26 avril 2024
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De quelques conditions d’une sortie de crise

PROPOSITIONS

De quelques conditions d’une sortie de crise

Il ne fait pas de doute que l’Algérie vit un moment crucial de son histoire, un moment déterminant pour son avenir, à la fois porteur d’espoir mais aussi de dangers potentiels. Au-delà de la joie de voir le peuple – enfin uni ! – manifester dans la joie et le patriotisme retrouvé, il est important de faire preuve de vigilance et éviter de refaire les erreurs du passé.

Les divisions qui nous guettent et les risques de mauvais choix politiques sont trop importants pour prendre à la légère cette délicate période de transition entre le système politique hérité de la guerre d’indépendance et la deuxième république tant souhaitée. Il est donc important de récapituler les variables de l’équation susceptible de déboucher sur une solution positive à notre problème.

Le premier constat est que Bouteflika – et ceux qui se cachent (mal) derrière lui – a, son corps défendant, réussi la gageure d’unir de nouveau le peuple algérien autour d’un même objectif : soit, cette fois-ci, se débarrasser de lui-même et le système qu’il incarne depuis l’indépendance. Un système usurpateur, qui a confisqué l’indépendance du pays (arrachée au prix fort des griffes du colonialisme par d’autres personnes), et l’a géré de manière mafieuse, au service d’intérêts privés et claniques, où l’incompétence et la corruption en constituent les piliers principaux.

La dernière tentative d’unir le peuple algérien autour d’un objectif commun remonte au Congrès de la Soummam, où le couple Abane/M’hidi avait fait les nécessaires concessions pour rassembler toutes les forces politiques de l’époque vers un seul et unique objectif : la lutte pour l’indépendance. Malheureusement les comploteurs et futurs putschistes n’ont pas tardé à saboter cette union, allant jusqu’à assassiner son auteur.

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Le reste a été une suite logique de ce forfait dont les répliques sismiques n’ont pas cessé jusqu’à nos jours… Les manifestations d’aujourd’hui rappellent étrangement l’euphorie de celle de décembre 1961. Mais on connait la suite…  Coup d’État contre le GPRA, les années de plomb de Boumediène et sa SM, l’enlisement du pays dans la médiocrité et la dictature… La soif du pouvoir a toujours phagocyté les velléités d’émancipation de la société et réduit à néant les espoirs de démocratisation du système politique. Le printemps amazigh de 1980, la révolte de 1988, le printemps noir de 2001, la montagne a toujours accouché d’une souris.

Aujourd’hui, nous sommes à un moment encore plus déterminant pour l’avenir de notre pays. Par son entêtement surréaliste à s’accrocher au pouvoir (en dépit de son état de santé), la gabegie et l’arrogance de sa cour, Bouteflika a rendu un grand service au peuple algérien : il a accéléré la décomposition du système politique post-indépendance, causant son quasi-suicide et implosion. (Ce que même octobre 1988 n’avait pas réussi à faire).

Ironie du sort, celui qui a joué un rôle actif dans la confiscation de la souveraineté populaire en 1962 (coup d’État contre le GPRA), sera aussi – et à son corps défendant – celui grâce à qui le peuple algérien se réveille enfin, s’unit de nouveau, et récupère sa souveraineté. Aujourd’hui, cette page tant quasi-tournée, la question est dors et déjà celle-ci : quel système politique bâtir pour l’avenir?

Et c’est là que la vigilance doit être de mise, afin d’éviter de se faire avoir une nouvelle fois – comme au lendemain de 1988 -, et que le système mafieux ne fasse pas semblant de sortir par la porte pour revenir par la fenêtre, voire carrément faire sombrer le pays dans le chaos. Il faut absolument profiter de cette dynamique populaire pour construire un système politique moderniste, viable sur le long terme, et au bénéfice de tous.

Le point le plus crucial est de confier la gestion de cette transition aux bonnes personnes. Des gens compétents et intègres qui ne sont jamais ‘mouillés’ avec le Système. Et n’en déplaise aux mauvaises langues, il y en a beaucoup en Algérie! Il ya des gens qui militent pour la démocratie en Algérie depuis 1962!… C’est le moment de leur donner une chance.

Malheureusement, j’entends ici et là des gens scander le nom de Zeroual et autres dinosaures. Non, mais!… A-t-on la mémoire courte? C’est sous Zeroual/Ouyahia que la fraude électorale a atteint des sommets (1997). Zeroual a promis des élections propres en 1999, on sait ce qu’on a eu… (un Bouteflika ‘élu’ par la police politique). Non, l’Algérie de 2019 mérite mieux que le minable Zeroual comme président.

Quant à notre pseudo opposition (Benflis & cie) qui se réunit chez…Djaballah pour décider du sort du pays, c’est juste un scandale, une innommable forfaiture. Alors pourquoi pas chez Madani Mezreg, Kartali, Layada, Hattab, ou ressusciter Zouabri ou Gousmi?… C’est à Djaballah, Makri, Benhadj ou Abbassi qu’on va confier l’avenir du pays?… On n’est pas sortis de l’auberge! Alors autant réanimer Bouteflika.  

Enfin, j’espère que la raison finira par l’emporter. Dans ce cadre, et en guise de contribution, voici quelques éléments à prendre en compte dans l’optique de trouver une solution positive à notre équation :

Primo, comme l’a rappelé le chef d’État major de l’ANP, il faut que tout le monde fasse preuve de responsabilité. Donc à commencer par lui-même. En effet, le peuple algérien a prouvé sa maturité et son rejet définitif du système Bouteflika. Alors il serait irresponsable de sa part de se dresser contre son peuple, et continuer de soutenir le Président qui a perdu la raison (se préparant à prolonger son pouvoir de manière illégale et anticonstitutionnelle), au risque de plonger le pays dans le chaos.

Du coup, Gaid Salah a une opportunité inespérée de redorer le blason de l’ANP en la mettant enfin au service de la volonté populaire, à l’image de l’ALN pendant la Guerre. En effet, depuis Boukharouba (alias Boumediene) jusqu’à aujourd’hui l’Armée a toujours été la colonne vertébrale sur laquelle s’appuyaient les pouvoirs successifs (dont elle même choisi les têtes d’ailleurs). Il est temps que l’ANP cesse de jouer aux faiseurs de roi, pour revenir à sa mission naturelle de défense de la souveraineté populaire et de l’intégrité territoriale du pays.

Secundo, dans l’immédiat, la première chose à éviter c’est que les institutions se retrouvent dans l’illégalité. Donc, l’application de l’article 102 de la Constitution s’impose. Si Bouteflika ne renonce pas de lui-même d’ici la fin de son mandat (18 avril 2019), il faut l’obliger à respecter sa Constitution, quitte à lui faire une sorte de coup d’État médical (à l’image de ce qu’a fait Ben Ali à Bourguiba). Ce qui ouvrira une période de transition, laquelle doit être la plus courte possible (afin d’éviter l’effondrement de l’État).

Tertio, suite à la mise hors-jeu de Bouteflika, la période de transition doit être focalisée sur l’élection d’un nouveau président dans des conditions qui assurent sa légitimité. À mon avis, il faut éviter de tourner en rond dans des débats interminables dans ce projet de conférence nationale dont on ne voit pas vraiment ce qui peut en sortir de sérieux, rapide et positif. Il faut être concret et aller dans le vif du sujet.

Finalement, pour que le nouveau président soit élu dans des conditions acceptables de démocratie, il faut un certain nombre de préalables :

  • un gouvernement de transition chapeauté par une personnalité de l’opposition (dont l’indépendance du pouvoir actuel est connue et reconnue);
  • idem pour le Conseil constitutionnel et le Sénat, qui doivent être chapeautés par des gens intègres et indépendants du système Bouteflika.
  • Il ne restera alors qu’à épurer le fichier électoral, et confier l’organisation de l’élection présidentielle à une instance indépendante. 

Une fois le nouveau président élu, et en collaboration avec l’opposition politique, il aura la responsabilité d’élaborer une nouvelle constitution (à soumettre à référendum), laquelle fixera des règles d’exercice du pouvoir politique plus démocratiques. Ce qui passe nécessairement par :

  • la consécration du principe de séparation des pouvoirs (judiciaire, exécutif et parlementaire),
  • les libertés individuelles et collectives,
  • une répartition équilibrée du pouvoir politique (niveau national vs régional). Les walis (ou futurs gouverneurs de régions) doivent être des élus, donc qui doivent rendre des comptes à leurs électeurs, et non des bureaucrates nommés à Alger.
  • et enfin un minimum de prérequis démocratiques que tout candidat à un mandat populaire doit s’engager à respecter (ex. non-utilisation de la religion pour des fins politiques) pour avoir le droit de postuler à la représentation populaire.

Je suis persuadé que sans ces quelques garde-fous, l’Algérie est condamnée à répéter les erreurs du passé, voir à sombrer dans le chaos comme dans la décennie noire (mais cette fois-ci, je doute qu’il y a assez de forces vives pour affronter le tsunami obscurantiste).

Auteur
Mohand Ameziane, universitaire (Montréal).

 




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