L’affaire qui agite ces derniers jours le petit monde de l’édition algérienne laisse perplexe.
Deux éditrices, connues dans le milieu culturel — la poétesse Saliha Mellizi, directrice des éditions Le XXIᵉ siècle ( épouse du journaliste et écrivain, Abdelaziz Gharmoul, critique envers le pouvoir) et Meriem Aziri, à la tête des éditions Erraed ont été placées sous mandat de dépôt à la prison de Koléa, sur décision du tribunal de Bir Mourad Raïs.
Leur tort ? Avoir commenté, sur Facebook, des publications au sujet de la présidente du Croissant-Rouge algérien et du Conseil national de la société civile, Mme Ibtissem Hamlaoui.
Les faits, rapportés par plusieurs sources judiciaires, remontent à l’été dernier. Sur les réseaux sociaux, des rumeurs avaient circulé au sujet de Mme Hamlaoui : retrait de passeport, interdiction de voyager, voire accusations de “collaboration”. Des informations démenties formellement par l’intéressée — qui, dans un entretien téléphonique accordé au journaliste, Abdelaali Mazghiche, le 26 juillet dernier, avait qualifié ces allégations de “mensongères et malveillantes”.
Convaincues de la véracité de ces publications, les deux éditrices auraient relayé certains de ces contenus et ajouté quelques commentaires, que Mme Hamlaoui a interprétés comme une atteinte à son intégrité en tant que fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions. Une qualification pénale lourde, qui soulève bien des questions : comment une opinion exprimée sur une plateforme sociale, fût-elle maladroite ou mal informée, peut-elle relever du registre de “l’injure à un fonctionnaire” ?
L’audience est fixée au jeudi 6 novembre. Selon une source proche du dossier, Mme Hamlaoui aurait toutefois l’intention de retirer sa plainte, ouvrant la voie à une issue plus apaisée.
Au-delà de ce cas particulier, l’affaire interroge sur la judiciarisation croissante de la parole numérique dans un contexte où les frontières entre critique, opinion et diffamation deviennent floues. Peut-on encore s’exprimer librement sur les réseaux sociaux sans risquer la prison ? Et où commence, exactement, “l’atteinte à l’intégrité d’un fonctionnaire” ?
En attendant la décision du tribunal, une chose est sûre : cette affaire, aussi singulière que révélatrice, met en lumière la fragilité de l’expression publique, en Algérie, à l’ère des réseaux sociaux — un espace où le simple partage d’une information erronée peut, soudain, prendre les allures d’un crime.
La rédaction

