Tawfiq Belfadel, écrivain-chroniqueur

 




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