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De l’amnistie fiscale

DECRYPTAGE

De l’amnistie fiscale

Le dicton populaire dit « qu’on ne faut pas cacher le soleil avec un tamis » ! C’est, actuellement, ce que certains tentent de faire avec cette affaire dite «d’amnistie fiscale ».

Commençons par définir le concept et le mettre « au soleil du jour » pour que tout un chacun comprenne bien de quoi il en retourne. Il s’agit, tout bonnement, de permettre à tous ceux qui ont, depuis l’indépendance à nos jours, commis une ou plusieurs infractions fiscales, d’être absous par une loi d’amnistie universelle et générale (1).

En d’autres termes, toutes les poursuites judiciaires à leur encontre seront éteintes et ils pourront recouvrer une activité normale et seront « protégés » contre tous les moyens de recouvrement mis à la disposition des administrations, judiciaire et fiscale.

Parmi les arguments avancés, tous les dix ans, par les tenants de cette amnistie, celui du retour en Algérie, des « capitaux expatriés » illicitement et le plus usité et qui suscite le plus d’engouement, en cette période de « vaches maigres ». Ainsi donc, la porte sera grande ouverte, à tous ceux qui ont pillé le pays des années durant, d’investir le produit de leur rapine au pays avec son impact sur la production de richesses et l’emploi.

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Cet argument pèse de tout son poids, entre les mains de ces « diseuses de bonnes aventures », qui proposent cette posture, en guise de potion magique, qui peut régler les problèmes économiques et financiers que le pays traverse. Ils ajoutent, tous en cœur, que c’est la condition sine qua non pour le retour des capitaux blanchis par cette procédure législative ! Moult exemples sont brandis, à travers le monde, dont celui des USA, qui ont permis, dernièrement, à leurs concitoyens de rapatrier leurs Fonds « placés » à l’étranger (2) illégalement, après paiement au Trésor public d’une taxe de « rédemption ».

Pourquoi pas en Algérie s’indignent-ils ? Sommes-nous plus prudes que les USA et certains autres pays ? En fait, ce qui n’est pas révélé au grand public, c’est que le réinvestissement en Algérie des capitaux illégalement expatriés n’est pas du tout évident, puisque les intéressés ont déjà investi ces derniers dans d’autres pays,  en Europe et en France en particulier.

 Mais l’amnistie fiscale, quant à elle, est définitive et permettra à ces voleurs « au col blanc » d’en jouir, c’est-à-dire, de ne point craindre d’être poursuivis, en Algérie ou et à l’étranger (3), pour leurs actes antérieurs de rapine et éventuellement de se voir privés des ces Fonds que l’on estime à plusieurs milliards de US$, à condition que les dossiers de poursuite soient bien ficelés, ce qui n’est pas une mince affaire et qui exige un travail de professionnels et de longue haleine. 

Enfin, le problème éthique prend toute sa proportion, à cet endroit et il est au cœur de la problématique. En effet, amnistier ces anciens délinquants, c’est indiqué aux futurs la voie à suivre, puisqu’une autre loi d’amnistie pourrait venir, après plusieurs années, effacer les poursuites, en direction de ces derniers, puisqu’il y aura maintenant un précédant !

C’est donc ouvrir la porte à la futur délinquance et ne plus distinguer entre le gestionnaire honnête et soucieux des intérêts de son pays et celui qui fait passer ses intérêts personnels et égoïstes avant ceux de son pays.

C’est, à plus d’un titre, « institutionnalisé » la rapine, la corruption, le détournement, le vol… dans nos mœurs économiques et financières qui vont certainement gangréner notre société, toute entière. Car cette décision aura un effet en cascade dans tous les actes de gestion et touchera toutes les institutions de l’État, le secteur public et privé confondus.

L’enjeu est donc colossal sur notre société, déjà très minée par les dossiers de corruption et autres scandales financiers actuels qui s’amoncellent devant nos tribunaux. Cette décision,  qui ne peut être que politique, finira par entamer définitivement la crédibilité de l’état, auprès de la population et nous conduira directement au banc des « républiques bananières » si ce n’est pas déjà fait ! Ceux qui auront à trancher le problème ne peuvent oublier qu’ils seront comptables devant l’histoire de notre pays, en acceptant ou en refusant cette proposition.

M.G. 

Notes

(1) La fiscalité en général et les autres taxes sont de l’ordre de loi et seules une autre loi peut y déroger. En général, il est de coutume de la proposer lors d’une loi des finances, normale ou complémentaire.

(2) Les paradis fiscaux, les pays-casino et autres pays gris, ont été ciblés par cette loi votée par le Congrès américain non sans une forte opposition. En outre, des pressions politiques et financières fortes, ont été exercées sur les pays récipiendaires comme la Confédération helvétique, le Luxembourg et des pays des Caraïbes.

(3) Les accords d’extradition, entre l’Algérie et certains pays, sont de nature à permettre à l’action judiciaire de juger et de rapatrier ces délinquants et le fruit de leur rapine, où qu’ils se trouvent.  

Auteur
Dr Mourad Goumiri, Professeur associé.

 




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