Revoilà qu’on parle encore de la visite d’État du président Abdelmadjid Tebboune en France. Un véritable serpent de mer, celle-là ! Cette fois, c’est Ahmed Attaf qui l’évoque. Elle fait « toujours l’objet de préparatifs », a affirmé le ministre algérien des Affaires étrangères, précisant qu’elle dépend du règlement de cinq dossiers.
Jamais visite d’Etat n’a été aussi reportée, discutée, commentée dans l’histoire de la diplomatie algérienne. « En toute sincérité, les conditions de cette visite ne sont pas idoines », a soutenu Ahmed Attaf dans un entretien accordé mercredi soir à Atheer, la plateforme Youtube de la chaine qatarie Al Jazeera. Et pourquoi donc ?
Ahmed Attaf avance les raisons de ce renvoi aux calendes grecques : les dossiers de la mémoire, la mobilité, la coopération économique, les essais nucléaires français dans le Sahara algérien et… celui de la restitution de l’épée ainsi que le burnous de l’émir Abdelkader. Concrètement, à lire ces arguments, tous les dossiers algéro-français sont problématiques et n’arrivent pas à trouver un début de solution.
Alors même que « le président devait se rendre au Château d’Amboise où était emprisonné l’Émir Abdelkader (…) les autorités françaises ont refusé (de restituer l’épée et le burnous de l’Emir) arguant la nécessité d’une loi », s’est énervé le ministre des Affaires étrangères. On ne savait pas que l’importance des relations diplomatiques se mesuraient à l’épée et au burnous de l’Emir Abdelkader !
Mais il n’y a pas que ça manifestement. Il y a manifestement plus de raisons pour que Tebboune tire un trait sur cette visite que pour espérer la réaliser avant la présidentielle de décembre 2024.
La question des dommages des essais nucléaires français est aussi avancée par M. Attaf. Il a rappelé que l’Algérie demande « une reconnaissance des dommages causés » ainsi que « des indemnisations ». Voilà qui va susciter l’ire de la droite et l’extrême droite française.
Entre 1960 et 1966, la France a procédé à 17 essais nucléaires sur les sites de Reggane, puis d’In Ekker, dans le Sahara algérien. De documents déclassifiés en 2013 ont révélé des retombées radioactives importantes qui s’étendaient de l’Afrique de l’Ouest au sud de l’Europe.
« Nous ne sommes pas parvenus à des accords sur cinq grands et lourds dossiers. Mais nous continuons à travailler dessus », a toutefois tempéré le ministre des Affaires étrangères. Il a ajouté que les visites entre les responsables des deux pays se poursuivent pour préparer cette visite d’Etat.
Début août dernier, Abdelmadjid Tebboune avait déclaré que sa visite d’Etat en France était « toujours maintenue » mais dépendait « du programme » de l’Élysée, précisant, bravache, qu’une « visite d’État a des conditions ». Et il a ajouté qu’ « n’est pas une visite touristique ». Voilà qui nous rassure. On pensait que c’était une évidence.
Les relations algéro-françaises ont connu un regain de tension suite à la fuite d’Amira Bouraoui en France en février dernier avec l’aide des autorités de ce pays par la Tunisie.
Ce voyage officiel inscrit dans les papiers depuis début 2021 fait les frais de crises récurrentes entre Alger et Paris. Il était programmée d’abord début mai, puis avait été repoussée à juin, depuis aucune date n’est annoncée. Si en Algérie, on continue de reparler de cette visite à chaque occasion, en France Emmanuel Macron est passé à autre chose.
Entretemps, il est vrai, Tebboune a aussi visité la Russie où il a qualifié Poutine d’ami de l’humanité et a poussé son voyage jusqu’en Chine. Le président algérien avait tenté de convaincre les dirigeants de ces deux pays d’accepter la candidature de l’Algérie aux Brics. En vain.
Sofiane Ayache