Le journaliste, Jean-Michel Apathie, avait d’abord été mis « en retrait » de l’antenne de la radio après sa comparaison des crimes coloniaux à celui d’Oradour-sur-Glane. L’affaire révèle combien la France n’est pas encore disposée à voir son histoire coloniale dans son ensemble.

Le journaliste Jean-Michel Aphatie a annoncé, dimanche 9 mars, qu’il ne reviendrait pas à RTL, estimant ne pas avoir fait de faute en tenant des propos à l’antenne fin février sur des « Oradour-sur-Glane en Algérie » qui ont été commis par la France.

« Je ne reviendrai pas », écrit sur le réseau X le journaliste, qui avait été suspendu d’antenne pendant une semaine par la radio, avant de poursuivre : « Même décidée dans le cadre d’un dialogue serein et compréhensif, une punition reste une punition. Si je reviens sur l’antenne de RTL, je la valide, donc je reconnais avoir fait une faute. C’est un pas que je ne peux pas franchir. » Le journaliste maintient son opinion malgré les tombereaux de critiques dont il est la cible de la part d’une frange de journalistes et politiques qui regarde la colonisation avec un œil seulement.

D’abord « mis en retrait »

La polémique a vu le jour le 25 février à l’antenne, et porte sur la conquête de l’Algérie par la France au XIXe siècle. « Chaque année, en France, on commémore ce qui s’est passé à Oradour-sur-Glane, c’est-à-dire le massacre de tout un village. Mais on en a fait des centaines, nous, en Algérie. Est-ce qu’on en a conscience ? », avait-il déclaré courageusement.

Pour ces propos, le journaliste avait d’abord été mis « en retrait » de l’antenne de RTL après sa comparaison « inappropriée » mais devait être « de retour la semaine prochaine ». Les présentateurs de la matinale, Thomas Sotto et Amandine Bégot, avaient expliqué l’absence du journaliste, qui intervient habituellement le mercredi. « Mardi dernier, lors d’un débat sur l’Algérie, il a effectué un parallèle entre certains actes commis pendant la colonisation de l’Algérie et des crimes nazis. Une comparaison que la direction de RTL considère inappropriée et qui a choqué beaucoup d’entre vous », avait alors déclaré Thomas Sotto.

A Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), une unité de la Waffen SS Das Reich a massacré 642 habitants le 10 juin 1944. « On n’a pas fait Oradour-sur-Glane en Algérie », avait rétorqué Thomas Sotto, avant de demander : « On s’est comportés comme des nazis ? » « Les nazis se sont comportés comme nous », avait répondu Jean-Michel Aphatie. Ces propos ont suscité plusieurs signalements auprès de l’Arcom, le régulateur des médias, qui a ouvert une instruction pour déterminer si la radio avait manqué à ses obligations. 

Aphatie victime de l’histoire coloniale

Décidément, il ne fait pas bon de défendre la vérité au moment où les relations entre l’Algérie et la France sont au plus mal. La droite et l’extrême droite, fortes de leurs nombreux relais médiatiques, sont en train de détourner le fleuve de l’histoire en tentant d’édulcorer la colonisation française de l’Algérie. En l’espèce, Jean-Michel Aphatie est une victime par ricochet des massacres coloniaux en Algérie.

« J’attache un prix particulier à la question de la présence française en Algérie entre 1830 et 1962. Je ne suis pas concerné personnellement. Ni mon père, ni mes oncles, ni d’autres membres de ma famille n’ont participé à la guerre d’Algérie. Je n’ai pas non plus de connexions ou de liens avec des Français rapatriés de ce pays. J’ai découvert cette histoire de manière banale. Je me suis intéressé, voilà déjà longtemps, aux conditions du retour au pouvoir du général de Gaulle, en mai 1958. La question du maintien de l’Algérie dans la France était au cœur de la crise politique. Je me suis alors demandé ce qu’était cette situation, quelle était la nature de la présence française et aussi celle de la cohabitation des communautés sur ce territoire », écrit le journaliste.

Puis de poursuivre : « Ce que j’ai lu dans les livres écrits par des historiens méticuleux m’a horrifié. Les massacres de musulmans se sont succédés tout au long des 132 ans d’occupation. Un statut dit d’indigénat, appliqué à partir de 1881, a privé les premiers occupants de l’espace de tous droits et leur a imposé des servitudes archaïques et injustes. Chassés des terres les plus riches, ils ont végété dans l’extrême pauvreté. La scolarisation des enfants a été parcimonieuse. Tout ceci dresse un tableau indigne de la France au regard des valeurs d’humanité qui font sa réputation dans le monde. J’ai vécu comme une injustice maintenue l’absence de reconnaissance officielle par le colonisateur des traitements dégradants infligés à cette population. Les propos que je tiens sur ce sujet depuis des années sont liés à ce sentiment. Pour cette raison, et pour cette raison seulement, je ne peux pas accepter d’être puni pour les avoir répétés ».

Jean-Michel Aphatie concède toutefois : « Je regrette la situation qui s’est créée. J’ai passé de belles années professionnelles à RTL. C’est une radio que j’aime. Mais c’est ainsi. Une précision pour terminer, parce que j’ai vu à l’œuvre durant ces derniers jours ces faux nationalistes qu’effarouchent les vérités de l’histoire. Le pouvoir algérien d’aujourd’hui est une dictature. Il l’est depuis 1962. Le peuple algérien mérite, comme tous les peuples, la liberté et la justice. Il en est, hélas, privé depuis trop longtemps. Par ailleurs, je m’associe, comme je l’ai fait depuis le début, aux demandes de libération de Boualem Sansal, injustement emprisonné à Alger. Un jour, c’est mon espoir, la France, mon pays, conviendra de sa part d’inhumanité dans l’histoire ».

Des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie

Pourtant, les massacres de centaines de milliers d’Algériens pendant les 132 ans de colonisation sont documentés par les histoires et les auteurs des crimes eux-mêmes. Saint-Arnaud se garganisait des milliers d’oreilles coupées aux Algériens dans ses lettres. Et « La première guerre d’Algérie », écrit par l’historien Alain Ruscio revient largement sur ces massacres de de villages entiers en Algérie par l’armée coloniale.

« Les femmes, les enfants accrochés dans les épaisses broussailles qu’ils sont obligés de traverser, se rendent à nous. On tue, on égorge ; les cris des épouvantés, des mourants, se mêlent au bruit des bestiaux qui mugissent, bêlent de tous côtés… Chaque soldat arrive avec quelques pauvres femmes ou enfants qu’il chasse, comme des bêtes, devant lui […]. Vous me demandez ce que nous faisons des femmes que nous prenons. On en garde quelques-unes comme otages, les autres sont échangées contre des chevaux, et le reste est vendu, à l’enchère, comme bêtes de somme… Parmi ces femmes, il y en a souvent de très jolies», écrit le lieutenant-colonel Lucien de Montagnac.

Alors oui, n’en déplaise à une certaine opinion publique française, il y a eu des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie. Les faits historiques sont là à portée de main pour le vérifier.

La rédaction/Francetvinfo

1 COMMENTAIRE

  1. Vous dites :  » Décidément, il ne fait pas bon de défendre la vérité au moment où les relations entre l’Algérie et la France sont au plus mal. » …..
    C’est dans ce contexte justement que la gauche et l’extrême gauche Française vient au secours d’un régime mafieux et criminel Algérien aux abois, avec tout un tas de déclarations éclatantes dignes d’une complicité avérée avec ce régime illégitime qui joue sur la mémoire révolutionnaire contre le peuple Algérien. C’est dans les Aurès et en Kabylie que des villages étaient brûler au Napalm par des Hélicoptères surtout en Kabyle sans jamais renoncer à libérer toute l’Algérie. Sans remonter à cette période la Kabylie est brûler par deux fois ces dernières années par le régime car toujours rebelle.

    J.M. Apathie devrait parler plutôt de la situation du peuple Algérien et en particulier du peuple Kabyle qui subit un génocide identitaire sans parler des centaines de Kabyles emprisonnés arbitrairement dont certain à des condamnation à mort.
    Est ce que J.M.A avait dit quelque chose sur la révolution pacifique du peuple Algérien pendant quatre ans, arrêtée par le Covid ? N’a t il pas entendu ce peuple dire  » isiklal !  » comme avec la colonisation Française.

    Pour les Kabyles, ce régime est identifié depuis 62 comme étant de nature néocoloniale. Les Kabyles savent mieux que quiconque leur histoire pour avoir été les acteurs de 1er rang dans la révolution Algérienne . Les Kabyles ont toujours cherché à faire connaitre l’histoire de la révolution aux Algériens que bcp ignore, surtout les nouvelles générations formée par l’école fondamentale de l’amnésie mais jamais dans un esprit de vengeance ni de règlement de compte. Malheureusement il n y a pas que la révolution qu’il n’a pas faite que ce régime exploite comme fond de commerce, il y en a d’autres comme celui des Juifs, de l’islam, du Maroc etc…tous les moyens sont bon pour se maintenir au pouvoir.

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