4 décembre 2024
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Deux Nobel, l’honneur des femmes et le triomphe de l’humanisme

REGARD

Deux Nobel, l’honneur des femmes et le triomphe de l’humanisme

Depuis des décennies nous assistons à l’agonie de ce qu’on appelait dans ma jeunesse le tiers-monde. Ni l’Université, ni le pétrole ni le temps n’y ont rien changé. Mais par moments isolés pointe un espoir qui nous garde encore en confiance envers l’humanité. Les deux prix Nobel 2018 font partie de ces rares lumières qui arrachent la vie aux ténèbres.

Rien ne m’a plus réjoui que la nomination de deux prix Nobel de la paix qui redonnent du sens à cette récompense honorifique qui s’était souvent perdue dans les nominations de personnalités politiques. Le prix Nobel de la paix a été décerné cette année conjointement à Nadia Mourad et Denis Mukwege pour leur combat contre l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre. Le comité Nobel norvégien a donc décerné ce prestigieux prix à deux lauréats, ce vendredi 5 octobre à Oslo.

La première, Nadia Mourad, n’a que vingt cinq ans, c’est dire que le courage et l’opiniâtreté n’attendent pas chez certaines personnes, hors du commun. Le comité Nobel déclare qu’elle s’est distinguée par « son courage rare en racontant ses propres souffrances et en s’exprimant au nom des autres ».

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Cette jeune femme fut effectivement l’une des trois milles femmes Yézidies qui ont subi l’atrocité de barbares se revendiquant d’un message religieux les autorisant à de telles pratiques immondes. L’armée de Daech a commis en cette circonstance l’une des atrocités les plus notoires de cette bande d’abrutis assassins qui se sont mis hors de l’humanité.

Il faut rappeler que cette malheureuse fut nommée, en 2016, ambassadrice de l’ONU pour la dignité des survivants de la traite des êtres humains. Elle s’est parfaitement acquittée de cette tâche ce qui a permis une notoriété sans doute à l’origine de la récompense du prix Nobel. Nous ne pouvons que nous incliner pour ce choix qui ne souffre d’aucune critique possible.

Le second bénéficiaire du prix Nobel, le congolais et gynécologue, Denis Mukwege, a pour sa part un profil d’ancien combattant dans la cause qui lui vaut aujourd’hui la consécration puisqu’il a 63 ans. Bien que le gouvernement de la capitale le couvre de félicitations depuis l’annonce du prestigieux prix, on peut dire que le bal des hypocrites a commencé envers ce provincial qui n’a pourtant jamais été soutenu.

Bien au contraire, après des menaces constantes, il fut agressé sévèrement en 2012 alors qu’il rentrait à son domicile. Son  gardien fut abattu et sa voiture incendiée. Il fut ligoté et sauvé de justesse par les habitants du quartier. Depuis, les menaces n’ont jamais cessé et son ami médecin, formé par lui même à cette cause militante, fut abattu par balles.

Cependant, il faut bien que le lecteur comprenne la démarche de l’auteur de cet article. Dans les conditions épouvantables des sociétés dans lesquelles sont plongés ces hommes et ces femmes on ne peut avec certitude séparer le côté lumière et les zones d’ombre éventuelles. Dans ces contrées où la démocratie est interdite de séjour, la vérité absolue et transparente n’est jamais possible, dans un sens ou dans un autre.

Mais les démocrates et humanistes honorent les individus pour leurs actions, ils ne les sanctifient pas et ne recherchent pas jusqu’aux recoins des âmes. On peut donc se tromper comme ce fut le cas pour Aung San Suu Kyi mais il faut en prendre le risque et distinguer les actions humaines méritoires avec l’éventualité de zones d’ombres. Il ne s’agit ici nullement d’une allusion aux Nobel de cette année mais d’une réflexion générale, en tous endroits et toutes époques lorsqu’il s’agit de contrées mouvementées.

Il n’empêche que ces deux personnes ont objectivement sacrifié leur vie, à des âges différents, pour une cause des plus nobles. La violence barbare qui sévit en Afrique comme dans d’autres régions du monde est tout simplement le contraire absolu de l’humanité. Les viols et autres maltraitances horribles perpétrés contre les femmes sont la négation de toute civilisation. Ils le seraient pour tout être humain mais cette explosion bestiale envers les femmes dénote particulièrement les profondes  pathologies de certains, mis à l’écart par eux-même du banc de l’espèce humaine.

En attendant, dans le pays qui m’a vu naître, une atrocité est en vigueur, le code de la famille. Que des femmes soient, au vingt et unième siècle, l’objet d’un traitement juridique de ce niveau d’ignominie me révulse. Qu’une compatriote soit assimilée à une demi-part et reste considérée comme une mineure placée sous la responsabilité des « mâles » de la famille est tout simplement contraire aux fondements de l’humanité, arrachés de haute lutte à l’obscurantisme des siècles.

La guerre contre le code de la famille en vaut une autre, dans son objectif comme dans l’horreur de l’ennemi à combattre. Cela vaudrait bien un Nobel collectif pour les Algériens si nous arrivions à l’éliminer de toute mémoire humaine.

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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